De Jack White à Ryūichi Sakamoto, quatre albums sortis au cœur de l’été que vous avez peut-être loupés

Il y a du rock déchaîné, du rap old school ciselé, du piano solo et de la country par un rappeur tatoué bien entouré : dans cette moisson estivale, se niche peut-être un album pour vous.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
Jack White sur scène à Detroit (Michigan, Etats-Unis) le 6 juin 2024. (SCOTT LEGATO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

C'était les vacances. Vous bulliez dans votre hamac dans la torpeur de l’été et vous aviez enfin mis à distance respectable le vacarme du monde. Entre le chant des cigales et des oiseaux, seule la musique de vos artistes préférés avait droit de cité. Pendant ce temps béni, la planète continuait néanmoins de tourner et les albums à sortir, surtout outre-Atlantique – en France, les maisons de disques observent généralement une trêve estivale des sorties. Voici donc quatre albums, publiés en juillet et août et dans des styles totalement différents, que vous avez peut-être loupés à tort.

Jack White : "No Name"

La pochette de l'album "No Name" de Jack White, un disque recommandé aux nostalgiques des White Stripes. (THIRD MAN RECORDS)

Que vous ayez besoin de crier un bon coup face à l’actualité ou d’un coup de pied aux fesses pour redémarrer, Jack White a ce qu’il vous faut. Offert en cadeau un jour de juillet aux chanceux clients des boutiques de son label Third Man Records (à Detroit, Nashville et Londres), sous pochette blanche neutre mentionnant No Name, ce sixième album solo de Jack White est finalement sorti par surprise au cœur de l’été. Un disque explosif, défouloir, sur lequel il lâche les chevaux sans aucun complexe, arrière-pensée ou concept. Enregistrés dans son studio de Nashville entre 2023 et 2024, ces treize titres bruts de décoffrage le voient revenir aux fondamentaux - on pense souvent aux White Stripes - avec jubilation. Fourmillant de riffs déchaînés et de slide-guitares, mixant rock garage et blues bouillant, No Name contient une sacrée collection de brûlots décoiffants tels Bless Yourself et sa furia digne de RATM, ou Archbishop Harold Holmes et son riff sorti tout droit de la cuisse de Led Zep, sur lequel son phrasé siphonné met le turbo. Un pur moment de rock’n’roll.

(Third Man Records, sorti le 2 août 2024)

Ryūichi Sakamoto : "Opus"

La pochette de "Opus", l'album posthume de Ryūichi Sakamoto. (SONY MUSIC)

Le compositeur japonais, emporté l’an passé par un cancer à l’âge de 71 ans, avait enregistré six mois avant sa mort, qu’il sentait venir, un ultime film-concert en piano solo et un album du même nom, Opus. Dépouillé, contemplatif et expressif, ce somptueux testament témoigne de sa créativité jusqu’au bout : pour ce disque, le maestro de la musique de films revisitait et élaborait de nouveaux arrangements pour les classiques de son répertoire, tels Merry Christmas Mr. Lawrence (Furyo), The Last Emperor, ou encore la version poignante et ralentie de Tong Poo, titre fétiche de son Yellow Magic Orchestra. Il y ajoutait trois inédits, dont BB, adressé au réalisateur Bernardo Bertolucci (1978-2018) et for Jóhann dédié au compositeur islandais Jóhann Jóhannsson, disparu prématurément en 2018. Bouleversant.

(Sony Music, sorti le 9 août 2024)

Common et Pete Rock "The Auditorium, Vol.1"

La pochette de l'album "The Auditorium Vol.1" de Common et Pete Rock. (LOMA VISTA)

Voilà une collaboration de pointures assurée de couler comme miel entre les oreilles des "old timers" du rap. Considéré comme l’un des gardiens de l’intégrité hip-hop, le rappeur de Chicago Common, 52 ans, s’allie au producteur de légende Pete Rock – qui fut notamment aux manettes de The World is Yours de Nas, ça vous pose le bonhomme – pour son quinzième album. Rappeur "conscient" s’il en est, Common n’a cessé de prouver combien le hip-hop était cher à son cœur (le classique I Used to Love H.E.R.) et il continue avec constance. Dès l’ouverture, sur le nostalgique Dreamer, construit autour d’un sample émouvant d’Aretha Franklin, il rend hommage aux pionniers du mouvement – "c’était notre religion, wow" - et à ceux qui l’ont précédé, citant Queen Latifah et Biggie aussi bien que Prince et Gladys Knights. Sur le beat enjôleur de This Man, il rappelle "mon objectif est l’unité pour ma culture", et partout déploie sa spiritualité poétique via de belles métaphores sur la vie, la mort, la foi  – "Our destination is constant elevation", pose-t-il sur We’re On Our Way. Pour sa part, Pete Rock fait merveille à la production, convoquant dans ses tapis sonores tous ses héros, de Curtis Mayfield à Roy Ayers. Un album inspiré constitué de “rêves combinés en beats et rimes”.

(Loma Vista, sorti le 12 juillet 2024) 

Post Malone "F-1 Trillion"

La pochette de l'album country "F-1 Trillion" de Post Malone. (MERCURY - UMG)

Jamais où on l’attend, le rappeur magnétique hyper-tatoué, qui nous avait bluffés durant le confinement avec ses reprises impeccables de Nirvana, publie un album de country pur jus. Alors que le genre connaît un regain fulgurant – après Cowboy Carter de Beyoncé en mars, Lana Del Rey s’y met avec Lasso, en septembre -  et cartonne dans les charts américains, ce virage du rappeur, compositeur et producteur pourrait être vu comme opportuniste. Sauf que Post Malone, biberonné au genre durant toute son enfance passée en partie au Texas, avait prophétisé dans un tweet dès 2015 qu’il serait chanteur de country à 30 ans. Dont acte (avec un poil d’avance puisqu’il n’a encore que 29 ans), et ce en compagnie d’une pelletée de légendes comme Dolly Parton, Hank Williams Jr et de cadors du genre tels Tim McGraw, Morgan Wallen ou Luke Combs. Le tout enregistré comme il se doit à Nashville avec un enthousiasme et un brio qui forcent le respect. Qu'on aime ou pas, on lui tire notre chapeau (de cowboy).

(Mercury/UMG sorti le 16 août 2024)

À noter que sont également sortis cet été les albums des rappeurs Eminem (The Death Of Slim Shady) qui y mettait symboliquement à mort son alter ego Slim Shady, Childish Gambino (Bando Stone in the New World), un disque ultra varié dans lequel l'acteur et réalisateur mettait lui aussi un point final à sa carrière musicale sous ce nom, Killer Mike (Michael & The Mighty Revival, Songs for sinners and saints), un album combatif très réussi après trois Grammys remportés pour son opus précédent, et Kanye West en tandem avec Ty Dollar Sign (Vultures 2) dans un exercice en demi-teinte. L'icône de la techno Jeff Mills a publié de son côté début juillet son second album de l'année (The Eye Witness) dans lequel il se penche sur la psyché et les traumas de l'humanité, tandis que les surdoués et stakhanovistes australiens King Gizzard and the Lizard Wizard ont livré le 9 août un pénultième album (Flight b 741) infusé cette fois d'influences sudistes seventies, et que le groupe de post-punk Irlandais Fontaines D.C. tente de nouvelles choses sur son quatrième album (Romance) sorti le 23 août et salué par la critique.

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