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Johnny Hallyday : "Souvenirs, souvenirs" d'un mélomane converti

On ne s'est jamais croisés, je n'ai jamais acheté ses disques, je ne suis jamais allé à aucun de ses concerts, et pourtant... impossible de ne pas ressentir un peu de vague à l'âme depuis son départ.
Article rédigé par Jean-François Convert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Johnny Hallyday à la Rochelle en 1991
 (PHOTOPQR/SUD OUEST)

Ah "Johnny", difficile de porter prénom plus mythique que celui-là. Combien de stars et personnages du cinéma ou de la musique ont arboré ce prénom ? Du plus célèbre morceau de rock’n’roll "Johnny B. Goode" de Chuck Berry au voyou à gueule d’ange de la chanson d’Edith Piaf. Du héraut antimilitariste de Dalton Trumbo "Johnny Got His Gun"’, au cowboy solitaire "Johnny Guitar" campé par Sterling Hayden dans le film de Nicholas Ray. Du pionnier rockabilly Johnny guitar Watson au zoulou blanc Johnny Clegg. De la légende country Johnny Cash au jeune premier hollywodien Johnny Depp. La liste est longue.

Mais chez nous, en France, lorsqu’on prononce "Johnny", cela prend immédiatement une connotation particulière, mêlée à la fois d’admiration et de gentille moquerie. Notre Johnny national n’a jamais laissé indifférent : adulé par ses fans, plutôt issus des babyboomers populos, ou raillé par l’intelligentsia culturelle bobo des générations suivantes.

Concert de Johnny Hallyday au Parc des Princes, Paris le 18/06/1993
 (PHOTOPQR/LE PARISIEN)

Un attrait ambivalent

Pour ma part, j'ai toujours eu un attrait ambivalent pour Johnny Hallyday. Il faut bien l'avouer, quand on est jeune musicien adolescent à la fin des années 80, on passe déjà pour un extra-terrestre au lycée si on dit aimer les Rolling Stones, les Beatles, Jimi Hendrix ou Pink Floyd... alors c'est sûr, on ne va pas en plus oser dire que de temps en temps on ne dédaigne pas écouter "Quelque chose de Tennessee", "Le bon vieux temps du rock’n’roll" ou "Cheveux longs, idées courtes". Dans ces années-là, ce qui est à la mode, c'est la post-new-vave de Cure et Depeche Mode, ou le rock dit "héroïque" de U2. Les riffs de southern-blues et les ballades country californiennes, ce n'est pas vraiment au goût du jour. Il faudra attendre le début des années 90 avec par exemple Lenny Kravitz, le comeback d’artistes comme Dire Straits ou Eric Clapton, pour voir enfin arriver un revival sixties et seventies.

En dehors des modes, je passais donc mon temps à écouter des "trucs de vieux" de la génération Woodstock et consorts, ainsi que toute la frange du rock issue du blues en passant en revue tous les guitar-heroes dignes de ce nom. En comparaison, le rock français me paraissait plutôt pâle, et se divisait, pour moi, globalement en trois courants : l'énergie adolescente des Téléphone, Bijou ou Starshooter, l'hommage bluesy respectueux des Paul Personne, Patrick Verbeke ou Bill Deraime, et enfin la branche variété un peu ringarde des Johnny, Eddy et autres Yé-yés en fin de carrière.

Johnny Hallyday pose pour ses fans à St Tropez le 26 septembre 2000
 (BEP/NICE MATIN)

Seulement voilà, force est de reconnaitre que : premièrement, la fin de carrière ce n’était pas pour tout de suite, et la longévité des deux (presque trois) décennies suivantes l’a largement prouvé ; deuxièmement, lorsqu’on écoute la "frange du rock issue du blues", on doit bien s’avouer que "toute la musique que j’aime, elle vient de là", et enfin par-dessus-tout, notre fameux Johnny se trouve avoir été adoubé par nombre d’artistes que j’affectionne particulièrement, entre autres : Renaud, Louis Bertignac, Paul Personne… même la récente découverte Gauvain Sers a repris une de ses chansons dans l’album hommage paru en novembre. Et c’est vrai que "Excuse-moi partenaire" avec le pote Eddy en duo, et le Paulo à la guitare, et bien c’est difficile d’y résister.

D’un autre côté, ça a quand même plus de classe de dire "oui, en ce moment je travaille 'Stairway to heaven' à la guitare" plutôt que "j’essaie de reproduire les arpèges de "Quelque chose de Tennessee"… Et pourtant, quand on l'écoute, l’intro de ce morceau composé par Michel Berger est magnifique, et n'a rien à envier mélodiquement à d'autres parties guitaristiques de grands morceaux pop-rock. De plus, on peut reconnaître à Johnny et ses confrères de nous avoir fait découvrir des standards américains. Et puis quand on s'enregistre dans sa chambre, et qu'on a un accent anglais exécrable, et bien oui, c'est plus simple de chanter "Les portes du pénitencier" que "House of the rising sun". Je garde aussi le souvenir amusé de la fête de la musique 1992 où, au sein d’un groupe éphémère, nous avions fait se côtoyer dans le même set, les reprises de "Cocaine" et "Johnny B Goode" avec "Noir c'est noir", ou d’autres chansons que j’avoue avoir oublié.

Je me souviens également être allé voir "Conseil de famille" au cinéma à sa sortie, et Johnny y est très bien. Il n’a pas toujours cédé à la facilité au cinéma, tournant "Détective" avec Godard, ou plus récemment "L’homme du train" de Leconte. Des choix courageux qui tranchent avec l’image caricaturale qu’on pouvait avoir du bonhomme.
Quelques années après, il m'a bien fait rire le Johnny de la boite à coucou des Guignols de l'info. Mais en même temps, j'ai apprécié son autodérision et qu'il accepte de venir sur le plateau taquiner sa marionnette. Tout comme ses self-portraits dans "Wanted" ou "Jean-Philippe". Il a su rire de lui-même, et on ne peut pas en dire autant de toutes nos stars nationales.

Alors oui bien sûr, j'ai toujours trouvé son côté "biker-rocker" caricatural, ses méga-shows un peu trop mégalos, sa voix souvent trop forcée. J’ai aussi été exaspéré par ces tournées anniversaires ou d’adieux interminables... Mais quelle rock star ne l’a pas fait ? On ne compte plus les tournées baptisées "farewell" ou "ending" (qui se transforment en "never ending" ou "endless") des dinosaures tels les Stones, les Who, Bob Dylan, Scorpions et bien d’autres. Et puis, il avait quand même quelque chose de sympathique. Le genre de type avec qui on aurait aimé bavarder, boire une bière et gratouiller du blues jusqu’au bout de la nuit. Et surtout, je lui serai toujours reconnaissant d'avoir fait découvrir Jimi Hendrix à la France, à la fin de l’année 1966, lorsqu'il lui a proposé sa première partie à l'Olympia. Qui sait, si sans notre Johnny national, Jimi aurait eu la même carrière foudroyante ?

Tu sais Johnny (je peux te tutoyer, je crois que ça se fait dans le milieu du rock…), je vais t’avouer un truc : je n'ai aucun de tes disques à la maison. Mais quand j’ai appris que tu étais parti et que j’ai du re-parcourir ta vie et ta longue carrière, j’ai réécouté plusieurs morceaux avec grand plaisir. Et même si tu n’étais pas vraiment de ma génération, j'ai quand même ressenti une certaine nostalgie, en me rappelant que, même en n’étant pas un grand fan, j’avais eu plusieurs fois l’occasion de fredonner quelques-unes de tes chansons.

Tiens, je vais aller attraper la guitare et me rejouer l’intro de "Quelque chose de Tennessee", comme sur cette version de Bercy 90 que j’écoutais à la fac… C'était l'époque des cassettes audio et du walkman....Et comme tu le disais si bien : "Souvenirs, souvenirs"...
So long Johnny.

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