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Bowie raconte Bowie : 40 déclarations qui éclairent le mythe
Qui était vraiment l'extra-terrestre David Bowie ? Quelle était sa philosophie en tant qu'artiste ? Et que pensait vraiment David Jones derrière ses multiples visages ? Nous avons passé au crible les propos de l'icône disparue le 10 janvier 2016 pour en extraire la substantifique moelle. Petite plongée dans la tête d'un géant.
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Jeunesse
"Nous étions une petite famille typique de la classe ouvrière, avec sa vie rangée et monotone. Rien de magique, rien de brillant. J'ai su que cette vie n'était pas pour moi à 8 ans, lorsque j'ai entendu Little Richard. (…) Je n'ai jamais eu aucun doute quant à ma réussite. Je savais que je deviendrais célèbre, je me suis préparé à cette vie très jeune. De l'extérieur je n'étais qu'un type effrayé et timide. Mais au fond de moi, l'assurance était phénoménale." (Les Inrocks, 1993)(À propos de son nom de scène, son vrai nom étant David Jones) "Le nom Bowie (connu pour être celui d'un couteau remontant au Moyen-Âge NDLR) me parlait lorsque j'étais plus jeune. J'étais dans une phase très philosophique à l'âge de 16 ans et je cherchais un truisme évoquant quelque chose qui coupe les mensonges." (Rolling Stone, février 1974)
Masques
"Je change d'apparence pour la simple raison que je me lasse et pour moi, s'ennuyer est le pire péché. (…) J'ai toujours pensé qu'il y avait mieux à faire qu'être un chanteur sur scène qui fait crier les filles. Mais ce n'est que lorsque j'ai rencontré Lindsay Kemp, mon professeur de mime, que j'ai vraiment compris comment la mise en scène et le théâtre pouvaient contribuer à un show rock." (Mirabelle, Janvier 1974)"Peut-être que je suis fou aussi - il y en a dans la famille - mais j'ai toujours eu le besoin d'être quelque chose de plus qu'humain. Je me sentais dérisoire en tant qu'humain. Je pensais, "fuck that". Je veux être un superhumain." (Q Magazine, 1990)
"Au début, Ziggy ne devait exister que sur scène, mais petit à petit, il m'a remplacé dans la vie privée. Je ne savais plus où il finissait et où je commençais. (…) Ce n'était vraiment pas drôle d'être Ziggy 24 heures sur 24. Je me souviens d'une solitude atroce." (Les Inrocks, 1993)
"En tant qu'artiste je voulais, plus que tout, contribuer à la culture dans laquelle je vivais." (GQ, 2002)
"Je suis une star instantanée. Ajoutez juste de l'eau et tournez." (Who's Who in the Movies by Leslie Halliwell, 2003)
"J'ai toujours été stupéfait d'être considéré comme le caméléon du rock. Le caméléon ne dépense-t-il pas une énergie phénoménale pour devenir impossible à distinguer de son environnement ?" (Esquire, 2004)
Mensonge
"Je ne sais pas si je change tout le temps d'avis ou si je mens beaucoup. C'est quelque part entre les deux." (Rolling Stone, février 1974)"Je mens comme je respire, tout le temps. Mais c’est seulement lorsque je constate que ce genre d’affirmation a une certaine gueule quelques semaines plus tard que je m’efforce de la consolider (rires) Je me suis rendu compte que si je m'étends dans les journaux, cela prend des allures de rabâchage après deux ou trois fois. Je finis par me paraphraser, et ça n'a plus de sens réel. Alors j'ai commencé à ajouter des éléments incongrus pour éviter de me mettre à radoter." (Rock & Folk, 1976)
Inspirations et influences
"Côté inspiration, je n'ai pas beaucoup changé de point de vue depuis mes 12 ans. J'ai une mentalité d'enfant de 12 ans. J'avais un frère qui était dans Kerouac et il m'a donné à lire "Sur la route" à cet âge-là. C'est encore une grosse influence." (Rolling Stone, février 1974 - il a alors 28 ans)"Je ne me contente pas d'écrire des chansons, je veux les rendre tri-dimensionnelles. Le songwriting en tant qu'art est un peu archaïque maintenant. (…) Une chanson doit prendre forme, être personnifiée, et influencer les gens. Cela doit les affecter non pas juste en tant que chanson, mais en tant que style de vie. Les rock stars ont assimilé tout un tas de philosophies, de styles, d'histoires, d'écrits, et ils recrachent ce qu'ils ont glâné de tout ça." (Rolling Stone, février 1994)
"Le plus intéressant pour un artiste est de piocher parmi les débris d'une culture, de regarder ce qui a été oublié ou pas vraiment pris au sérieux. Une fois que quelque chose est catégorisé et accepté, il devient une part de la tyrannie du mainstream et perd sa puissance. Ça a toujours été comme ça pour moi : ce qui m'emprisonne le plus, c'est de me sentir catalogué." (New York Times, juin 1998)
"Au début des années 70, les gars comme moi, Bryan Ferry ou Brian Eno (…) nous étions excités par les décors, par la façon de nous habiller, par le fait de tenter de créer tout un univers pour la musique que nous faisions. (…) Nous parlions des livres que nous lisions, les poètes Beat. Nous parlions du théâtre Kabuki. Nous parlions d'artistes. J'étais intéressé par les Expressionnistes. Et il y avait énormément de Dada dans ce que nous faisions." (New York Times, juin 1998)
"Duchamp, Burroughs, les films expressionnistes. C'était si jouissif d'appliquer toutes ces théories d'avant-garde à la musique populaire." (Les Inrocks 1993)
"J'ai toujours fait attention à renvoyer l'ascenseur à ceux qui m'ont influencé. Si j'aime un artiste, je tiens à le faire partager. J'ai fait ça avec Lou Reed, avec Iggy Pop. J'étais très connu et, comme on m'écoutait, j'en ai profité pour les aider." (Les Inrocks, 1993)
Musique
"Mon premier groupe à avoir un début d'intérêt s'appelait The Hype. Tony Visconti était à la basse, Mick Ronson à la guitare, John Cambridge à la batterie et moi aux claviers et à la guitare rythmique. Je me souviens d'un concert de 1970 au Roundhouse (…) Nous étions habillés en Superman, ce devait être un spectacle totalement grotesque. À ma connaissance, ce fut le tout premier concert de glam rock, donné dans l'indifférence générale." (Les Inrocks 1993)"Cela me fout tellement en colère quand les gens se concentrent sur les paroles. Cela implique qu'il n'y a pas de message dans la musique elle-même." (NME, 1980)
"J’ai dû me résigner, il y a de cela des années, au fait que je ne suis pas très articulé lorsqu’il s’agit d’expliquer ce que je ressens. Mais ma musique le fait pour moi, elle le fait vraiment. Il y a, dans les cordes et mélodies, tout ce que je veux dire. Les mots sont juste là pour amadouer." (Livewire, 2002)
"J'étais si élitiste, si snob. J'ai toujours méprisé la musique mainstream, seuls les nouveaux sons m'excitaient. Et encore, ils me lassaient très vite." (Les Inrocks 1993)
"Chaque fois que je fais un album, j'ai tendance à prendre le chemin du suicide commercial parce que je me révolte contre le dernier album que j'ai fait, surtout s'il a eu du succès. C'est une façon d'éviter que cela devienne trop confortable, car alors j'écris mal – j'écris des chansons nulles." (Record Collector, 1993)
"Tonight en 1986 est ce que j'ai fait de pire dans toute ma carrière. Il n'y a plus la moindre inventivité, la moindre flamme. J'ai totalement déserté mes disques à partir de cette époque. (…) Je n'aurais rien dû enregistrer entre Scary Monsters et Black Tie White Noise." (Les Inrocks, 1993)
Magie et occultisme
(Évoquant une époque où il était plongé dans la magie, via le livre de Dion Fortune "Psychic Self Defense") "Je dessinais des portes pour aller dans d'autres dimensions et je suis persuadé, pour ma part, d'avoir vraiment pénétré d'autres mondes, d'être passé de l'autre côté." (NME, 1997)"J'ai eu plus qu'un intérêt passager pour l'Égyptologie, le mysticisme et la Kabbale. À cette époque, la réponse à la vie semblait quelque chose d'absolument évident. Ma vie entière allait être transformée en cet étrange univers fantastique nihiliste, de désastre prochain, de personnages mythologiques et de totalitarisme imminent." (Musician, mai 1993)
"La chanson Station to Station a beaucoup à voir avec le Chemin de Croix. Toutes les références qui s'y trouvent ont à voir avec la Kabbale. C'est l'album le plus proche d'un traité de magie que j'aie jamais écrit. Je n'ai jamais lu une critique qui l'ait pigé. C'est un album extrêmement sombre. Un très mauvais moment à vivre, je dois dire." (Q Magazine, 1997)
Peinture
"Lorsque j'ai atteint la quarantaine, tout est allé de travers. En 1987 il semblait que plus rien ne marchait pour moi musicalement. J'avais perdu le fil. Je me suis senti vraiment mal. Je me suis senti nul en tant qu'artiste. Et j'ai probablement commencé à travailler sur le côté visuel des choses (la peinture en particulier NDLR) d'une façon presque désespérée pour trouver une forme de salut en tant qu'artiste." (New York Times, juin 1998)"J'ai remarqué que lorsque je rencontre un blocage dans mon écriture, je me tourne vers quelque chose de visuel – qu'il s'agisse d'aller voir le travail de quelqu'un d'autre ou de me mettre à peindre." (Lucky Magazine, octobre 2005)
"J'ai commencé à collectionner très tôt (les œuvres d'art). J'ai quelques Le Tintoret depuis de nombreuses années. J'ai un Rubens. L'art est, sérieusement, la seule chose que j'aie jamais voulu posséder. Ça a toujours été pour moi une nourriture stable. Je m'en sers. Cela peut changer mon humeur le matin. La même œuvre peut influer de différentes façons, selon ce que je traverse." (New York Times, juin 1998)
Sexualité
"Je suis gay, et je l'ai toujours été, même lorsque j'étais David Jones." (Melody Maker, 1972)"Ma plus grande erreur a été de dire au journaliste du Melody Maker que j'étais bisexuel. Mon Dieu, j'étais si jeune alors. J'expérimentais…" (Rolling Stone, 1993)
"On parlait très peu de bisexualité ou de culture gay avant moi. Sans le savoir, j'ai vraiment fait émerger tout ça. Avant de venir en Amérique, je n'avais jamais, jamais vu le mot gay. Il a fallu un peu de temps et quelques grosses rumeurs avant que les gays ne disent "nous désavouons David Bowie". Bien sûr. Ils savaient que je n'étais pas ce pour quoi ils se battaient." (Playboy, 1976)
"Si j'ai contribué à une chose, c'est à une bonne dose d'incertitude. Pour le meilleur ou pour le pire." (NME, sept 1980)
Spiritualité
"Je crois en une forme d'énergie. Mais je ne souhaiterais pas mettre un nom dessus." (London Weekend Television Program, 1973)"J'ai étudié le bouddhisme tibétain lorsque j'étais jeune, influencé par Kerouac. (…) Je me suis habitué à leur façon de penser, ou de ne pas penser, et pendant un temps j'ai été très impliqué. J'ai été jusqu'à vouloir devenir moine novice mais deux semaines avant de m'engager j'ai rompu, je me suis retrouvé dans les rues bourré et je n'ai jamais regardé en arrière." (Rolling Stone, février 1994)
"J'ai un véritable besoin, effréné, de spiritualité. Mais je ne suis à l'aise avec aucune religion établie et j'ai d'une certaine façon touché à toutes. Je ne suis pas en quête de foi, je ne veux pas croire en quelque chose. Je cherche la connaissance." (NME, Nov 1995)
"Je suis en admiration devant l'univers, mais je ne crois pas nécessairement qu'il y ait une intelligence derrière." (Esquire, 2004)
Andy Warhol
"Il y a environ deux ans j'ai été invité à la Factory (…) J'ai rencontré cet homme qui était mort vivant. Le teint jaune, une perruque de la mauvaise couleur, de petites lunettes. J'ai tendu la main et le mec s'est retiré, alors j'ai pensé 'ce type n'aime pas la chair, de toute évidence c'est un reptilien'. Il a sorti un appareil photo et a pris une photo de moi. J'ai tenté de papoter avec lui mais ça ne menait nulle part. Mais alors il a vu mes chaussures. Je portais une paire de chaussures jaunes et dorées, et il a dit "J'adore ces chaussures, dis-moi où tu les as trouvées". Il s'est alors lancé dans un discours sur le design de chaussures et ça a brisé la glace. Mes chaussures jaunes ont brisé la glace avec Andy Warhol. J'adore ce qu'il faisait." (Rolling Stone, 1974)Style et Fashion
"J'étais invisible, personne ne me voyait. Jusqu'au jour où j'ai teint mes cheveux en rouge. Là, pour la première fois, on m'a remarqué ! C'était en 1971, pendant l'enregistrement de Ziggy Stardust. Je cherchais à me créer un personnage pour porter cet album sur scène. Je suis allé voir Orange Mécanique au cinéma, et je suis tombé en admiration devant les fringues de la bande de casseurs : combinaisons à fermeture Eclair, chaussures de catch, bandeau sur l'œil… j'adorais le côté violent de cette image, j'ai voulu le rendre absurde, vaudevillesque." (Les Inrocks, 1993)"Avec un costume, portez toujours de grosses chaussures anglaises, celles à larges bords. Il n'y a rien de pire que ces petites choses italiennes en bas des jambes." (Esquire, 2004)
"Je suis beaucoup plus interessé par les implications théâtrales des vêtements que je ne le suis par la mode de tous les jours. (…) Vous savez quoi ? Je n'ai jamais été à un défilé de mode de ma vie." (Lucky Magazine, oct 2005)
Drogue
"J'ai pris de l'acide trois fois. C'était très coloré, mais j'ai pensé que ma propre imagination était déjà plus riche. Naturellement. (…) Les seules drogues que je prends, en fait, sont celles qui permettent de travailler plus longtemps." (Playboy, 1976)"Incroyables pertes de mémoire. Des pans entiers de ma vie. Je ne peux pas me souvenir, par exemple, de quoi que ce soit – quoi que ce soit - de 1975. Pas une seule minute !" (Rolling Stone, 1983)
Longevité
"J'ai besoin de sentir que je ne me laisse pas tomber en tant qu'artiste et que j'ai toujours quelque chose à apporter. Ça ne marche pas pour moi de faire mon Major Tom. Je n'ai pas envie de finir à Las Vegas." (USA Today, 1995)"Je n'ai jamais pensé que la vie était très longue. Devenir vieux n'a pas du tout été une surprise pour moi. J'ignore si c'est une bonne ou une mauvaise chose mais j'ai toujours été terriblement conscient de sa finitude, et j'ai toujours pensé que si nous n'avons qu'une vie, alors essayons d'expérimenter avec." (The Telegraph, 1996)
"En vieillissant, les questions se résument à deux ou trois. Combien de temps ? Et que faire du temps qu'il me reste ?" (New York Times, 2002)
"Tirez le meilleur de chaque instant. Nous n'évoluons pas. Nous n'allons nulle part." (Esquire, 2004)
Note : de toutes les interviews que nous avons parcourues pour cet article, deux nous semblent incontournables pour aller plus loin. D'une part, celle qui se trouve dans le numéro hors série sur Bowie des Inrocks, en kiosques depuis mi-janvier, réalisée par Jean-Daniel Beauvallet en 1993. D'autre part, le long entretien croisé entre David Bowie et William Burroughs publié dans Rolling Stone (Etats-Unis) en février 1974, absolument passionnant, et qui, comme le précédent, couvre tous les champs.
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