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The Velvet Underground à la Philharmonie : 5 questions à Christian Fevret

Le groupe new yorkais qui a changé la face du rock dans les années 60 fait l'objet d'une exposition à la Philharmonie de Paris à partir du 30 mars. Christian Fevret, fondateur et ancien rédacteur en chef des Inrockuptibles, en est le co-commissaire. Il lève un coin du voile sur ce qui nous y attend et explique en quoi le Velvet Underground a ouvert une brèche qui ne s'est jamais refermée.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Le Velvet Underground et Nico (au centre) dans les années 60.
 (Philharmonie de Paris)

Quel est votre rapport personnel au Velvet Underground ?
Christian Fevret : Je connaissais Lou Reed à l'adolescence mais pas le Velvet. Le vrai tournant ça a été en 1984, lorsque j'ai acheté en même temps le premier album de Jesus & mary Chain et l'album VU du Velvet Underground, une compilation d'inédits. Ca a été une révélation. Ce qui m'a frappé alors c'est le côté moderne et intemporel du Velvet, trop en avance pour son époque. Hors des codes et pourtant très révélateur de son époque, le Velvet était un oiseau de mauvais augure, qui annonçait la fin du rêve hippie et le réveil brutal de la fin des années 70. Avec le Velvet Underground, le rock passe à l'âge adulte, il peut enfin raconter les choses crûment. Il ouvre une brèche punk dans laquelle vont s'engouffrer les New York Dolls, les Ramones, Patti Smith ou Television. 


Quel est votre objectif avec cette exposition, que voulez vous montrer ?
Ce qui était très important pour nous c'était de montrer toutes les racines du Velvet. Celles notamment de Lou Reed et John Cale, venus d'horizons différents et qui avaient tout pour ne pas se rencontrer. Cela me paraissait très important aussi de replacer ce groupe dans son contexte, le bouillonnement créatif du New York des années 60, et de comprendre à la fois d'où il est né et quel est son héritage, qui comprend aussi bien Etienne Daho que de the Kills ou Nan Goldin. Entre ce point de départ, les racines, et ce point d'arrivée, l'héritage, il y a plein de choses passionnantes à montrer.
Le Velvet Underground et Nico avec Andy Warhol, à Hollywood Hills en 1966.
 (Gérard Malanga / Courtesy Galerie Caroline Smulders Paris)

Des proches de l'entourage du Velvet ont-ils contribué à l'exposition ?
Oui, Gérard Malanga (bras droit d'Andy Warhol de 1963 à 1970), notamment, qui s'est passionné pour le projet dès le début et avec lequel j'ai beaucoup parlé. C'est un personnage très intéressant parce qu'il est à la fois témoin de premier rang, artiste (poète, danseur, photographe) et grand archiviste. L'expo présente notamment son petit film de 3 mn sur le Velvet à l'inauguration de la boutique Paraphernalia de New York. Jonas Mekas (cinéaste, fondateur de l'Anthologie Film Archives et auteur en 1964 de "Empire", film expérimental de 8h d'Andy Warhol) qui est lui aussi à la fois artiste et archiviste, a réalisé une installation spéciale pour l'exposition et livre un très beau témoignage sur la liberté et l'intensité unique de cette époque. Et puis John Cale et la sœur de Lou Reed ont prêté des documents jamais vus, notamment des photos d'enfance.

Quels sont les autres documents que vous êtes le plus fier de présenter ?
Contrairement à David Bowie, qui a tout gardé, mais aussi à tous les groupes à succès de l'époque, comme les Stones, les Beatles ou même Them, qui disposent d'archives télé, il existe très peu de documents sur le Velvet. Ils ne sont passés sur aucune télé nationale et aucune trace n'a été conservée des 3-4 émissions régionales auxquelles ils ont participé. Nous avons néanmoins retrouvé plusieurs films rares. Et notamment deux de Danny Williams où l'on voit le Velvet débarquer à la Factory de Warhol. Ce sont de super beaux documents qui dormaient, car mal étiquetés, sur des étagères du MOMA et que le public va découvrir pour la première fois. Je suis hyper content de montrer aussi le film X de Barbara Rubin (qui a fait découvrir le Velvet à Warhol) baptisé "Christmas on Earth". C'est un film très surprenant, un poème sexuel splendide tourné en 1963 alors qu'elle n'avait pas encore 18 ans, et peu montré à l'époque. Il sera projeté en permanence toutes les demi-heures dans une petite salle à part.
Le Velvet Underground au Café Bizarre en 1965 avec, au premier plan, John Cale au violon et Lou Reed au micro.
 (Adam Ritchie)

Quel procédé narratif avez-vous utilisé ? Chronologique, thématique ?
C'est à la fois chronologique et thématique, les deux marchent en parallèle. Dans un premier temps, on se plonge dans le New York pré-Velvet avec ses poètes, ses cinéastes, ses musiciens d'avant-garde. Ça ce sont les racines. Dans un second temps on passe à la Factory où Andy Warhol et le Velvet Underground vont collaborer pendant deux ans. La troisième partie est dédiée à l'écoute. Et une dernière section est consacrée entièrement aux héritages : dans la musique mais aussi dans les arts plastiques et le cinéma. Il s'agit de montrer que l'héritage du groupe n'est pas rigide et se décline encore aujourd'hui sous des formes très différentes, plus ou moins respectueuses ou fantaisistes.

The Velvet Underground "New York Extravaganza"
Du 30 mars au 21 août 2016 à la Philharmonie de Paris
221 avenue Jean Jaurès, Paris 19e

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