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Un saisissant "Voyage virtuel de Palmyre à Mossoul" à l'Institut du monde arabe

L’Institut du monde arabe (IMA) à Paris propose jusqu’en février 2019 un “voyage virtuel” dans quatre cités millénaires du Proche-Orient et d’Afrique, menacées par la folie des hommes. Cette exposition très vivante, obtenue grâce à des technologies numériques de pointe, procure au visiteur l’étrange sensation de se promener sur les sites anciens.
Article rédigé par franceinfo
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  (ICONEM / DGAM)

La caméra, dont l’image est projetée sur un immense écran, passe au-dessus des ruines et des rues de Mossoul écrasées par les bombes. L’effet est saisissant. Depuis 2003, la grande ville du nord de l’Irak est plongée dans une guerre sans fin qui a fait des centaines de milliers de morts. De 2014 à 2017, elle a été occupée par l’organisation Etat islamique. Lequel a notamment dynamité des monuments jugés “hérétiques” comme la mosquée al-Nouri, construite au XIIe et célèbre pour son minaret penché. Ou l’église Notre-Dame de l’Heure, édifié vers 1870 et connue pour son horloge offerte par l’impératrice française Eugénie en 1880. 


Des photos sépia, projetés sur les murs latéraux de la salle, montrent le Mossoul d’“avant”, celui d’une époque révolue. Une ville musulmane depuis la conquête arabe en 641 de notre ère. Mais aussi chrétienne depuis le IIe siècle de notre ère. Et juive avant le VIIe siècle. 

Le Tigre et la ville de Mossoul (Irak)
 (ADPF - Fonds Mossoul)

“Cités millénaires” martyrisées par la guerre et le djihadisme

Mossoul, mais aussi Palmyre et Alep en Syrie, Leptis Magna en Libye… Autant de “cités millénaires” martyrisées par la guerre et le djihadisme, menacées par les pilleurs. Autant de sites, présentés dans le cadre de l’exposition, “emblématiques de beaucoup d’autres, du fait de leur histoire longue et complexe, de l’imaginaire qu’ils véhiculent, mais aussi de la beauté de leurs monuments”, explique le “guide du visiteur”.

Des technologies numériques de pointe, développées par la start-up Iconem, qui travaille notamment avec des drones, livrent d’impressionnantes images et reconstitutions en 3D. Dans la dernière partie de l’exposition, le visiteur se voit proposer un casque spécial pour découvrir plus particulièrement six sites. Il a alors l’étrange impression de se promener au milieu des ruines. Emotion garantie !

Il peut ainsi arpenter ce qui reste des célèbres souks d’Alep (nord de la Syrie), incendiés en 2012. 

Au tournant des Xe et XIe siècles, le grand poète syrien Abul ʿAla Al-Maʿarri (973-1057) écrivait que la cité “est pour celui qui y arrive un jardin d’Eden, et pour ceux qui s’en éloignent un feu ardent”. Un millénaire plus tard, Alep est méconnaissable. Le front passait par la vieille ville. Laquelle a été détruite “entre 20 et 45%”, rapporte le “guide du visiteur”. La minaret de la célèbre mosquée des Omeyyades, construit en 1090, s’est effondrée. “Nous avons perdu quelque chose de très précieux: une histoire et une civilisation”, constate un ancien habitant d’Alep qui livre son témoignage sur un écran. 

 Cachez ces peintures et ces sculptures...

Le propos vaut pour d’autres sites. A commencer par Palmyre, perle du désert syrien et cité de la mythique reine Zénobie. A partir de 2015, les membres de l’organisation Etat islamique ont détruit méthodiquement des monuments comme les temples de Bêl et de Baalshamin (Ier siècle de notre ère).

Des photos montrent comment les djihadistes se sont installés dans des tombeaux antiques. Une certaine tradition islamique interdisant les images figuratives, ils ont badigeonné des peintures murales représentant des personnages humains. Et caché derrière des couvertures les sculptures des sarcophages.

Autre site présenté dans le cadre de l’exposition: Leptis Magna en Libye. Un film numérique permet de découvrir ce qui était sans doute l’une des plus belles villes du monde romain, aux splendeurs souvent mal connues. Fondé au VIe avant notre ère par les Phéniciens, la ville a été embellie par l’empereur Septime Sévère, qui y était né en 146 de notre ère. Résultat : de nos jours, on peut admirer le “forum sévérien”, la “basilique sévérienne”…  A surtout ne pas manquer: la visite virtuelle, casque sur la tête, de cette imposante basilique, longue de 92 mètres, large de 42 mètres (et haute de 30 mètres dans l’Antiquité) ! 


Reconstruire ou pas ?

Pour l’instant, Leptis Magna n’a pas été touchée par les combats meurtriers qui se déroulent en Libye. Mais outre les pillages, la cité, installée sur la côte méditerranéenne, est menacée par la montée des eaux et le manque d’entretien. 
Le temple de Bêl à Palmyre après sa destruction
 (ICONEM / DGAM)

Question qui se pose pour les monuments endommagés ou détruits: faut-il les reconstruire? Pour des édifices comme les temples de Palmyre, ce n’est pas réalisable, explique Michel Al-Maqdissi, chercheur au musée du Louvre et ancien directeur à la direction générale des Antiquités de Syrie, dans un témoignage retransmis dans l’exposition. “On ne peut pas revenir en arrière. Il faut admettre la réalité. (Ces évènements) appartiennent à l’histoire de ces monuments”, poursuit-il.

Une histoire dont les chercheurs peuvent compléter la connaissance en fouillant sous les sites détruits. Ce qui permet de faire des découvertes inattendues, par exemple à Mossoul, sous le mausolée de Nabi Younes, connu aussi sous le nom du prophète Jonas (celui qui a séjourné dans la baleine) et reconnu par les trois religions du Livre. Sous les ruines de l’édifice, dynamité par EI en juillet 2014, on a ainsi mis au jour des vestiges du palais du roi assyrien Assarhaddon, datant du VIIe avant notre ère. Des vestiges souterrains que le visiteur peut, là encore, découvrir casque sur la tête. Comme un pied de nez à ceux qui ont détruit le mausolée.
L'affiche de l'exposition "Cités millénaires. Voyages virtuels de Palmyre à Mossoul"
 (IMA)

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