"Kiss my grits" : le songwriter Mathis Haug entre roadtrip américain et confinement européen
L’auteur-compositeur-interprète allemand installé en France Mathis Haug revient avec un EP cinq titres, inspiré par son récent voyage aux Etats-Unis.
Mathis Haug symbolise bien le côté cosmopolite de la musique : d’origine allemande, il habite au Pont du Gard et joue une musique des grands espaces américains. Nous l’avions découvert il y a quatre ans avec son album Wild country. Un vrai coup de cœur. Et justement, cette Amérique qui l’inspire musicalement, il l’a visitée à nouveau récemment. C’était juste avant le premier confinement. Un road-trip de la côte est, de New York aux Blue Ridge Mountains, de Nashville à Lexington, Virginie.
Un voyage dédié à l’écriture, dans la voiture, les dinners et motels. La route toujours.
Mathis Haug
Mais ce voyage marque aussi sa découverte de la face cachée du rêve américain. Des personnes dans la misère, en grand nombre. Des taudis sur le bord des routes. Des SDF un peu partout, en Virgine, en Caroline du Nord... Presque un siècle après, l’Amérique peinte par Steinbeck dans Les raisins de la colère semble encore bien présente.
En Amérique, il n'y a personne pour te rattraper
Mathis Haug
Et le roman de Steinbeck avait d’ailleurs été à l’origine d’un projet avec Jean-Jacques Milteau. L’harmoniciste star français devait composer avec Mathis Haug la musique d’une pièce de théâtre inspirée des Raisins de la colère. Mises de côté après la suspension du projet, les chansons ressortent et font écho aux pérégrinations outre-altantique. Le songwriter rentre en France et se retrouve…confiné. Comment passer des grands espaces à l’exigu ? Du road trip à la sédentarité ?
Confinement et enregistrement
Mathis opte pour le voyage intérieur : il aménage sa salle de bain de 4m2 en studio de fortune. Pour être sûr de ne pas être dérangé, il pose sur la porte un panneau avec l’inscription "Kiss my grits" (qu'on pourrait traduire poliment par "Allez vous faire voir ailleurs !"), titre du disque. Il y enregistre des morceaux sur les thèmes de l’amour, la déception, le voyage, le recyclage, les bagnoles, le laisser aller… et aussi un titre directement tiré de l’œuvre de Steinbeck : Doggone dream. Certains morceaux prévus à l’origine pour la pièce de théâtre sont retravaillés.
J’entame alors un long et passionnant voyage, une aventure solitaire et inédite pour moi. La route, toujours. Je retrouve la joie et la force intérieure de créer sans censure ni limites. Je n’essaye pas de plaire, de respecter les codes d’un style, d’être conforme aux lois du marché, je me sens libre
Mathis Haug
Et si Kerouac avait écrit Sur la route dans sa chambre ? Si Jack London avait rédigé ses récits d’aventures depuis son salon ? Comment transformer une situation de quasi-enfermement en évasion totale ? La musique ouvre tout le champ des possibles. Des images du domaine public sur les voitures mythiques américaines, et le clip Jalopy roll nous emmène de l’autre côté de l’Atlantique en quelques minutes.
Retour à l’essentiel
Cette façon d’appréhender la musique, en mode artisanal, c’est peut-être aussi un moyen de revenir à l’essentiel. En marge de la production professionnelle en studio high-tech, les enregistrements maison se multiplient actuellement, encore plus depuis l’apparition de la crise sanitaire. Mais ce n’est pas forcément nouveau dans l’industrie musicale. Mathis Haug cite le cas de Studios Sun à Memphis, faits un peu de bric et de broc, et qui ont cependant produit parmi les disques les plus célèbres de ma musique populaire du XXe siècle. Des stars de la pop comme par exemple Paul McCartney ont aussi enregistré plusieurs de leurs opus chez eux.
J’espère que cette crise va éveiller de la créativité et qu’on va revenir à quelque chose de plus essentiel, et qu’au niveau artistique on va en sortir des choses bien
Mathis Haug
Finalement, c’est sans doute aussi ce que recherchent les artistes : pouvoir s’affranchir des règles parfois trop strictes des maisons de disques et des studios, pour s’approprier pleinement leur musique. Et Mathis Haug le dit avec ce titre Kiss my grits, à la fois comme un pic destiné à l’industrie musicale, et en même temps pour exprimer ce sentiment général ressenti pendant les confinements : le "syndrome de la cabane", pouvoir s’isoler, vouloir changer de vie.
Le musicien installé dans le Gard continue de s’adonner à sa passion de la musique. Et après cet EP sorti fin janvier, Mathis a déjà la tête dans ses prochains projets. Notamment un disque hommage à Doc Watson, musicien classé country, mais surtout une référence de la musique folk des Appalaches. Ainsi que la sortie prochaine en vinyle et CD d’enregistrements à Memphis avec le groupe de country-rock Lucero. Ou encore un titre enregistré en décembre dans la cabine "Voice-o-Graph" de Jack White. Une curiosité qui va aussi sortir dans les prochains mois.
En attendant, vous pouvez commander l’EP Kiss my grits en digital avec photos et paroles sur ce lien (prix libre à partir de 5€). Il est également disponible sur les différentes plateformes digitales.
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