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Un chef-d'œuvre oublié au cœur d'une église parisienne sauvé et restauré grâce à quatre étudiantes

Des étudiantes de la Sorbonne se sont mobilisées aux côtés de la fondation de la Sauvegarde de l’Art français pour sauver une peinture murale au cœur de l’église Saint-Vincent-de-Paul à Paris. Lundi, la peinture sera dévoilée au public.
Article rédigé par Rudy Degardin
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
"L'Adoration des bergers" à l'église Saint-Vincent-de-Paul, en cours de restauration. (Jean-Marc Moser/COARC/Ville de Paris)

Les bergers, encrassés, faisaient bien pâle figure devant un Christ sans dorure. À quelques pas de la gare du Nord, dans la chapelle de la Vierge de l’église Saint-Vincent-de-Paul, l'Adoration des bergers de Bouguereau avait besoin d'un bon coup de peinture. En cause : les cierges, la pollution, l’humidité, mais aussi le désintérêt et l’oubli du peintre. William Bouguereau était un des artistes majeurs du paysage parisien dans la dernière moitié du XIXe. Mais "la réception critique de ses œuvres n'a pas été au diapason des honneurs qui lui étaient rendus à cette époque", explique Louise Delbarre, conservatrice du patrimoine à la mairie de Paris en charge du chantier.

Le chantier mené par la ville de Paris à l'église Saint-Vincent-de-Paul s'est achevé en juin dernier. (Jean-Marc Moser/COARC/Ville de Paris)

Les personnages dessinés par Bouguereau ont été tournés en ridicule, comparés à du pain d’épice, de la porcelaine... Éclipsés par les Impressionnistes, tous ces peintres dit académiques furent condamnés à l’oubli, malgré leur omniprésence dans les églises parisiennes.

Des jeunes se mobilisent

Depuis, l’intérêt pour ces peintres resurgit. Quatre étudiantes en histoire de l’art (Mathilde Descamps Duval, Margot Lecocq, Sofia Barilari et Margaux Halet) - parrainées par Claire de Lesquen de la fondation de la Sauvegarde de l’art français - se sont mobilisées pour la restauration de l'Adoration des bergers, l'une des huit œuvres de la chapelle peinte en 1881 par Bouguereau. "Ça nous tenait à cœur de faire redécouvrir des œuvres qui sont un peu cachées, que le public n'a pas forcément l'habitude de venir voir", confie Sofia Barilari, l’une des étudiantes.

De gauche à droite : Sofia Barilari, Mathilde Descamps Duval, Margaux Halet et Margot Lecocq, étudiantes à l'Université Paris Sorbonne. (DR)

Après plusieurs mois de collecte auprès des paroissiens, des commerçants locaux, mais aussi des mécènes étrangers, les quatre jeunes ont réussi en mai dernier à réunir les 5 000 euros nécessaires afin de compléter la somme prévue à la restauration de l’œuvre (soit 40 000 euros). La Ville a alors financé l'échafaudage et mené le chantier avec l'équipe de la restauratrice Alina Moskalik-Detalle, spécialiste de la peinture murale. Quelques mois plus tard, au fond de la chapelle, toute la délicatesse du trait de Bouguereau se révèle peu à peu.

Déroulez le curseur de gauche à droite pour découvrir une des parties de l'Adoration des bergers de William Bouguereau enfin restaurée.

Margot Lecocq, une des étudiantes, s’émerveille : "C’est si lumineux. C’est un véritable choc visuel. Je me rends compte que je ne connaissais pas du tout la peinture". À quelques pas, la conservatrice ajoute : "Ces dix dernières années, il y a eu de nombreuses restaurations de peintures murales dans les églises parisiennes. Leur mauvais état de conservation ne permettait plus d’avoir une vraie lisibilité, non seulement des sujets, mais aussi de la manière de peindre des artistes. Aujourd'hui, on les redécouvre littéralement", s'enthousiasme-t-elle.

La peinture murale "L'Adoration des bergers" de William Bouguereau, après restauration. (Jean-Marc Moser/COARC/Ville de Paris)

"Un effet boule de neige"

Alors que L’Adoration des bergers était en cours de restauration, la Sauvegarde de l’art français a décidé de poursuivre la campagne de mécénat pour sauver La Visitation, l'autre partie du diptyque. Paul Percetti, responsable du mécénat à la Ville de Paris, raconte : "Il y a eu un effet boule de neige. La fondation s’est dit : Ce n’est pas possible. On a un échafaudage qui va rester pour la durée du chantier. On a le mur qui est encore noir juste à côté. N’en restons pas là".

Si cet élan de solidarité permet à présent de retrouver les couleurs originelles des deux peintures, de nombreuses autres - dont six appartenant au cycle de Bouguereau - attendent à leur tour d'être restaurées."Si on s’y mettait maintenant, sans s’arrêter, et qu’on montait tous les échafaudages, il nous faudrait au moins vingt ans, lance Françoise Joseph, restauratrice sur le chantier. Mais puisque ce n’est pas possible de tout restaurer, on va faire petit bout par petit bout. Et puis un jour [lointain], on aura la vision globale de cet objet qui est si beau".

La chapelle de la Vierge à l'église Saint-Vincent-de-Paul, en juin 2023. (Jean-Marc Moser/COARC/Ville de Paris)

Cette église construite en 1824 par Jacques Hittorff - architecte de la gare du Nord, de la place de la Concorde et du Cirque d'Hiver - est un véritable joyau du néoclassicisme français. Au moment où l'on apprend que les monuments antiques étaient colorés, les peintres les plus réputés sont alors invités à faire de même dans les églises parisiennes. Aux œuvres de William Bouguereau, les frises d'Hippolyte Flandrin, élève d'Ingres, valent le déplacement.

Par leur mobilisation, les étudiantes espèrent inspirer d'autres restaurations. "Certains habitants du quartier ne connaissaient pas du tout ces peintures et nous ont raconté qu'ils étaient allés les voir après notre passage, souligne Margot Lecocq. Peut-être vont-ils à leur tour s’interroger devant des œuvres qui ne sont pas forcément dans un bon état de conservation, se demander : qu'est-ce que je peux faire à mon niveau pour aider ?".

Lundi 10 juillet à 11h, le public est invité à découvrir la restauration de L’Adoration des bergers et de La Visitation par William Bouguereau, en présence de Karen Taïeb (Adjointe à la Maire de Paris en charge du patrimoine, de l’histoire de Paris et des relations avec les cultes), Alexandra Cordebard (Maire du Xe arrondissement), Olivier de Rohan Chabot (Président de la Sauvegarde de l’Art Français).

Église Saint-Vincent-de-Paul, 3, rue Bossuet, Paris, Xe

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