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"Game of Thrones" : quand l'auteur découvre la fin de sa saga sur le petit écran

La série "Game of Thrones", basée sur la saga imaginée voici plus de vingt ans par l'écrivain américain George R.R. Martin, est sur le point de s'achever : la 8e saison sera diffusée le 14 avril aux Etats-Unis, le 15 avril en France. Mais, phénomène inédit dans l'histoire de la littérature, c'est sur le petit écran que l'auteur découvrira la fin de son histoire, qui lui reste encore à écrire.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Publié Mis à jour
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La 8e saison de Game of Thrones
 (HBO)

Quand la série télé prend de l'avance sur le romancier

"Evidemment, j'aurais aimé finir ces livres plus tôt, de sorte que la série ne me dépasse pas. Je n'avais pas anticipé ça", regrettait début mars George R.R. Martin auprès du magazine Entertainment Weekly. Au début de la diffusion de l'adaptation télévisuelle au printemps 2011, l'auteur avait publié seulement quatre des sept romans composant la série du "Trône de fer" ("A Song of Ice and Fire", en version originale). Le cinquième tome est sorti en juillet 2011 mais les fans attendent toujours les deux derniers, dont la date de publication reste inconnue.

Quand J.K. Rowling a vendu les droits de "Harry Potter", sa série n'était pas non plus achevée mais la romancière britannique, contrairement à George Martin, a pu écrire le dénouement avant de le voir à l'écran, observe Nicolas Allard, auteur du livre "L'univers impitoyable de Game of Thrones" paru en France en 2018. Pour ce professeur de lettres, le cas de GoT est tout simplement un "phénomène inédit". George Martin, 70 ans, a certes fourni voici longtemps aux concepteurs de la série, David Benioff et Daniel Weiss, les éléments nécessaires pour aller au bout de l'intrigue, au cas où il disparaîtrait prématurément. Mais absolument rien ne garantit que cette saga télévisée au succès planétaire connaîtra bien l'issue qu'il avait initialement prévue.

"Je n'ai pas lu les scripts" de la huitième et dernière saison écrite par Benioff et Weiss, dont la diffusion débute le 14 avril, a assuré l'auteur. "Je connais certaines choses. Mais il y a beaucoup d'intrigues concernant des personnages mineurs qu'ils ont eux-mêmes imaginées. Et, bien sûr, ils m'ont dépassé voici plusieurs années. Il peut y avoir des divergences importantes", a-t-il relevé. Selon des experts interrogés par l'AFP, non seulement l'écrivain n'est pas tenu de suivre la voie choisie par la télévision pour les deux tomes lui restant à publier mais il y a de fortes chances pour qu'il décide de s'en éloigner.

Renversement créatif unique

"Contractuellement, il avait obligation de fournir le dénouement et des pistes sur ce qui devait se passer. Mais il a encore toute liberté pour choisir une fin différente. Ce serait la première fois qu'un tel coup de théâtre se produirait dans la littérature", estime Nicolas Allard. "Par exemple, après le tome 5, Jon Snow pourrait ainsi vraiment mourir de son coup de poignard plutôt que d'être ressuscité comme dans la série télévisée", dit-il à l'AFP. La fin des romans "doit être différente" de celle de la série, renchérit Sarah Mesle, qui enseigne l'écriture à l'Université de Californie du Sud (USC).

"Même si George Martin s'en tient à son plan initial, il ne peut pas ignorer comment les téléspectateurs ont réagi à tel ou tel rebondissement, s'ils aiment certains personnages et pas d'autres", explique-t-elle à l'AFP. "Faire de gros changements pourrait même lui permettre de reprendre la main" sur son oeuvre.

Car l'écrivain, qui fut lui-même longtemps scénariste pour la télévision, n'a pas toujours été satisfait des choix de l'adaptation.
"George Martin a été très mécontent par exemple que, dans la 6e saison, on révèle l'origine des Marcheurs blancs. Il voulait être le premier à le faire, dans ses romans", souligne Nicolas Allard. "Maintenant, c'est un peu comme s'il considérait que romans et série télé constituent deux matériaux artistiques différents. Il n'y a pas de désamour mais un certain détachement de sa part", analyse-t-il.
 
"On a le sentiment qu'il attend que la série soit terminée, par crainte de souffrir d'une comparaison entre la série et ses livres", ajoute M. Allard. Par ce renversement créatif unique, "c'est la télévision qui deviendrait la référence et non plus l'oeuvre littéraire originale". Trop tard, affirme Sarah Mesle: "Quoi qu'il arrive, que Martin finisse la série ou non, les romans vont maintenant devenir une adaptation de la série télé. On ne peut rien y faire."

George Martin reste quant à lui déterminé à aller au bout de son oeuvre: "C'est la fin pour beaucoup de gens, mais pas pour moi. Je suis encore en plein dedans", promet-il.
 
 

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