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Journées nationales de l'archéologie : au Louvre, des «archéo-ambassadeurs» bousculent les idées reçues sur le Moyen-Âge

Les scolaires peuvent être d’excellents ambassadeurs pour l’archéologie. C’est ce qu’ont montré les élèves de 5e3 du collège Guillaume Budé à Paris XIXe en proposant, le 16 juin 2017, un quiz sur le Moyen-Âge aux visiteurs du Louvre. L’aboutissement d’un travail effectué, tout au long de l’année scolaire, avec un archéologue professionnel et leurs enseignants.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
«Jeunes archéo-ambassadeurs» en plein travail au Louvre le 16 juin 2017
 (Hamid AZMOUN - Inrap )

11h30 au Louvre. Depuis 10h, les élèves sont répartis au pied du donjon de Philippe-Auguste, sous le prestigieux musée du Louvre. Ils portent des tee-shirts rouges sur lesquels la mention «Jeunes archéo-ambassadeurs» indique leur mission. Munis chacun d’une tablette, ils lisent aux visiteurs volontaires les questions du quiz, selon les cas en français, anglais, espagnol… et chinois.

Justement, là, ils interpellent une touriste chinoise. L’un des collégiens, lui-même compatriote de la dame, s’adresse à elle… dans la langue de Confucius. Elle s’efforce de répondre à la dizaine de questions du quiz. On lui demande notamment si la période médiévale était sombre ou lumineuse. Elle hésite. Et finit par répondre: «sombre».

«Ce n’était pas une période sombre», râle Yvan, un des collégiens (le prénom a été modifié). «Les gens n’étaient pas riches. Mais on ne peut pas dire pour autant qu’ils vivaient dans une époque triste!» «Tu as raison, c’est faux!», réagit vivement Traoré. «Ils disent ça parce qu’à la télé et au cinéma, ils regardent des films sur le Moyen-Âge où l’on voit du sang, des chevaliers qui se tranchent la tête en permanence!» «Et puis, à l’époque, on faisait pas que la guerre. On travaillait aussi !», renchérit un troisième élève.

De son côté, la visiteuse demande à son interlocuteur sa nationalité. Quand elle apprend qu’il est chinois, elle l’enlace. Puis demande à faire une photo avec le groupe. Et s’extasie quand les jeunes lui laissent un petit cadeau !

La visiteuse chinoise, entourée des archéo-ambassadeurs qui lui ont posé les questions du quiz sur le Moyen-Age
 (France Télévisions - Laurent Ribadeau Dumas)

Religion

Conçu par les élèves de la 5e3 du collège parisien Guillaume Budé, un établissement REP (Réseau éducation prioritaire), le quiz est intitulé «À bas les idées reçues sur le Moyen-Âge». Lequel s’inscrit dans le cadre d’un programme de la Ville de Paris intitulé «L’art pour grandir». Pendant toute l’année scolaire, les jeunes ont travaillé avec un archéologue de l’Inrap, Cédric Roms, qui les a guidés dans leurs recherches. 
 
«Ce sont des élèves très actifs», explique ce dernier qui a trouvé l’expérience «très positive». «Elle m’a contraint à réadapter mon discours et mes outils. Par exemple, ce n’était pas facile de leur faire comprendre la distance chronologique qui sépare la période médiévale de la nôtre : à l’époque, le temps se découpait selon les saisons et les travaux des champs.»
 
À cette occasion, les collégiens ont appris que les nombreux jours fériés du Moyen-Âge, liés à l’Eglise, ont été repris à notre époque. L’occasion d’aborder les problèmes religieux. «Ils ont été un peu déconcertés de constater que la France d’alors n’était pas laïque et que le christianisme était la seule religion d’État», se souvient Cédric Roms.
 
Résultat : dans le quiz figure une question sur le thème de la chrétienté. Et notamment le fait de savoir s’il y avait d’autres religions à l’époque: de fait, la présence juive et musulmane est attestée. «Tout à l’heure, plusieurs personnes ont répondu que l’Europe médiévale était uniquement chrétienne. Ça m’a fait bizarre!», rapporte l’un des jeunes.
 
Jeunes ambassadeurs du collège Guillaume Budé en plein travail au Louvre le 16 juin 2017
 (Hamid AZMOUN - Inrap)

Les Américains sont sympas

Evidemment, les réponses dépendent de la nationalité des visiteurs, étrangers dans 75% des cas. Outre des Chinois, on voit ainsi passer de nombreux Américains, de l’avis unanime «les plus sympas et les plus ouverts». Il y a aussi des Allemands, des Slovaques, des Espagnols, des Mexicains… «Seule une catégorie de public refuse vraiment de répondre : ce sont les amoureux. Ils disent qu’ils n’ont pas le temps !», constate une collégienne en riant.
 
Le quiz comporte d’autres questions sur la condition des femmes, la nourriture, l’hygiène… «Les visiteurs pensent en majorité qu’au Moyen-Âge, on était sale. Alors que les gens se lavaient avec de la graisse», raconte Sarah (le prénom a été modifié).

Déconstruction

«Nos élèves ont ainsi déconstruit des idées reçues. Ils ont pu aller au-delà des seigneurs et des belles princesses dans leurs châteaux-forts. Pour ce faire, nous nous sommes notamment appuyés sur l’exposition “Quoi de neuf au Moyen-Âge?” à la Cité des Sciences de la Villette à Paris», raconte Tiffany Lévesque, professeur d’histoire. De plus, le travail de préparation du quiz a été «très interdisciplinaire» entre Cédric Roms et le corps enseignant.

«Evidemment, la rencontre avec l’Inrap n’a pas toujours été simple. Au collège, nous devons adapter nos contenus en fonction de nos élèves francophones et non francophones. Alors que les archéologues ont d’abord une démarche scientifique», explique Thomas Boudie, qui enseigne le français.

Les collégiens archéo-ambassadeurs au Louvre avec des visiteurs le 16 juin 2017. Quelques idées reçues sur le Moyen-Age s'en trouvées un peu bousculées!
 (Hamid AZMOUN - Inrap)

La collaboration a visiblement payé. «En 5e, nous avons un programme important sur la littérature médiévale. Nous avons ainsi pu la remettre dans son contexte historique, ce qu’on ne peut pas toujours faire habituellement», poursuit Thomas Boudie.

Mais les connaissances acquises par ce biais ne sont pas seulement historiques ou littéraires. Il faut ainsi voir les jeunes s’activer dans une langue étrangère pour poser leurs questions aux visiteurs. «Cette fois, ce sont eux qui ont le savoir. Et ce sont eux qui le communiquent. Pour eux, c’est hypervalorisant!», constate Tiffany Lévesque.

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