Quand le mammouth vivait sur les bords de la Marne
Toutes les photos du mammouth de Changis-sur-Marne
En cette période de glaciation, il régnait un froid sec sur un paysage de steppe composé de grandes étendues herbeuses et de bosquets d’arbres, genre bouleaux et pins. La Marne était plus large qu’aujourd’hui et se faufilait au milieu d’un chapelet d’îles, formant une zone marécageuse. «La région était parcourue par des animaux tels que mammouths, rennes et rhinocéros laineux ainsi que par des groupes d’hommes néandertaliens», raconte Pascal Depaepe, directeur scientifique de l’Institut national de la recherche archéologique (INRAP). Ces grands chasseurs consommaient surtout de la viande, en grande quantité. Outre la viande, ils récupéraient aussi sur leurs proies peaux et tendons (pour faire des liens).
Ils ne s’intéressaient pas forcément à l’ivoire des défenses. Preuve très hypothétique : à Changis-sur-Marne, les deux défenses ont été retrouvées avec les restes du mammouth laineux, surnommé Helmut par les archéologues (on ignore cependant s’il s’agissait d’un monsieur…). Des restes impressionnants par leur taille : une dent de l’animal fait la taille d’un gros poing! Même le néophyte reconnaît facilement la naissance du crâne, une dent, une mâchoire, des vertèbres encore rattachées les unes aux autres, un humérus… L’ensemble reposait dans des sédiments autrefois charriés par la Marne.
«On retrouve souvent des ossements disparates et des dents, mais jamais une carcasse entière», observe Stéphane Péan, archéozoologue au Muséum d’histoire naturelle. « La bonne conservation de l’ensemble s’explique sans doute par le fait que l’animal a été recouvert assez rapidement par une croûte calcaire qui l’a relativement protégé des épreuves du temps », ajoute le scientifique. Il n’a peut-être pas été charrié par la rivière, évitant ainsi la dispersion des ossements.
Intervention humaine
Reste à savoir ce qu’il faisait là. Pour l’instant, au stade actuel des recherches, on ne peut évidemment qu’émettre des hypothèses. D’autant que la période est très mal connue. Une chose apparaît probable : la carcasse de Changis-sur-Marne a sans doute été exploitée par l’homme. La découverte d’un silex taillé à proximité immédiate du squelette semble le prouver : le caillou aurait pu servir à découper le cadavre.
Helmut est peut-être mort naturellement : il a pu être piégé par la vase de la rivière et se noyer. Les éléments de la carcasse auraient donc ensuite été récupérée par une action de «charognage». Mais la bête a aussi bien pu être tuée par des chasseurs. « On sait que les hommes du Néandertal étaient capables de s’emparer de grands animaux. On a ainsi retrouvé à Lehringen (Allemagne les restes d’un ‘éléphant antique’, animal ressemblant au mammouth, avec un pieu dans le thorax », explique Pascal Depaepe. Une analyse approfondie des ossements et du silex de Changis-sur-Marne devrait évidemment permettre d’en savoir un peu plus.
« D’une manière générale, grâce aux analyses scientifiques, on devrait en apprendre un peu plus sur l’environnement de l’animal et sur celui des humains de l’époque », souligne Stéphane Péan. Mais avant la phase d’études, les archéologues doivent terminer le dégagement du squelette. Une opération qui permettra peut-être de découvrir d’autres éléments, comme des pierres taillées, susceptibles de confirmer ou d’infirmer les hypothèses actuelles. La fin de la fouille peut aussi soulever d’autres surprises : les archéologues viennent ainsi de découvrir l’humérus… d’un second mammouth. Le mystère est donc peut-être loin de s’éclaircir !
Une dernière question : que vont devenir ces ossements ? Ils devraient apparemment être exposés dans un musée. Stéphane Péan, le représentant du Muséum, « rêve de la voir exposer » dans l’institution parisienne. Le squelette pourrait aussi partir au musée de la Préhistoire de Nemours (Seine-et-Marne).
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