A Arles, des fresques dignes de Pompéi sortent de terre
"Ça ne serait pas un oeil peint là-dessus ?" Émotion sur le site arlésien : les archéologues accourent. Un bénévole a retourné une petite plaque d'enduit. L'équipe vient de découvrir la première peinture figurative datant du premier siècle avant Jésus-Chist en France.
Les scientifiques vont de surprise en surprise depuis la reprise des fouilles en avril 2015 sur ce site de la Verrerie, situé derrière la mairie annexe d'Arles (Bouches-du-Rhône). Ils ont mis au jour plusieurs portraits de femmes et deux pièces de 15 mètres carrés d'une villa romaine. A l'intérieur, deux murs peints qui se rattachant au IIème style pompéien (daté entre 70 et 20 avant JC) sont quasi intacts, l'un arbore un rouge vif encore éclatant.
Unique en France
"C'est tout simplement exceptionnel un tel état de conservation, c'est un cas unique en France", s'enthousiasme Jules Boislève, archéologue et toichographologue de l'institut national de recherches archéologiques ,préventives (Inrap). Il étudie les peintures murales. Jusqu'ici, seule une demi-douzaine de fresques ont été retrouvées en Italie. Un état de conservation inespéré rendu possible par un remblai de près d'1 mètre 40 de haut qui a protégé pendant 2060 ans ces peintures décoratives.Il faut voir ces découvreurs de merveilles s'affairer à un travail de fourmi dans ces tranchées de fortune, truelles et scalpels en main. Des étudiants en archéologie et des bénévoles passionnés leur donnent un coup de main. "Ce patrimoine dormait en fait sous une première maison romaine datant du premier siècle après Jésus-Chist, que l'on a découvert en 2014", précise Marie-Pierre Rothé, archéologue au musée d'Art Antique d'Arles. Le musée expose d'ailleurs au public deux mosaïques qui composaient le sol de la demeure supérieure.
Sous terre, un quartier d'opulence
A travers ces découvertes, c'est l'histoire de Rome et de la Gaule qui se révèle. "Nous sommes dans une maison des premiers colons romains venus s'installer à Arles en 46 ou 45 avant JC", explique Alain Genot, co-responsable de l'opération archéologique. Et visiblement, ces romains vivaient plus que confortablement."On est dans le Beverly Hills arlésien de l'époque, le quartier a été habité par une élite pendant trois siècles", détaille le chercheur. En atteste, la salle à manger de 71 mètres carrés et la pigmentation rouge qui orne les murs, la plus chère à se procurer à l'époque.
Jusqu'où s'étend la bâtisse ? "Impossible de le dire, mais une chose est sûre, on n'a découvert qu'une infime partie du site", indique Jules Boislève. Ces fouilles ont été autorisées pour trois ans. En juillet 2016, les archéologues devront laisser tomber pelle et pioche pour remettre un rapport définitif au ministère de la Culture.
"Faire de l'archéologie, c'est détruire"
Pas forcément une mauvaise nouvelle pour Marie-Pierre Rothé : "le risque en archéologie est de trop fouiller, de ne pas pouvoir ensuite documenter toutes les découvertes et donc de les laisser moisir au fond d'un labo". Deuxième frein à des fouilles étendues : le besoin de conserver et de préserver ces peintures. "Faire de l'archéologie, c'est détruire", explique Alain Genot. Les archéologues travaillent sous des bâches pour éviter la décoloration des peintures au soleil. Avec le mistral et le sable qu'il transporte, la tâche se complique. Chaque minute compte après la découverte de la peinture. Après avoir dégagé, photographié et mesuré les enduits, les restaurateurs prennent le relais pour les prélever.Le but de l'équipe de scientifiques est bien de présenter le plus rapidement possible leurs découvertes au public. "Pas avant une petite dizaine d'années tout de même", précise Alain Charron, conservateur en chef du musée d'Art Antique. Il faut dire que la fouille est un travail lent et minutieux. D'abord, les archéologues doivent creuser par couche pour bien veiller à ce que toute la zone de fouille soit égale horizontalement, ne rien rater et limiter au maximum les dégâts.
Les blocs qui composent les fresques sont ensuite ramenés en laboratoire, puis lavés, numérotés et placés dans des boites par les archéologues et les restaurateurs. Les scientifiques doivent alors les reconstituer comme des puzzles. "Aujourd'hui, on a 580 boites ; on devrait en avoir 1.200 l'an prochain. Au rythme d'une boite par jour, on n'a pas fini", sourit Marie-Pierre Rothé.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.