Dans l’Aube, l’archéologie contribue à éclairer une histoire très ancienne
Depuis 1990, quelque 1000 diagnostics archéologiques et 200 fouilles ont été menés sur le territoire du département de l’Aube. Ces opérations, entreprises notamment à l’occasion de grands chantiers (autoroutes, centre de congrès…), ont permis d’en préciser l’histoire sur plus de quatre millénaires.
"Venus par l’Europe centrale et le bassin des Carpates, les premiers colons néolithiques sont arrivés dans ce qui correspond au territoire du département vers 5200 avant notre ère", explique Nicolas Dohrmann, directeur des archives et du patrimoine au conseil départemental de l’Aube et commissaire général de l’exposition Arkéoaube. Ce territoire est situé à une position très favorable, au croisement de routes migratoires et commerciales majeures. "De plus, en raison de l’absence de reliefs, il ne présente pas d’obstacles pour l’installation humaine, avec un sol propice à l’agriculture et des ressources minérales comme le silex et le fer", poursuit le directeur des archives.
L’exposition montre les restes de céréales (blé…) et d’animaux (bœufs…). Céréales et animaux qui furent amenés par les colons néolithiques, décrits comme les "premiers paysans". Les fouilles ont aussi permis de mettre au jour des haches et des blocs de silex utilisés pour fabriquer ces haches. "Ces outils servaient notamment à défricher la forêt pour cultiver la terre", constate Vincent Riquier, archéologue à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et commissaire scientifique d’Arkéaube.
Le visiteur peut aussi admirer d’autres (très belles) haches polies. "A l’époque, ces instruments ostentatoires devaient être la montre suisse de l’époque, un peu comme la Rolex", disent en riant les deux commissaires. En clair, elles permettaient sans doute à leurs propriétaires de paraître ! Petit détail : ces haches sont en jadéite, une pierre vert-sombre venue… du mont Viso dans les Alpes italiennes. Une preuve de l’étendue des circuits commerciaux du temps ! "Les hommes et les femmes du Néolithique ont su profiter de leur situation géographique pour s’intégrer dans ces courants d’échanges", observe Nicolas Dohrmann.
Le guerrier, personnage central
A la fin du Néolithique, vers 2200 avant notre ère, commence ce que les historiens appellent l’âge du Bronze. "Ce métal, produit à partir d’étain et de cuivre, est issu d’innovations technologiques venues du plateau anatolien" en Turquie, note Vincent Riquier. Un matériau recyclable qui permet de fabriquer des objets plus maniables… et plus brillants que ceux en pierre. L’apparence, toujours ! Dans l’Aube, le bronze était produit avec de l’étain venu d’Armorique, et du cuivre venu d’Europe centrale ou des Alpes. "Toute l’Europe avait alors besoin de ces métaux", poursuit l’archéologue. Conséquence : les Aubois, implantés sur des axes stratégiques, s’enrichissaient en prélevant leur dîme sur les minerais traversant leur territoire.L’exposition montre les objets très divers fabriqués avec le nouveau métal : bracelets, aiguille, haches… Vers la fin de la période, entre 1200 et 800 avant notre ère, on voit apparaître de plus en plus d’armes et d’équipements militaires : épées, cuirasses, boucliers, parures de chevaux… Comme le montrent les fouilles, le guerrier s’impose alors comme un personnage central du temps.
Le fer remplace le bronze
"La période est alors celle d’une expansion démographique mais aussi d’un dérèglement climatique qui a un impact sur les récoltes. On voit ainsi apparaître des conflits pour le contrôle du territoire. Dans le même temps, les régions de l’est de la Méditerranée avec lesquelles commerce le territoire de l’Aube sont en pleine crise. Les circuits commerciaux s’en trouvent perturbés", raconte l’archéologue de l’Inrap.Dans ce contexte surgit une nouvelle innovation technologique qui va entraîner l’effondrement des circuits d’échanges traditionnels : la métallurgie du fer, matériau plus résistant et moins cassant que le bronze. Et que l’on trouve dans le territoire de l’Aube. La région tisse alors des liens avec la Méditerranée occidentale : Etrurie, Marseille grecque, Grande Grèce (Italie du Sud)…
Et le prince de Lavau ?
Ces nouveaux liens influencent les élites locales. Celles-ci adoptent ainsi le banquet grec. C’est dans ce contexte qu’il faut situer l’extraordinaire découverte, en 2015, par l’Inrap, de la tombe du "prince de Lavau", proche de Troyes. Une tombe qui remonte à 450 avant notre ère.Dans une vaste chambre protégée par un tumulus de 40 m de diamètre, gisait un personnage richement paré, entouré de son char et d’un riche service à boisson comme ceux qu’utilisaient les élites méditerranéennes. Pièce principale de ce service : un chaudron en bronze étrusque d’environ 1 m de diamètre. Lors des fouilles d’autres tombes menées dans le département, on a trouvé des objets à boire du même type mais moins luxueux, comme le montre l’exposition. La preuve que ces tombes appartenaient à des personnages d’un rang inférieur qui copiaient apparemment l’élite princière. "Cela semble ainsi prouver qu’il existait un système de vassalité entre les deux, le souverain symbolisant l’unité politique", précise Vincent Riquier.
Pour la première fois, huit des objets de la tombe, restaurés au Louvre, sont présentés au grand public dans le cadre d’Arkéaube. Parmi eux : un torque et des bracelets en or. Fait remarquable : tout au long de l’exposition, ces éléments seront renouvelés au fur et à mesure des analyses et restaurations. "Par la suite, l’ensemble des éléments découverts sera intégré dans les collections du musée des beaux-arts et d’archéologie à Troyes. A cette occasion, le musée sera entièrement rénové", conclut le directeur des archives. En attendant, ne ratez pas Arkéaube !
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