Vingt-cinq ans après, "Bad" peut-il décoiffer les charts ?
Cinquième album le plus vendu de tous les temps, le disque de Michael Jackson, initialement sorti en 1987, a été réédité lundi, enrichi d'inédits et de bonus.
MUSIQUES - Après Thriller 25, sorti en 2008, l'album Bad, deuxième plus gros succès de Michael Jackson, est à son tour ressorti dans les bacs, lundi 17 septembre, à l'occasion de son 25e anniversaire. Enrichie d'une poignée de bonus, d'inédits et de la vidéo d'un concert de 1998 à Londres, cette réédition alimentera la gloutonnerie des Jacksonmaniaques, dont la flamme a été ravivée par la disparition du roi de la pop, le 25 juin 2009.
Avec ses quelque 40 millions d'exemplaires vendus depuis sa parution et son savant mélange de pop, de r'n'b et de rock, Bad apparaît comme l'emblème d'un âge d'or de l'industrie du disque, business autrement plus florissant à l'aube des années 1990. Mais en vingt-cinq ans, le paysage musical a bien changé. Bad peut-il faire son trou à l'âge du numérique ? FTVi revient sur l'environnement parfois hostile que devra affronter cette parution anachronique.
OUI. En 2012, les gens préfèrent les vieilleries (et les morts)
C'est un bon point pour cette réédition. Du haut de ses 25 printemps, Bad est vieux. Or, pour la première fois cette année, il s'est vendu aux Etats-Unis, au premier semestre 2012, davantage d'albums anciens que de nouveautés, a rapporté cet été le site Chartsinfrance.net. A l'origine de ce renversement de situation, "la baisse de l'attrait des albums, compensé du côté des titres plus anciens par des baisses de prix conséquentes qui poussent les consommateurs à se les procurer", analyse le site.
Il note par ailleurs que la mort de Whitney Houston, en février 2012, a contribué à doper les ventes de ses œuvres, déconnectées de l'actualité musicale. Car en plus d'aimer les albums cultes et autres tubes fossilisés, le public affectionne les pop stars disparues. Michael Jackson est d'ailleurs l'artiste mort le plus rentable, selon le magazine Forbes (lien en anglais). En 2011, soit deux ans après sa disparition, il avait déjà rapporté 170 millions de dollars.
NON. La musique ne se vend (presque) plus
Bad aurait-il eu la chance d'atteindre un jour les 40 millions d'exemplaires s'il était sorti en 2012 ? C'est peu probable. Avec l'effondrement des ventes d'albums physiques, même les mégastars peinent désormais à faire décoller leurs nouveaux albums. En 2011, Rihanna a ainsi vendu 3,3 millions d'exemplaires de son album Loud. A titre de comparaison, fin 1988, Michael Jackson avait déjà écoulé plus de 10 millions de Bad de par le monde. En 2012, Rihanna a "réussi" à atteindre, en août, la première place des charts britanniques en vendant 9 578 exemplaires en une semaine de son album Talk that talk (CD et téléchargements légaux combinés), a noté le quotidien britannique The Telegraph (lien en anglais). Soit le nombre de ventes le plus bas pour un numéro 1 depuis que ce classement a été établi en 1994.
Aussi populaire que soit Michael Jackson, le marché tel qu'il est aujourd'hui ne lui permettra pas de renouveler, avec ce Bad 25, ses exploits commerciaux d'antan.
NON. Les femmes dominent la planète pop
De plus, si Michael Jackson avait dû sortir Bad aujourd'hui, rien n'assure qu'il aurait gardé sa couronne de roi de la pop. Les chiffres de l'année 2011, publiés par le site mediatraffic.de (lien en anglais), montrent que les femmes ont récemment dominé la pop mondiale. A sa tête, Adele (qui fait par ailleurs cette année une entrée fracassante dans le livre Guinness des records) a vendu 15,3 millions de copies de son album 21, suivie de loin par le Born this way de Lady Gaga (5,4 millions d'exemplaires). En tout, le top 10 de l'année compte six albums sortis par des femmes (dont deux sont signés Adele).
PEUT-ETRE. C'est internet qui décide
Pour promouvoir Bad, en l'an de grâce 1987, Michael Jackson s'était offert un passage en prime time à la télévision, avec un documentaire de 30 minutes sur sa vie diffusé par la chaîne CBS, avait rapporté le New York Times (lien en anglais). A l'issue de cette émission, les téléspectateurs américains avaient pu découvrir, avant tout le monde, le clip de Bad, réalisé par Martin Scorsese.
Dans sa version Bad 25, la sortie de l'album est accompagnée de celle d'un documentaire signé d'un autre réalisateur américain, Spike Lee.
Autre nouveauté de l'ère numérique, la toute-puissance des réseaux sociaux et des plateformes de partage de vidéos a quasiment rendu obsolète les moyens de promotion traditionnels. Or il n'est plus indispensable de mettre les petits plats dans les grands pour décrocher le tube de l'été. L'exemple de la Canadienne Carly Rae Jepsen, protégée de Justin Bieber (déjà !), auteure du tube multi-parodié Call me Maybe, pourrait constituer "la preuve qu'un mème [un phénomène culturel repris et partagé sur le net] peut vendre des albums", décrypte le site d'information The Atlantic (lien en anglais).
Là aussi, force est de constater que Michael Jackson est compatible avec l'ère numérique. Pire, il l'a anticipé. Dans le court métrage Moonwalker (1987), chargé de promouvoir les tubes de l'album Bad, il avait lui-même organisé la parodie de son propre clip (version mini-moi), avant de se faire détourner par le parodieur américain Weird Al Yankovic ("I'm fat"), le Français Mozinor, tout un tas d'imitateurs plus ou moins convaincants, ainsi que par ce chien tout de cuir vêtu.
OUI. Parce que si en 2012 t'es pas dans "Glee", t'as raté ta vie
Autre machine de guerre promotionnelle : la série américaine Glee. La sitcom, qui raconte la vie d'une chorale atypique dans un lycée américain, est devenue ces dernières années le baromètre de la pop music archi-grand public. Les Bieber, Adele, Gaga, Katy Perry, Britney Spears, Jay Z, Whitney Houston, Tom Jones, The Bee Gees et autres poids lourds ont eu droit à leur remix. Là encore, Michael Jackson est resté dans le coup. La troupe lui a consacré un épisode au cours de sa troisième saison. Il faudra décidément plus de vingt-cinq ans pour ringardiser Bambi.
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