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Toiles d'André Derain : la justice déboute les héritiers d'un collectionneur juif spolié pendant la Seconde Guerre mondiale

Après huit années de bataille judiciaire, les descendants vont faire appel, annonce leur avocate.

Article rédigé par franceinfo
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La petite-fille de René Gimpel, Claire Gimpel, le 25 juin 2019, lors de l'audience en référé au tribunal de grande instance de Paris. (JACQUES DEMARTHON / AFP)

La justice n'a pas donné gain de cause aux héritiers de René Gimpel, qui réclamaient la restitution de trois toiles du peintre André Derain, a appris jeudi 29 août franceinfo auprès de leur avocate. Les cinq héritiers de René Gimpel, un collectionneur juif déporté et mort en camp de concentration en 1945, réclamaient ces tableaux, estimant que leur aïeul avait été forcé de les vendre pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ils réclament au ministère de la Culture la restitution de ces toiles peintes entre 1907 et 1910, Paysage à Cassis, La Chapelle-sous-Crecy et Pinède, Cassis, exposées pour les deux premières au musée d'art moderne de Troyes et pour la troisième au musée Cantini de Marseille. Ils se fondent pour cela sur une ordonnance d'avril 1945 concernant la nullité des actes de spoliation.

Des incertitudes 

Ces oeuvres ont voyagé, changé de nom, parfois été rentoilées : à l'audience, qui s'est tenue le 25 juin, les avocats du ministère et des musées avaient mis en doute la concordance entre les oeuvres réclamées et celles acquises par René Gimpel.
C'est ce qu'a retenu le tribunal, estimant que ces incertitudes "ne permettent pas d'appliquer" l'ordonnance de 1945. "S'il est établi que les autorités allemandes ont confisqué deux caisses contenant pour l'une quatre et pour l'autre 23 tableaux, confiées à l'entreprise Robinot pour transport en 1942, rien ne permet d'affirmer que les tableaux litigieux se trouvaient dans ces caisses, en l'absence d'inventaire de leur contenu", relèvent les juges dans leur décision.

Le tribunal ne remet pas en cause le fait que René Gimpel, un des plus grands collectionneurs d'art du début du XXe siècle, résistant et mort en déportation en janvier 1945, ait été spolié. Il avait fui Paris en octobre 1940 pour la Riviera française, été arrêté en 1944 et déporté au camp de Neuengamme. Le galeriste, résistant, juif, aurait été obligé de les vendre au rabais pour survivre et s'enfuir, affirment ses descendants. "Comment voulez-vous qu'on apporte une facture d'une vente qui s'est faite sous le manteau ?", explique Claire Gimpel, la petite-fille de René Gimpel.

"Les juges ont peut-être été un peu timides"

Pour l'avocate du musée d'art moderne de Troyes, Béatrice Cohen, "le tribunal a rendu une décision juste : il a noté toutes les incertitudes sur l'identification et le parcours des tableaux". Elle s'est par ailleurs félicitée que le musée de Troyes ait été mis hors de cause, n'étant qu'"affectataire" et non propriétaire des toiles exposées, enregistrées dans les collections nationales.

L'avocate des héritiers de René Gimpel a de son côté indiqué à franceinfo qu'elle allait faire appel. "Parce que nous sommes sûrs de notre bon droit, nous allons faire appel", a réagi Claire Touchard, la petite-fille du collectionneur René Gimpel. "Nous considérons au vu du jugement que c'est difficile de décrocher des tableaux des collections nationales et que les juges ont peut-être été un peu timides", a-t-elle dit à la presse. "Je comprends que le tribunal ait été prudent. Nous ne savons pas dans quelles conditions les tableaux ont été vendus. C'était la guerre, René Gimpel était interdit d'exercer", a expliqué l'avocate des héritiers, Corinne Hershkovitch, qui avait entamé en 2013 des démarches auprès des musées.

"Nous avons beaucoup d'éléments qui prouvent que René Gimpel a été dépossédé de ces tableaux entre 16 juin 1940 et 1944, ce qui normalement devrait suffire pour appliquer les dispositions de l'ordonnance de 1945", a-t-elle estimé. 

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