Tous les chemins mènent à Rome, mais ils en partent aussi : la Voie Appienne, autoroute stratégique pour les armées et les marchands de l'Empire romain qui aspire à entrer au patrimoine mondial de l'Unesco, aurait récemment trouvé sa source. Ruban pavé de plus de 500 kilomètres construit à partir de 312 av. J.-C. par Claudio Appius l'Aveugle, censeur et consul romain, la Via Appia Antica est un livre d'Histoire que les fouilles archéologiques nourrissent indéfiniment.La source de la voie enfin trouvéeLa Voie Appienne permettait Rome à relier la Grèce et l'Orient via le port de Brindisi sur l'Adriatique, serpentant dans les provinces du Latium, de la Campanie, de la Basilicate et des Pouilles. L'emprunter, c'est voyager dans le passé : on y découvre des précieux monuments comme le tombeau d'une fille de consul, Cecilia Metella, datant du premier siècle avant J.C., des catacombes, des mausolées, des villas. On y lit la grandeur et la chute de l'Empire romain, mais aussi la vie au Moyen-Âge avec ses basiliques et cryptes, et même celle du XXe siècle, avec les demeures de légendes du cinéma comme Gina Lollobrigida.A Rome, la Via Appia Antica serait partie des somptueux Thermes de Caracalla, où la direction du patrimoine de la Ville éternelle a convoqué cette semaine la presse pour soutenir la candidature du site à l'inscription sur la liste du patrimoine mondial. C'est là qu'en juillet 2022 les chercheurs ont mis au jour le probable point de départ de la voie. "Nous avons trouvé les tabernacles, qui constituaient l'entrée monumentale, avec les marches de l'ensemble thermique, du début du IIIe siècle, lorsque les Thermes de Caracalla ont été construits", a expliqué à l'AFP l'archéologue Mirella Serlonzi, responsable des recherches et directrice des thermes.La construction de l'Appia Regina Viarum (la Reine des voies) a nécessité des travaux herculéens, le percement de reliefs, le creusement de canaux, l'édification de ponts, de viaducs et de digues mais aussi de relais de poste et d'auberges pour accueillir hommes et chevaux.Des découvertes foisonnantesLes travaux visant à localiser l'origine de la Via Appia, à environ huit mètres de profondeur, ont commencé en 2018 et ont permis d'exhumer des vestiges de différentes époques, dont un buste en marbre du IIe siècle après J.C. et une étrange pièce de monnaie carrée papale, frappée entre 690 et 730. Des fragments de verre et de céramique, des restes d'une amphore, des mosaïques, révélant les diverses époques de l'histoire de Rome, ont également été retrouvés."Si nous pouvions continuer à creuser plus bas, nous trouverions la Rome archaïque, et la Rome impériale, avec ses monuments et ses maisons. Nous avons atteint la Rome antique tardive, celle qui a commencé à vivre dans les ruines de la Rome antique", a détaillé le professeur Daniel Manacorda, qui a travaillé avec une équipe interdisciplinaire de jeunes archéologues, géologues et architectes. "Ici, par exemple, nous savons qu'il y avait un xénodoche. Un xénodoche était une sorte d'hébergement pour recevoir des malades et des pèlerins", souligne-t-il.Outre qu'elle a résisté à plus de deux millénaires, la Via Appia témoigne de l'ingéniosité des bâtisseurs romains. Alors que les routes n'étaient encore que des chemins herbeux, boueux et rocailleux, ils ont inventé la voie moderne, assez large pour permettre à deux chariots de se croiser, flanquée de trottoirs en terre battue pour les piétons et d'un système de drainage pour évacuer les eaux de pluie.