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Risée de la cour d'école, showman précoce, "Tom Cruise français"... Les mille et une vies de Kev Adams (Alad'2)

Article rédigé par Benoît Jourdain
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Kev Adams lors de la présentation du film "Alad'2" au Grand Rex à Paris, le 21 septembre 2018. (HENRI COLLOT/SIPA)

"Alad'2", probable futur carton au box-office, marque le retour au cinéma de Kev Adams. Son humour est sorti des cours de récréation pour envahir la France. Retour sur cette déferlante.

Jamel Debbouze, Ramzy Bedia et Eric Judor, le trio star de l'humour de la fin des années 90, est à l'affiche d'Alad'2, en salles depuis mercredi 3 octobre. Mais ne vous y trompez pas, la véritable star du film n'est pas à chercher parmi eux. L'Aladin de ce film, suite du carton de 2015 (Les Nouvelles aventures d'Aladin), n'est autre que Kev Adams.

A 27 ans, l'humoriste, qui a fait ses armes sur scène et le petit écran, est aujourd'hui un acteur bankable capable de monter un projet sur son seul nom et dont la présence sur l'affiche est souvent promesse de succès. Comment l'enfant, moqué par ses camarades à l'école, est-il devenu l'un des poids lourds de la comédie française ?

Neuilly et sa mère

Pour Kev Adams, tout commence dans la cour de récréation. Kevin – parce que sa mère adorait Kevin Costner – Smadja est la risée de ses camarades de classe. Surnommé "calculette" pour son acné et "trident" pour son appareil dentaire, affichant un léger embonpoint, il va découvrir que grâce aux vannes "les gens font abstraction du physique", comme il le raconte à Libération. Dans son fief de Neuilly (Hauts-de-Seine), il oublie ses complexes en faisant rire et balaie l'étiquette d'une enfance dorée.

Cinq dans un 90 m2, même à Neuilly, j’appelle pas ça rouler sur l’or.

Kev Adams

à Libération

"On n’a jamais manqué de rien, mais on n’a jamais eu plus que ce qu’on devait avoir", précise-t-il. Fils d'un père qui travaille dans l'immobilier et d'une mère dans la finance, il choisit sa voie lorsqu'il découvre Titanic au cinéma. Il a sept ans et sort de la salle avec un rêve en tête : "Etre Leonardo DiCaprio." "C'est comédien", rétorque sa mère. Mais, pour elle, pas question d'attendre l'inspiration affalé sur le canapé familial. "C'est ta vie, ton choix. Mais moi, je bosse. Je pars le matin à 7h30 et je rentre à 19 heures. Tu feras comme moi", lui lance-t-elle. Kev Adams plonge dans le grand bain : cours de théâtre, MJC, castings... 

Ces derniers n'étant pas un succès, l'adolescent opte pour la scène. Il a 17 ans quand il écrit son premier spectable The Young Man Show. Un bac littéraire en poche, il déserte vite les cours de droit de l'université de Nanterre pour se consacrer entièrement à sa carrière. Pendant que les gens de son âge essuient les bancs de la fac, lui teste ses blagues devant des dizaines de personnes sur des scènes ouvertes, où des humoristes en herbe ont cinq minutes pour convaincre. 

Il tape alors dans l'œil d'Elisa Soussan. "Je l’ai remarqué dès qu’il est monté sur scène. Il dégageait quelque chose de fort. Et il avait un sens de l’observation incroyable", admire la productrice au ParisienSes confrères louent son aisance. "Monter seul sur scène, c'est quelque chose de traumatisant. Je pensais que Jamel [Debbouze] était précoce, mais [Kev Adams] a commencé encore plus jeune. Si ça, ce n'est pas être ambitieux...", assure à franceinfo Eric Judor, partenaire de jeu sur Les Nouvelles aventures d'Aladin et sa suite.

La télévision comme tremplin

Armé de cette petite expérience, Kev Adams développe sa notoriété en écumant, dès 2010, le plateau de l'émission de Laurent Ruquier, On ne demande qu'à en rire, après avoir été repéré sur scène. "Il était déjà plus professionnel que les autres, il ne laissait pas de place au hasard, se souvient l'animateur, joint par franceinfo. Son personnage pour les adolescents était déjà d'une efficacité redoutable." 

A la manière d'un Franck Dubosc, qui entamait ses sketchs par "Bonjour, je suis Franck Dubosc", le jeune humoriste capte l'attention avec son t-shirt siglé "I Love Kev Adams". Et devient vite le "chouchou" des téléspectateurs. Après 23 passages, le jeune humoriste quitte l'émission en avril 2011. Mais ce court passage booste sa carrière. "Cette émission a été un tremplin, un accélérateur et il a eu l'intelligence de s'arrêter au bon moment", analyse Laurent Ruquier.

La suite tient en quatre lettres : Soda, le verlan pour "ados". Ce programme court, diffusé sur W9 entre 2011 et 2015, est un carton. Jim Ben Soussan, réalisateur sur la série, se souvient d'un "rouleau-compresseur" "Kev marche à l'énergie et emporte les autres", raconte-t-il à franceinfo. La personnalité du jeune homme convainc les producteurs et la chaîne de se lancer dans ce projet. "Lorsque Elisa Soussan, sa productrice, nous a abordés via sa société Calt, avec ce projet de série sur une bande de jeunes, nous étions dubitatifs. Kev n'avait que 17 ans. Mais dès que nous l'avons vu, nous avons été bluffés par sa maturité et son relationnel avec le public", rapporte Philippe Bony, directeur général adjoint des programmes chez M6 au Figaro.

"Ça peut mettre la rage à un mec qui galère depuis dix ans"

La fusée Kev Adams est définitivement lancée. Avant de le côtoyer sur les plateaux de tournage, Eric Judor regardait avec curiosité "ce petit jeune tout frais, qui n'avait pas froid aux yeux". "Cela me rappelait l'énergie qu'on avait à nos débuts dans H [série humoristique de Canal+ réunissant Jamel et Eric & Ramzy)", embraie-t-il. Mais tous les humoristes n'ont pas eu cette bienveillance car, avec le succès, viennent les premières critiques. "Il y a eu beaucoup de jalousie, car sa réussite a été rapide", confirme Laurent Ruquier.

Je n'ai pas été très bien vu et je peux le comprendre. Un gamin qui débarque dans ce monde à 17 ans et demi, signe un contrat un an plus tard et dans la foulée joue à l'Olympia, reste deux mois chez Ruquier, monte un programme qui cartonne sur W9, ça peut mettre la rage à un mec qui galère depuis dix ans.

Kev Adams

à Télé Obs

A cette époque, il enchaîne tournages, scènes et tournées. En 2013, il perce enfin sur grand écran, attirant par sa seule présence au casting, 3,9 millions de spectateurs pour Les Profs. La même année, son duo avec Franck Dubosc dans Fiston rassemble 1,9 million de spectateurs. Deux ans plus tard, il atteint les sommets avec Les Profs 2 (3,2 millions de spectateurs) et Les Nouvelles aventures d'Aladin (4,4 millions de spectateurs), soit les deux plus gros succès français de l'année. Une preuve que Kev Adams sait rassembler au-delà de sa cible première. "Je n'ai pas honte du tout d'être l'humoriste des enfants ou des ados, bien au contraire, c'est un public génial. Ce qui m'énerve, c'est d'être réservé pour ces gens-là", confie-t-il à l'AFP.

Si, depuis, les films qu'il a portés (Gangsterdam, Tout là-haut, Amis publics ou Love addict) n'ont pas dépassé le million d'entrées, Eric Judor défend son bilan. "Si Kev Adams est une garantie de succès ? Ce qui est sûr, c'est qu'Eric Judor ne l'est pas, rigole-t-il, en référence à l'échec de son film Problemos. Il monte des projets sur son seul nom, il a déjà le sens des responsabilités, il est largement au-dessus du lot. Les cartons des Profs 1 et 2, d'Aladin... Ils ne sont pas des masses à faire ça. Il y a lui, Philippe Lacheau (Babysitting 1 et 2) et Omar Sy".

Seule ombre dans ce tableau idyllique, son sketch intitulé Les Chinois avec Gad Elmaleh. Issu de leur spectacle Tout est possible, joué sur scène en 2016, ce sketch avait déclenché une polémique : de nombreux spectateurs l'ont jugé raciste. Une entorse à la règle qu'il s'était fixée comme le rappelait Libération dans le portrait qui lui était consacré : l’humour s’arrête là où il "blesse les gens".

"Un Tom Cruise français"

A 27 ans, Kev Adams, qui se rêvait en Jack Dawson malgré une chevelure plus hasardeuse, est désormais à la croisée des chemins : grandir tout en gardant son public et convaincre d'autres tranches d'âge. Un défi à sa portée : "Il a quand même la chance de voir son public vieillir en même temps que lui", observe Laurent Ruquier, qui y voit "la vedette" du moment. Pour le réalisateur Jim Ben Soussan, il ne fait aucun doute que Kev Adams réussisse : "Des jeunes, beaux mecs, charismatiques, il n'y en pas beaucoup. C'est un Tom Cruise français !"

L'intéressé rêve d'un destin presque aussi grand de l'autre côté de l'Atlantique. Il a ainsi tenté l'aventure des castings pour Star Wars VII : Le Réveil de la force et Terminator Genisys. En 2015, il a eu un vrai avant-goût d'Amérique en exportant son deuxième spectacle Voilà, voilà sur tout le territoire. "Il y a de l'engouement pour lui ici, c'était une curiosité. On était curieux de voir ce qu'il était capable de faire", témoigne Franck Bondrille, producteur français basé à Miami et contacté par franceinfo.

Cet été, l'acteur et humoriste a enfin fait ses premiers pas sur les écrans américains, en donnant la réplique à Mila Kunis lors d'une scène du film L'Espion qui m'a larguée. Comme elle l'a confié à l'édition suisse de 20 minutes, l'actrice ignorait tout du Français avant de tourner avec lui : "Kev Adams, c'est qui ?" En France, tout le monde a la réponse.

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