Le "César d'Arles" ne laisse pas de marbre
Présenté dans le cadre de l'exposition "Arles, les fouilles du Rhône", qui ouvre vendredi, ce portrait dégage une puissance sévère qui convient à la représentation que l'on se fait de César, né à Rome en 100 avant Jésus-Christ et assassiné en 44 av. J.-C. par des conjurés opposés à sa dictature.
L'archéologue Luc Long, directeur du chantier des fouilles subaquatiques d'Arles, en a eu le sentiment dès que la tête a été sortie des eaux du fleuve. "Depuis, cette intuition s'est confirmée", selon Luc Long, qui a publié sa démonstration en 2009 à l'occasion d'une exposition à Arles sur vingt ans de fouilles dans le Rhône.
"L'étude, qui repose sur un faisceau d'arguments d'ordre stylistique, anatomique, géologique et historique tend à confirmer que le portrait découvert dans le Rhône s'accorde bien avec la physionomie très individualisée du dictateur, au moment de la fondation de la colonie romaine d'Arles", écrit Luc Long, conservateur en chef du patrimoine.
Calvitie précoce et joues creuses
Le Louvre ouvre à son tour le dossier en confrontant de façon inédite jusqu'au 25 juin le "César d'Arles" à un buste en marbre blanc de César trouvé sur le site de Tusculum en Italie au début du XIXe siècle et conservé au musée antique de Turin.
"Est-ce le même homme ? Il y a des similitudes et des différences. C'est un peu le jeu des sept erreurs", relève Jean-Luc Martinez, directeur du département des antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre.
César, que l'on disait coquet, avait une calvitie précoce, ce que l'on retrouve dans les deux portraits, tout comme les joues creuses.
Mais le César d'Arles a le nez busqué et la tête plus ronde. Le César de Tusculum présente pour sa part une curieuse déformation de la tête du côté gauche. "Aucun écrit sur César n'a mentionné une telle particularité", relève Jean-Luc Martinez, co-commissaire de l'exposition.
Conviction intime
Le portrait d'Arles est-il celui de César ? "Ma conviction intime, c'est qu'il s'agit très probablement de César. Pour qui d'autre aurait-on pris le luxe d'importer un marbre grec de Phrygie" (dans l'actuelle Turquie)?", questionne--t-il.
Du point de vue technique, la sculpture semble dater de la fin du 1er siècle, entre les années 50 et 30 avant Jésus-Christ. Or César refonde la ville d'Arles en 46 av. J.-C., à la fin de ses conquêtes militaires en Gaule. Il y crée une colonie romaine.
Le portrait de grande qualité a pu être réalisé par un artiste grec de talent, estime Jean-Luc Martinez. Il représente un homme d'une cinquantaine d'années. Les rides bien marquées permettent d'insister sur les qualités d'expérience, gage d'autorité pour les Romains. Le regard de côté et la torsion du cou de l'homme impulsent une dynamique, une conviction, relève Jean-Luc Martinez.
"Nous voulons faire comprendre au public comment on peut identifier un portrait antique", souligne-t-il.
César ou pas César : les chercheurs se prennent la tête
La découverte arlésienne divise les experts. "La moitié pense qu'il s'agit de César et l'autre moitié ne le pense pas", résume Jean-Luc Martinez. "Nous allons décortiquer tout cela lors d'une table ronde qui réunira le 20 juin au Louvre des chercheurs français et étrangers", ajoute-t-il.
Le livre "César, le Rhône pour mémoire", publié en 2009 par Actes Sud pour l'exposition d'Arles, donnait déjà des éléments de réponse à cette question.
Arles et les fouilles du Rhône
Musée du Louvre du 9 Mars au 25 Juin 2012
Horaires : 9h-18 h / nocturnes mercredi et vendredi jusqu’à 21h45 / fermé le mardi
Tarifs : 10€
Site du Musée du Louvre
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