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Neil Young exhume l'album "Homegrown", trésor caché de 1975 dont il avait eu tort de nous priver

Près de 45 ans après l'avoir enregistré, le prolifique rocker canadien publie cet album de douze titres dont sept étaient restés inédits à ce jour. Une belle poignée de joyaux autour d'une rupture amoureuse qu'il s'excuse aujourd'hui d'avoir gardée pour lui.

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le musicien canadien Neil Young en concert à Wembley (Londres, G-B) le 14 septembre 1974 en compagnie de Crosby, Stills et Nash. (MICHAEL PUTLAND / HULTON ARCHIVE / GETTY)

Neil Young, qui a ouvert ses archives en grand ces derniers temps, semble comme dans les contes posséder un coffre aux trésors enchanté aux ressources inépuisables dont il tire merveille sur merveille. Au point qu’on finira un jour peut-être par lui opposer une indifférence blasée. Ce jour n’est pas encore arrivé, loin de là.

Car voilà que le Canadien exhume Homegrown, l’un de ses albums "perdus" les plus célèbres, un de ces trésors qui a suscité nombre de spéculations auprès des admirateurs du "loner". Un disque enregistré entre juin 1974 et janvier 1975, après On The Beach (1974), dont beaucoup de fans avaient entendu parler sans jamais l’avoir écouté. Homegrown, résumait récemment Neil Young lui-même, n’est rien moins que "le chaînon manquant" entre Harvest (1972) et Comes a time (1978) !

Sur douze chansons, sept sont inédites

Né sur les cendres d’une histoire d’amour, celle avec l’actrice Carrie Snodgress, mère de son premier enfant, Zeke, Neil Young jugeait alors "trop personnel" ce disque "plein d’amours perdus et d’explorations". L’album était fin prêt, pochette comprise, lorsqu’il renonça à le sortir, en 1975, préférant publier le sombre Tonight's The Night à la place.

Quarante cinq ans plus tard, il a changé d’avis. Et cela semble l’avoir travaillé au point qu’il s’est fendu d’une lettre d’excuses sur son site. "Pardon. Cet album aurait dû sortir quelque temps après Harvest. C’est le côté triste d’une histoire d’amour. Les dommages causés. Le cœur brisé. Je ne pouvais pas l’écouter. Alors je l’ai gardé pour moi (…) mais j’aurais dû le partager. Il est très beau (…) Parfois la vie fait mal. Vous voyez ce que je veux dire."

L’album dont les bandes analogiques d’époque ont dû être restaurées, est constitué de douze chansons dont sept sont restées inédites : Separate Ways, Try, Mexico, Kansas, We Don't Smoke It No More, Vacancy et Florida (a spoken word narration).

Chansons d'amour et de rupture

Bilan d’une relation sentimentale, Homegrown mêle chansons d’amour et chansons de rupture, à commencer par la poignante Separate ways en ouverture qui entérine une séparation. Elle constitue une pépite qui justifiait à elle seule d’exhumer ce disque. Try, dans laquelle Emmylou Harris lui donne la réplique harmonique, offre une chance de recoller les morceaux, tandis que sur le trop bref Mexico, Neil Young, seul au piano, médite sur la difficulté de maintenir une relation à flots.

Sur la fragile Kansas, Neil seul à la guitare et à l’harmonica, dit se réveiller d’un mauvais rêve avec une fille à ses côtés dont il ne connaît pas même le nom. Vacancy est un autre bijou mordant qui aurait pu faire un beau tube, dans lequel le Canadien refuse de se laisser illusionner par une femme tentant de prendre la place laissée vacante. Quant à la bizarrerie Florida, il s’agit d’un monologue où les verres de vin sont crédités en lieu et place d’instruments et dans lequel Neil Young, comme sous acide, raconte au guitariste Ben Keith une histoire surréaliste au pays des palmiers.

Coup de coeur pour une jam déglinguée

Mais notre coup de cœur est ailleurs : on est dingo de We Don’t Smoke it no more, une jam bluesy déglinguée qui dit tout le contraire de son titre – car ici tout le monde, de la slide guitar de Ben Keith à l’harmonica, a visiblement fumé la moquette. Ça tangue, ça groove et ça s'étire merveilleusement, jusqu’aux chœurs déraillés qu’on croirait échappés d’une session chez Bowie.



Parmi les titres qui ont trouvé leur place sur d’autres albums, ont retient Homegrown réenregistré avec Crazy Horse en 1977 pour American Stars’n Bars, dans une version à la fois plus lâche et plus nerveuse, et surtout White Line que l’on trouvait sur Ragged and Glory : elle perd ici en électricité ce qu'elle gagne en délicatesse dans un superbe dialogue de Young avec la guitare de Robbie Robertson de The Band.

"Tenir une pochette de disque vinyle c’est entrer dans une machine à remonter le temps jusqu’au moment où elle est apparue la première fois", rappelait récemment Neil Young sur son site. Sauf que pour nous, la pochette de Homegrown est neuve, tout comme cet album revenu d’entre les morts à 45 ans de distance. Son passé constitue donc notre présent et il y a de quoi se réjouir tant cet album tombé du ciel est à la hauteur des attentes.

Neil Young "Homegrown" (NYA/Warner) sort vendredi 19 juin 2020

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