Un coffret live de Dire Straits, le groupe culte des années 80 : des pépites, mais aussi des imperfections
Dire Straits a été un des grands groupes des années 80. Peut-être même celui au sommet du monde en 1985-86 avec le succès phénoménal de l’album Brothers in arms, et la tournée gigantesque qui a suivi. Avec six albums studios et trois live sortis entre 1978 et 1995, Dire Straits offrait une discographie certes reconnue mais pour beaucoup elle n'est pas à la hauteur de la dimension du groupe, notamment sur scène. Après sa dissolution en 1993, puis un live de 1978 paru en 1995, Mark Knopfler a entamé une brillante carrière solo, et le mastodonte qu’il avait créé est quelque peu tombé aux oubliettes, réapparaissant de temps autres au gré d’une compilation ne proposant rien de nouveau. Les rééditions d’anciens enregistrements sont pourtant pléthore dans le monde du rock. Tous les artistes de référence, et même des plus récents ont droit depuis longtemps à des éditions de luxe, des ressorties de trésors oubliés, que ce soit des maquettes, des inédits ou des concerts.
Tant attendu
Mais sur ce terrain, Dire Straits faisait figure d’exception, on suppose en grande partie à cause de Mark Knopfler qui ne souhaitait pas ressasser ce passé qu’il avait volontairement cherché à contrecarrer en abordant sa carrière solo sous un profil on ne peut plus discret. Mais visiblement il a changé d’avis.
Est-ce son annonce d’arrêter la scène lors de sa dernière tournée ? Le sentiment de l’approche d’une fin de carrière, alors qu’on attend la sortie de son nouvel album depuis au moins trois ans ? L’insistance des fans auprès du dévoué claviériste Guy Fletcher qui a mixé ces rééditions ? Quelle qu’en soit la raison, il est enfin bel et bien là ce coffret Live 1978-1992. Alors forcément, avec une telle attente, la barre était très haute, et la plupart des fans, dont l’auteur de ces lignes, ne peut s’empêcher de faire son difficile et apporter son grain de sel…
Un goût d’inachevé
Exhumer des enregistrements live ne pouvait que susciter de l’excitation, notamment sur la période phare de Dire Straits, la première moitié des années 80. Le live Alchemy enregistré en juillet 1983 est souvent considéré comme l’apogée musical du groupe, tandis que la tournée suivante en 1985-86 comme le sommet de sa notoriété. Pour cette dernière c’est bien simple, aucun concert dans ce coffret ! Un coffret pourtant dédié à la mémoire de Jack Sonni le second guitariste de cette époque, décédé il y a peu. La raison serait l’absence d’enregistrements multipistes de cette tournée… On a du mal à croire que le groupe qualifié de plus grand du monde à ce moment-là n’ait pas daigné enregistrer quelques concerts de cette tournée mondiale sponsorisée par Philips, alors en plein lancement promotionnel du format CD. Mais c’est ainsi. Il reste encore l’espoir pour le futur de deux concerts diffusés à la télévision en Angleterre et en Australie, mais les problèmes de droits ne simplifient sans doute pas les choses, bien que la chaîne YouTube officielle du groupe publie de plus en plus régulièrement récemment des extraits de ces diffusions.
Quant au live Alchemy, dont ce coffret reprend le design mythique, comment ne pas se faire une joie de l’avoir enfin en intégralité ? L’acmé musicale du groupe allait enfin trouver son aboutissement en offrant au public les trésors cachés de ce concert d’anthologie… Sauf que Guy Fletcher qui a remixé les dits trésors s’est octroyé la liberté d’en couper des parties ! Une introduction par-ci, un speech de Mark Knoplfer par-là, et surtout un passage grandement apprécié de nombreux fans, le final du morceau Portobello Belle. Une joute musicale jubilatoire entre la guitare de Mark Knopfler et le saxophone de Mel Collins, qui se prolongeait par la présentation des musiciens, avant de se fondre dans l’enchaînement avec le titre suivant, Tunnel of love. Les enregistrements pirates en attestent, il s’agissait vraiment d’un des points d’orgue des concerts de cette tournée.
On ne peut que regretter la décision abrupte de Guy Fletcher d’avoir coupé ce passage à son unique appréciation, alors même qu’il ne faisait pas partie du groupe à l’époque ! Et aucune contrainte technique n'imposait ce choix, à la différence du changement d'ordre entre Solid Rock et Telegraph Road pour s'ajuster à la durée des faces de vinyles.
De bonnes idées mais…
Pour la tournée 1991-92 on découvre là plusieurs perles qui manquaient sur le live surproduit On the night paru en 1993. Des morceaux joués occasionnellement en dehors de la setlist standard comme When it comes to you, I think I love you too much, Fade to black, ou au contraire les inévitables Sultans of swing, Two Young lovers, Telegraph Road et Tunnel of love, absents de l’album live d’origine. La version de Tunnel of love, offre de beaux moments de guitare planante et aérienne.
Mais là encore, on ne pourra profiter des autres morceaux rares joués à l'automne 1991, ni de l’un des summums de la tournée, Planet of New Orleans. On remarque qu’il s’agissait là aussi d’un très beau duo guitare-saxophone… décidément… Et puis on accusera peut-être le fan de pinailler, mais il aurait été quand même judicieux de mettre les morceaux dans l’ordre réel de la setlist ! Avec les rééditions de Dire Straits, on a toujours l’impression de tenir la bonne idée, mais qui n’est jamais complètement finalisée jusqu’au bout.
La pépite : un concert inédit de 1979
Heureusement, le coffret contient un double disque qui a lui seul en justifie l’acquisition. Enregistré et filmé par la BBC en décembre 1979 au Rainbow Theatre de Londres, c’est le tout dernier concert de Dire Straits dans sa formule originelle, deux guitares, une basse, une batterie, et de l’énergie à revendre. De l’avis de tous, Mark Knopfler est à son meilleur ce soir-là. Bien loin de ses futures prestations scéniques au début des années 90 que certains qualifieront d’ennuyeuses, il chante et joue avec passion, plaisante entre les morceaux, harangue le public, et, on l’imagine, se démène sur scène.
On avait déjà pu voir quelques extraits de ce concert dans l’émission Arena diffusée sur la BBC en 1980, mais quel bonheur d’avoir enfin le show en intégralité, avec en plus l’intervention de Phil Lynott et Tony De Meur pour des rappels au son d’un rock’n’roll endiablé, à travers des reprises de standards.
Sur la plupart des titres, on perçoit dans le jeu et les arrangements les prémices de ce que deviendra la musique de Dire Straits plus tard, un mélange d’inspirations très roots entre blues et country avec des influences de rock progressif tendant à étirer les morceaux par de longs passages instrumentaux. Une alchimie unique qui aujourd’hui encore ravit un large public.
Un public qui ne peut que se réjouir de voir enfin sortir officiellement de tels enregistrements. Il ne manque que la petite touche finale et les soins apportés aux détails, qui n’en sont d’ailleurs pas toujours, pour que tout soit vraiment parfait. Mais on ne désespère pas. En 2025, le mythique Brothers in arms fêtera ses 40 ans… Alors, qui sait, enfin une réédition réellement digne de Dire Straits ?
Dire Straits Live 1978-1992
Dans les bacs depuis le 3 Novembre (Universal), disponible en coffret 8CD ou 12LP et en version digitale sur les plateformes de streaming
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