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L'incroyable épopée du "lit d'état" dans lequel Charles pourrait passer la nuit de son couronnement

La nuit avant le couronnement, le souverain passait autrefois la nuit au palais de Westminster, alors palais royal, dans un lit spécial, baptisé "lit d'état". Charles renouera-t-il avec cette tradition millénaire ?
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
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La chambre d'État, avec son lit, au palais de Westminster à Londres le 9 février 2023 (DANIEL LEAL / AFP)

C'est un lit hors du commun mais, en plus de 150 ans, il n'a jamais rempli sa vocation première. Son destin pourrait basculer si le roi Charles décidait d'y passer la nuit qui précède son couronnement.

Installé au palais de Westminster, qui abrite le Parlement, dans la partie réservée au président de la Chambre des Communes, le "lit d'Etat" ("state bed") se trouve à un jet de pierre de Big Ben, dans une salle dédiée qui peut se visiter, et dont les fenêtres donnent sur la grande roue de Londres.

Tradition millénaire

L'ensemble est monumental : la partie supérieure du lit, dont le cadre est en noyer portant dorures et symboles royaux, trône à plus de trois mètres de haut. Il trouve son origine dans une tradition millénaire observée jusqu'à l'époque d'Henry VIII au XVIe siècle.

Détail du "lit d'état" au palais de Westminster à Londres le 9 février 2023 (DANIEL LEAL / AFP)

La nuit avant le couronnement, le souverain passait la nuit au palais de Westminster, alors palais royal. Une tradition ressuscitée il y a deux siècles pour le couronnement de George IV en 1821. Mais ce lit a été détruit dans l'incendie qui a ravagé le Parlement en 1834.

Un autre, qui est installé dans les appartements du "speaker" de la Chambre des Communes, a donc été fabriqué. Mais ce lit, qui date de 1858, "n'a jamais été utilisé la nuit avant le couronnement", explique à l'AFP Mark Collins, historien du Parlement.

Retrouvé dans un moulin

Il n'était évidemment pas prêt pour le couronnement de la reine Victoria en 1838 et les souverains qui ont suivi ont choisi de ne pas passer la nuit à Westminster.

Quand a éclaté la Seconde Guerre mondiale, le lit a été démonté et stocké pour sombrer dans l'oubli au point de disparaître, alors que l'époque victorienne était totalement passée de mode. Sa trace était ainsi perdue lors du couronnement d'Elizabeth II en 1953.

Ce n'est qu'à la toute fin des années 1970 qu'un expert du V&A Museum, Clive Wainwright, lance un appel lors d'une conférence pour tenter de retrouver le lit, relayé dans la presse.

Détail du "lit d'état", photographié au palais de Westminster à Londres le 9 février 2023 (DANIEL LEAL / AFP)

L'appel porte ses fruits : une famille se manifeste, la confirmation ne tarde pas, le lit existe toujours. Il se trouve dans un moulin à laine au Pays de Galles.

Il avait été acheté lors d'une vente aux enchères dans les années 1960 pour 100 livres sterling par les parents de Richard Martin, aujourd'hui âgé de 70 ans. "Ils savaient que c'était une pièce spéciale, il savaient que c'était quelque chose d'important, mais ils ne savaient pas du tout d'où il venait", explique l'historien.

Et pendant une vingtaine d'années, le lit a eu une vie des plus animées. L'un des enfants de la famille, Benedict, y est même né en 1965.

"Au cas où"

Cet incroyable lit laissait vagabonder l'imagination de l'enfant qu'était alors Richard Martin : "On pensait que ceux qui passaient leur vie dans le lit y dormaient et pouvaient mettre leur cigarette" dans de petits orifices, qu'ils soient en train de lire un livre ou de boire un thé.

"Personne d'autre n'avait un lit comme ça", explique-t-il à l'AFP, voyant dans ce meuble "une sorte de trône de nuit".

Le lit a été racheté à la famille puis restauré. Les tentures originelles, qui avaient disparu, ont été recréées en 1984. Rouges et violettes, couleurs royales, elles sont ornées de la rose pour l'Angleterre, le chardon pour l'Ecosse et le trèfle pour l'Irlande.

Décorations du "lit d'état" au palais de Westminster à Londres le 9 février 2023 (DANIEL LEAL / AFP)

Le roi Charles III se laissera-t-il tenter la nuit du 5 au 6 mai ? L'historien Mark Collins réserve son pronostic. "Les préparatifs pour le couronnement sont en cours", observe-t-il, "on ne devrait pas trop avoir à attendre pour savoir s'il sera utilisé". En tout cas, le lit est "tout à fait prêt", souligne-t-il, "au cas où".

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