Exposition URSS "Fin de parti(e)" aux Invalides prolongée jusqu'au 4 mars
Le 8 décembre 1991 les présidents des trois Républiques slaves - Boris Eltsine pour la Russie, Stanislav Chouchkevitch pour la Biélorussie et Léonide Kravtchouk pour l'Ukraine – signent dans la forêt Beloveja l'accord dénonçant l'union des républiques socialistes soviétiques. L'Union Soviétique a cessé d'exister.
Pendant les années qui ont précédé, d'abord avec la Perestroïka instaurée par le régime, puis avec les mutations de la société, le système se trouve peu à peu fissuré. Un mouvement s'est mis en marche, que rien ni personne ne pourra ensuite arrêter.
La Perestroïka vue de l'intérieur
En Occident, on salue le phénomène. Les soviétiques eux, perçoivent cette période à travers le prisme de leur vie quotidienne, moins glamour. Seuls les intellectuels éclairés accompagnent avec enthousiasme ce mouvement.
L'exposition entend montrer cette histoire de l'intérieur, du point de vue des Soviétiques.
Les jeunes apprécient le mouvement, qui leur apporte chewing-gums, rock and roll et ouverture sur le monde. Pour la population adulte, c'est une autre histoire : le quotidien est devenu difficile, avec la désorganisation d'un système qui tenait bon an mal an, et que la perestroïka bouleverse, apportant avec elle le chaos, la pénurie, et une certaine forme de rigueur (la "loi sèche", prohibition de l'alcool à la soviétique, a été très mal perçue par la population).
A l'Ouest, on aime Gorbatchev, que l'on considère comme un homme moderne, ouvert au monde. En Union Soviétique, pas de "gorbimania", loin de là. Son image est nettement moins reluisante. "Bavard", voilà comment les soviétiques qualifient le personnage.
Composée en trois temps (réformes, révélations, révolutions), l'exposition montre de manière remarquable l'évolution opérée en URSS pendant ces années de perestroïka, à travers affiches, photographies, presse et télévision.
Plus de 200 documents d'archives
Les documents exposés et particulièrement une très belle collection d'affiches, proviennent du fond de la BDIC (bibliothèque documentaire internationale contemporaine). Affiches officielles, éditées par Plakat ou affiches semi-officielles, de l'Union des artistes, éditées par « Agitplakat » ou encore d'affichistes indépendants, plus rares.
Les photos exposées ont été soigneusement choisies dans un trésor : 40 000 photographies envoyées à l'association France-URSS pendant 30 ans, collection léguée en 1991 au musée d'histoire contemporaine.
"Ces photos sont des photos de la vie politique et de la vie quotidienne. Elles étaient envoyées par le ministère des affaires étrangères. C'est intéressant à ce titre car cela montre l'image que l'Union soviétique voulait transmettre au monde" explique Annette Melot-Henry, l'une des commissaires de l'exposition, spécialiste de la photographie soviétique. "Il y a comment les choses sont montrées, mais aussi le volume, qui est révélateur. Pour certains événements, ils envoyaient des tonnes de photos, pour d'autres, rien" ajoute-t-elle.
L'exposition relate cette période à travers la presse, officielle et non officielle. Collection très riche également, issue de la BDIC de Nanterre.
La réforme est descendue du pouvoir central
L'ouverture arrive par le haut. C'est le régime qui entame le mouvement. "Le pouvoir ne voulait pas tout bouleverser, mais seulement donner un coup de jeune au régime. Il n'était pas question de détruire le système", explique Annette Melot-Henry.
On voit donc au début de la perestroïka - qui signifie "restructuration" - une parole politique qui se libère : les slogans changent, s'attaquent (très modérément) aux travers du système communiste, comme l'absentéisme au travail, l'archaïsme, les pots-de-vin, la sclérose industrielle, en conservant toutefois les codes de la propagande communiste et son esthétique.
Gorbathev impose un style plus moderne: bains de foule, visites dans les kolkhozes et les usines. L'image change, relayée par la presse et la télévision officielle, mais cette révolution reste dans un premier temps modeste, encadrée et contrôlée, assez proche finalement du culte de la personnalité pratiqué par ses prédécesseurs. Mais le pouvoir a ouvert une porte, qu'il n'arrivera plus ensuite à refermer.
Les petites révolutions du quotidien
La liberté s'immisce dans tous les espaces de la société. On voit apparaître les premiers concours de Miss. Les tabous tombent : le sexe, le sida, la drogue. La mode change, s'occidentalise, des festivals de musique naissent et servent de tribune aux revendications politiques pour les Républiques soviétiques, comme le festival Jurmala, en Lettonie.
Les photos envoyées à cette époque à l'association France URSS et les légendes qui les accompagnent, soulignent ces changements de société. Comme une photo de dame avec son chien (c'est une révolution), légendée, "Le bien-être des citoyens".
Les événements catalyseurs : Tchernobyl et le retrait d'Afghanistan
Avec la "glasnost", transparence au sens de "publicité des débats", le régime entend démocratiser la dictature du prolétariat.
De Tchernobyl, on tente encore de donner une image décontractée, mais la réalité transpire des visages fermés des liquidateurs. Des photographies montrent les soldats rentrant d'Afghanistan, fleur au fusil et souriants, mais personne n'est dupe.
La surperpuissance soviétique a vécu.
Ces événements obligent à plus de transparence. Ecologie, religion, drogue, sida… les tabous tombent. Le régime accepte de relire son histoire, comme le montre cette "Une" de la Pravda : une page blanche à écrire.
Dans les républiques un vent de liberté souffle et apporte des désirs d'émancipation.
Tout est prêt pour la mise à mort de l'URSS.
La marche de l'histoire en images
Cette exposition montre avec intelligence comment un événement historique ne vient jamais soudainement, mais s'inscrit dans un mouvement constitué de micros et macros phénomènes, rendant inexorable la marche de l'histoire. L'exposition est éclairante aussi alors que la Russie vit à nouveau un élan populaire et réclame des réformes.
Au-delà de l'intérêt historique, l'exposition donne l'occasion d'admirer l'iconographie spécifique de cette époque, dont la beauté et la force ont véritablement donné naissance à une forme d'expression que l'on peut sans hésiter qualifier d'artistique.
URSS : Fin de Parti(e). Les années Perestroïka (1985-1991)
Musée d’Histoire contemporaine, l’Hôtel national des Invalides, Paris 7e
Jusqu'au 4 mars 2012
Ouvert tous les jours (sauf premier lundi du mois et jours fériés) de 10h00 à 17h00.
Prix d’entrée : 5 € / Tarif réduit : 3 €
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