L'art très cosmopolite des Celtes au British Museum
Le mot «Celte» vient de «Keltoï», nom donné par les Grecs pour désigner des peuples «barbares» vivant dans le nord et l’ouest de l’Europe depuis environ le Ve siècle avant notre ère. Les mêmes Grecs les présentaient comme des «guerriers sans peur et fanfarons», qui, comme le rappelle l’historien Diodore de Sicile (90-30 avant notre ère), portaient des casques à corne dans les batailles. Une manière comme une autre de tenter d’impressionner l’ennemi !
Les Celtes, eux aussi, étaient persuadés des qualités de leurs combattants, au point de les enterrer avec leurs armes. Ceux-ci perpétuaient ainsi «dans la mort leur identité de guerrier», comme l’explique un panneau de l’exposition. Lors de la conquête de la Grande-Bretagne, à partir de 43 avant J.C., le grand Jules César lui-même fut impressionné par la capacité de ses ennemis à manœuvrer leurs chariots contre les légions…
Si l’on retrouve des objets militaires dans les tombes, on en découvre aussi… dans les fleuves. C’est notamment le cas du beau bouclier (dit «de Battersea») en bronze poli de près de 78 cm de hauteur, daté entre 350 et 50 avant J.C., aux formes arrondies et stylisées. Lui fut déposé dans la Tamise. Apparemment, jeter des offrandes dans l’eau faisait partie des coutumes locales !
Ce bouclier le prouve : même s’ils n’avaient pas de tradition d’écriture, les Celtes travaillaient fort adroitement les métaux tout en étant de fort bons potiers, verriers... Leurs objets sont couverts de formes stylisées représentant des faces humaines, des animaux (notamment des sangliers), des plantes. Ces formes, qui avaient sans doute une signification religieuse, tendent souvent vers l’abstraction.
Les scènes représentées sur les objets sont parfois très vivantes, comme celles de broche en or, dite «de Braganza», provenant de la péninsule ibérique. On y voit un guerrier au regard fixe se protégeant avec un bouclier contre un chien apparemment féroce. On ignore tout de la signification de cette scène : rite initiatique ? Jeu entre un homme et son compagnon canin ?
Traits culturels communs
Outre les bijoux, les Celtes appréciaient particulièrement les torques, ces gros colliers rigides en métal. Une vitrine entière présente des torques de différentes formes retrouvés dans toute l’Europe, preuve que «la mosaïque des différentes communautés» (dixit un panneau de l’exposition) qui les fabriquaient avaient des traits culturels communs.
Dans le même temps, l’art celte était un art très cosmopolite, qui ne s’est pas contenté de puiser dans les traditions gréco-romaines. Un exemple : l’étonnant chaudron en argent de Gundestrup, de 69 cm de diamètre et 42 de hauteur, daté entre 150 et 50 avant notre ère, et qui représente probablement de fort curieuses scènes mythologiques. S’il a été retrouvé au Danemark, cet objet absolument unique, qui a peut-être été fabriqué sur le territoire de l’actuelle Roumanie ou Bulgarie, porte des influences… asiatiques.
Visiblement, les Celtes appréciaient les beaux objets. Ils aimaient aussi… faire la fête et ripailler. Ils buvaient notamment beaucoup de vin, importé des régions méditerranéennes. L’occasion, peut-être, pour ceux qui organisaient les festivités, de sceller des alliances ou prêter allégeance. Et de montrer leur statut social en sortant de la vaisselle à boire prestigieuse, importée elle aussi du sud de l’Europe.
Identité celte
A l’époque chrétienne, l’influence celte se retrouve dans les objets religieux où l’on retrouve certains motifs géométriques des temps anciens, comme sur la croix de procession en bronze de Tully Lough (Irlande) datée du VIII-IXe siècle de notre ère. Les monastères irlandais et écossais étaient alors d’importants foyers culturels et artistiques.Mais c’est surtout à partir du XIXe et de l’époque romantique que l’identité celte va connaître un «revival», comme le dit joliment un panneau explicatif. Les partisans de ce mouvement, comme l’écrivain écossais Walter Scott, l’auteur d’Ivanhoé, s’appuient alors notamment sur les parentés entre les langues parlées en Irlande, en Ecosse, au Pays de Galles, en Cornouailles, sur l’île de Man, mais aussi en Bretagne continentale. Ils trouvent là un moyen de s’affirmer face aux voisins anglais ou français.
Le passé est alors un peu mis à toutes les sauces. En 1890, des artistes comme George Henry et Edward Atkinson peignent un tableau intitulé "Druides rapportant du gui", dont les visages sont inspirées par des photos… d’Amérindiens. Et jusqu’à aujourd’hui, les mythes perdurent. Tel, en Irlande du Nord, celui du héros Cuchulainn (qui aurait vécu en 800), symbole de ténacité et de stoïcisme, dont l’image a été reprise à la fois par les nationalistes, partisans de l’indépendance du territoire, et les unionistes, partisans de son maintien dans le Royaume Uni.
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