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Mobilier national : le personnel, choqué par le rapport de la Cour des comptes, défend son travail

"Ça nous reste en travers de la gorge" : ce chef d'un département de menuiserie du Mobilier national dit toute l'amertume de 350 employés, fiers d'un héritage de plusieurs siècles de restauration et de création qu'ils entendent défendre, après le rapport au vitriol de la Cour des comptes.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Dans les ateliers de la manufacture de tapis de la Savonnerie, qui fait partie du Mobilier national (Lodève, Hérault, le 29 août 2018)
 (Pascal Guyot / AFP)

Le Mobilier national (et les manufactures qui en dépendent) est "à bout de souffle", "sclérosé", souffrant d'une mauvaise gestion, autorisant l'utilisation à des fins privées des outils publics, accuse le dernier rapport de la Cour des comptes, publié le 6 février. Ses employés travailleraient 30 heures par semaine et 120 jours par an. Il réclame sa "profonde transformation" ou préconise son éclatement entre la création, la gestion des objets et l'ameublement.

Abattement général

"Choqué", "chagriné", les adjectifs ne sont pas assez forts pour dire l'abattement général : les employés, avec leurs deux syndicats CGT et CFDT, comme la direction, dénoncent un rapport jugé quasi insultant.
 
"Puisque nous sommes si inutiles, pourquoi la Cour des comptes nous a-t-elle commandé deux tapisseries", demande, ironique, Hélène Bersani, directrice des manufactures de tissage (neuf ateliers à Paris et en province), posant fièrement devant le métier de haute lisse sur lequel une tapisserie met des mois ou des années à être confectionnée.
 
Faire des tapisseries "n'est pas rentable mais nécessaire" et "des jeunes bossent chez nous", dit-elle. Avec 3.600 tapisseries, c'est la plus grande collection au monde.
 
Fierté aussi pour les tapis. Le modèle du tapis européen est celui de la manufacture de la Savonnerie inventé par le décorateur Charles Lebrun sous Louis XIV, plaide un artisan d'art.

Des meubles qui "témoignent de la richesse du patrimoine"

Le Mobilier national est en discussion avec l'Elysée pour le prêt d'un tapis contemporain lors d'un prochain dîner offert à une importante délégation étrangère. Manière de montrer le savoir-faire français. Notre rôle est de "contribuer à l'image de l'excellence française", explique à l'AFP Jérôme Bescond, chef de l'atelier de création.
 
Son atelier crée des meubles des plus extraordinaires, chefs-d'oeuvre du design, comme ce buffet et cette colonne de rangement de Philippe Nigro, aux milliers de pièces de bois qui coulissent et ondulent comme des peaux de serpent.
 
De même que la gastronomie française est à l'honneur dans les ambassades, les meubles témoignent de la richesse du patrimoine, dit-il.
 
Dans l'immense espace Perret, où se sont déroulés en janvier les défilés de mode masculine d'Hermès, vus par 9 millions de followers lors de la Paris Fashion Week, des meubles d'un raffinement extrême, du 19e à aujourd'hui, sont exposés, attendant d'être prêtés dans un des 658 lieux "affectataires" : d'un fauteuil où chaque signataire du traité de Versailles s'était assis aux bureaux de François Mitterrand et Valéry Giscard d'Estaing.

"Des accusations fausses", dénonce une responsable

Cérile Faucheux, chef de l'atelier de menuiserie en siège, s'inquiète que leur avenir puisse "être scellé sur des accusations fausses". "Le contribuable va se poser des questions" en lisant les comptes rendus, déplore ce passionné qui ajoute : "Mon plaisir dans ce métier, il est de tous les jour." Selon lui, le rapporteur a posé des questions orientées, n'écoutait pas bien les réponses.
 
Son atelier s'apprête tout juste à travailler une commande pour la salle à manger de l'hôtel Matignon.
 
Les ateliers recourent aux services extérieurs de laqueurs, canneurs, marbriers et autres, qui sont parfois les seuls survivants de leurs arts en France. C'est ainsi que "le Mobilier national est à la tête d'un écosystème d'ateliers, d'artisans : soit 120 petites structures, qui bénéficient des effets de l'argent public. Ce serait un coût social que de mettre 120 ateliers au chômage", avertit le directeur Hervé Lemoine.
 
"On a déjà commencé notre mue. Notre établissement est un diamant brut qui ne demande qu'à être taillé et dont toutes les facettes peuvent avoir un éclat extraordinaire", plaide-t-il.
 
Les syndicats craignent l'avenir, peut-être un regroupement des manufactures de Sèvres et du Mobilier national. "On voudrait conserver notre statut de service à compétence nationale" (SCN), affirme le syndicaliste CGT Nicolas Mancel.
 
"Ce que dit la Cour des comptes, horaires, salaires : tout est faux. C'est très discriminatoire de nos compétences", clame-t-il. 

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