On y était : Atoms For Peace au Zénith de Paris
En préambule, il faut rappeler comment est né le premier album d'Atoms For Peace. Les cinq membres de ce "super groupe" expérimental, réuni au départ pour jouer live le premier album solo de Thom Yorke "The Eraser", ont commencé à enregistrer en studio à Los Angeles de longues heures de fructueux dialogues musicaux.
Thom Yorke au chant, à la guitare et au piano, Nigel Godrich (le fidèle producteur de Radiohead) aux claviers, Flea des Red Hot Chili Peppers à la basse, Mauro Refosco aux percussions et Joey Waronker (REM, Beck) à la batterie, n'étaient pas encore un groupe, n'avaient pas de nom, et enregistraient pour le seul plaisir des compositions spontanées et certainement brouillonnes.
Thom Yorke et Nigel Godrich ont ensuite patiemment réédité, peaufiné, peigné, ce matériau musical brut, en ont tiré le fil rouge pour créer les compositions magnifiques d'"Amok". Mais dès le départ, nous nous étions posé la question : comment ce disque allait-il pouvoir être joué sur scène ?
Aujourd'hui, Atoms For Peace dévoile enfin sa version groupe live et le moins qu'on puisse dire c'est que ça secoue et ça pulse. Le parti pris est clair : les expérimentations en studio auquel "Amok" a donné lieu laissent la place à l'esprit des enregistrements originaux, c'est à dire à des jams endiablées, à de folles embardées.
Ici, la section rythmique et les percussions sont reines et dominent tout. Jusqu'à écraser franchement les mélodies et les arrangements d'orfèvre du disque. Pour nous, ce sera le seul bémol du concert. Mais ce mur du son sera rédhibitoire pour une partie du public. En particulier pour certains fans de Radiohead qui ont fidèlement suivi Thom Yorke jusqu'ici.
Des chansons transfigurées
Le concert démarre avec "Before your very eyes" qui est aussi le premier morceau de l'album. La version est très afro et plante en quelque sorte le climat. Thom Yorke, en jean's rouge et T-Shirt blanc, danse d'emblée comme un guerrier zoulou derrière son micro, la cuisse haute, et Flea tabasse à la basse en faisant des bonds de Marsupilami. Ils resteront tout du long les deux frontmen. Derrière, batteries et percussions s'entrelacent, tandis que Nigel passe au coeur du morceau de la guitare aux claviers.
C'est puissant. Très dense et ultra-percussif. Mais on n'a encore rien vu, on reste en terrain connu. Attention au décollage. Après "Default", un autre titre de "Amok", la setlist commence à aller régulièrement piocher des titres du premier album solo de Thom Yorke, "The Eraser". Mais tous sont présentés dans des versions de plus en plus méconnaissables.
"The Clock" est ainsi transfigurée en un titre orientalisant tandis que "Unless" est totalement désaxée, devenant une célébration tribale presque joyeuse et en tout cas résolument organique, animale, loin de la nature cérébrale et hantée de l'originale. Un hommage aux percussions du monde entier
La formation manifeste chaque fois un peu plus son amour immodéré des percussions, sous la houlette du Brésilien Mauro Refosco. Peu manquent à l'appel, au point qu'il s'agit presque un voyage autour du monde en la matière. On perçoit derrière ce rideau sonore de beats intimement imbriqués aussi bien l'Afro-beat de Fela Kuti, grand inspirateur d'"Amok", que les rythmes orientaux, brésiliens et carribéens et même des esquisses de drum and bass.
C'est jouissif et Thom Yorke a l'air totalement desinhibé, épanoui et fichtrement détendu ! Un déchaînement de rythmes avec la voix de Thom Yorke comme seul repère
Pour autant, cette furia de beats peut aussi avoir à la longue quelque chose d'assommant. Le chant de Thom Yorke porte souvent sur ses épaules la responsabilité de restituer la grâce naturelle des chansons. Sa voix (mais aussi son piano quand il s'y met) reste régulièrement la seule boussole dans ce déferlement sonore homérique pour s'accrocher à ce que l'on connait des morceaux.
Plutôt que de chercher à reconnaître les chansons, il faudrait se laisser aller, entrer dans cette transe magistrale, faire honneur à cette orgie de rythmes digne des cérémonies iniatiques primitives. Pour la délicatesse et la magie, il fallait être au concert de la Gaîté lyrique le 19 avril dernier...
Une heure pile après le début du concert, à 22h15, le groupe s'éclipse. Au rappel, Thom et Flea reviennent carrément torse nu et le quintet nous gratifie d'une série de trois titres inattendus avant une version magistrale de "Amok" : "Feeling Pull Apart by Horses", "Rabbit in your headlights", un morceau de Unkle, et "Paperbag writer", un titre de Radiohead de 2003. Honnêtement, on ne les aurait pas reconnus toute seule, on s'est fait aider (avec débat interminable à la clé sur la setlist).
Nouvelle sortie de scène, hurlements de la foule (55 euros la place quand même) et Atoms For Peace revient pour un splendide "Black Swan" final, sans doute le titre le plus doux du concert, avant, comme le dit Thom Yorke, "d'aller s'allonger". Après 1h30 de cette sauvagerie fiévreuse, c'est vrai qu' il fait bon se mettre à l'horizontale.
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