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L'hôtel Nacional de Cuba, longtemps repère des artistes et des stars d'Hollywood, sort de son hibernation forcée

Crise des missiles, sommet de la mafia, excentricités hollywoodiennes, atelier de couture du régime... En 91 années d'existence, l'hôtel Nacional de La Havane a connu une vie trépidante. Plongé pendant la pandémie dans une désolante solitude, l'institution reprend peu à peu son activité.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'Hôtel Nacional de Cuba, à La Havane (ROBERTO MACHADO NOA / LIGHTROCKET)

Cela a ressemblé à une longue hibernation de vingt mois, jusqu'au retour des premiers touristes étrangers le 15 novembre dernier. L'hôtel Nacional de La Havane à Cuba est un lieu emblématique qui reçut nombre de célébrités et de tournages. Le bâtiment de plus de 400 chambres en a profité pour se refaire une beauté : la façade a été restaurée, des sols ont été changés, la piscine rénovée et certaines fenêtres ont été remplacées dont celle de la chambre 211, au deuxième étage.

Décor du "Parrain 2"

C'est là que Lucky Luciano a séjourné en décembre 1946, lors d'une rencontre au sommet des chefs de la mafia italo-américaine qu'il a présidée, immortalisée en 1974 dans la fiction Le Parrain 2 de Francis Ford Coppola : les chefs de clans se partagent un gâteau orné d'un dessin de l'île cubaine en même temps que les attributions des diverses activités illicites.

Quelque 500 gangsters avaient investi l'hôtel pour la convention, et l'invité d'honneur Frank Sinatra avait accompagné de sa voix de crooner les fêtes somptueuses célébrées ce Noël-là. "Las Vegas n'existait pas, et Cuba était l'endroit idéal pour les jeux d'argent, avec la proximité des Etats-Unis, le climat, les plages, le rhum", La Havane était l'endroit idéal pour devenir "la capitale du jeu", raconte Arleen Ortiz, spécialiste de l'histoire de l'hôtel.

Bar de l'Hôtel Nacional de Cuba, en novembre 2021. (ADALBERTO ROQUE / AFP)

Sur le célèbre Malecon, face à la baie de La Havane, le bâtiment monumental en forme de H avec sa porcelaine anglaise toujours intacte, ses horloges importées d'Allemagne et ses lustres suspendus aux hauts plafonds, a ouvert ses portes le 30 décembre 1930, financé en partie par le crime organisé.

Ces travaux entrepris pendant la léthargie imposée par la fermeture des frontières doivent permettre aux "touristes de retrouver l'hôtel des années trente, en faisant revivre le passé au présent dans un confort encore plus grand", explique Arleen  Ortiz.

Transformé en atelier de couture

Le passé a laissé ses cicatrices sur le bâtiment en pierre et en béton, comme les impacts de balles qui ont jadis marqué la façade, vestiges d'une rébellion en 1933, et dans les jardins le réseau de tunnels datant de la crise des missiles cubains en 1962.

Lorsque la révolution de Fidel Castro triomphe en 1959, l'hôtel est devenu quelque temps un dortoir et un atelier pour 900 paysannes venues dans la capitale étudier la couture. "Ces jeunes femmes qui n'avaient jamais quitté leurs maisons sans électricité, avec des sols en terre battue" se sont soudain retrouvées dans ces pièces élégantes, souligne Arleen Ortiz. C'est le seul moment dans son histoire où le Nacional n'a pas accueilli d'hôtes étrangers dans son décor art-déco teinté de néoclassicisme, hormis la rénovation d'ampleur dans les années 1990 imposant une longue fermeture.

Une clientèle d'exception

Dans les couloirs et les salles de l'hôtel sont exposées des photos, objets et même des lettres des illustres clients et qui ont valu au palace d'être classé depuis 1982 au registre de la Mémoire du monde de l'Unesco.

Vue du hall de l'Hôtel Nacional de Cuba, à La Havane, en novembre 2021.  (ADALBERTO ROQUE / AFP)

Les acteurs Marlon Brando, Errol Flynn, Johnny Weissmüller, Rita Hayworth, Ava Gardner, le pianiste Nat King Cole, les écrivains Jean-Paul Sartre, Ernest Hemingway et Gabriel Garcia Marquez ou encore le Premier ministre britannique Winston Churchill, grand amateur de cigares cubains, font partie de la longue liste des personnalités de passage immortalisées sur les murs.

"C'est magique d'être ici, j'aime l'énergie, c'est incroyable (...) J'aimerais en savoir plus, j'ai envie d'en savoir plus sur l'hôtel et son histoire", dit Sierra, une enseignante américaine de 39 ans, en buvant un verre de vin face à la baie de La Havane. Tania Fernandez, médecin d'une province du centre de l'île a emmené ses enfants visiter ce lieu historique : "peu importe le nombre d'hôtels modernes" à Cuba dit-elle, "ce que veulent les touristes étrangers c'est s'asseoir là où tant de personnes célèbres ont séjourné".

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