Âgés mais loin d’être usés, les Rolling Stones ont fait monter la température à Lyon
Les Stones donnaient mardi 19 juillet le premier concert français de leur tournée anniversaire "Sixty". Un show à la hauteur de leur réputation malgré leur âge avancé.
Lyon, 19 juillet 2022. On avoisine les 40 degrés. 50 000 personnes remplissent le Stade de Décines dans l’agglomération lyonnaise. Tout le monde a déjà très chaud, mais la température va encore monter dans la soirée… la faute à qui ? Aux Rolling Stones qui donnent leur première de deux dates en France pour cette tournée "Sixty".
En 1967, Paul McCartney chantait When I’m sixty four et s’imaginait à l’âge de 64 ans, qu’il a déjà largement dépassé. Les Stones eux, ne sont pas loin de fêter leurs 64 ans… de carrière ! Cette tournée "Sixty" célèbre en effet six décennies d'activité du plus grand groupe de rock'n'roll du monde. Les Rolling Stones ont donné leur premier concert très exactement le 12 juillet 1962 au Marquee Club à Londres. Et en 2022, ils sont toujours là. Enfin pas tous. Le concert s’ouvre sur des images du batteur Charlie Watts décédé l’année dernière. Des images que Jagger qualifiera un peu plus tard de "particulièrement émouvantes".
Puis c’est la déferlante de tubes pendant deux heures, en commençant par Street Fighting Man ("combattant des rues"), une chanson écrite en 1968, faisant référence aux événements du mois de mai en France.
Des pierres qui roulent en France
Il faut dire que les Stones et la France, c’est une longue histoire. Comme en témoigne le documentaire récemment diffusé sur france.tv, le plus grand groupe de rock'n'roll du monde a un lien particulier avec l’Hexagone. Mick Jagger précise : "C’est notre 53e concert en France, mais certainement le plus chaud !" Et hier soir, Lyon retrouvait les Stones, tout juste 40 ans après les avoir reçus au stade de Gerland le 16 juin 1982. Jagger a visiblement bien révisé : il ironise sur "les Gones, meilleurs chanteurs que les Stéphanois", et la gastronomie locale "qui lui a gâché son régime".
Voir cette publication sur Instagram
Le chanteur s’est d’ailleurs promené dans la capitale des Gaules la veille du concert, incognito, pour faire quelques photos. Un rituel auquel il ne déroge pas depuis le début de la tournée. Chaque ville de chaque concert des Stones fait l’objet de publications sur les réseaux sociaux par le chanteur en mode touriste lambda. Et il faut bien reconnaître que la star du groupe, c’est lui.
Jagger fait le show à lui tout seul
C’est un doux euphémisme de dire que Mick Jagger mène le spectacle de bout en bout. Arpentant la scène de long en large, il harangue la foule et affiche une énergie et un déhanché qu’on ne soupçonnerait pas pour un presque octogénaire ! Le chanteur des Stones aura en effet 79 ans le 26 juillet prochain. Sa silhouette longiligne et sportive arbore une veste quasiment différente à tous les morceaux. Les trois Stones changent de tenues presque autant que de guitares !
Côté six-cordes, Keith Richards et Ron Wood sont légèrement plus en retrait. Les deux guitaristes s’avancent rarement sur le promontoire situé dans la fosse, mais semblent heureux de jouer comme deux ados qui monteraient sur scène pour la première fois.
Keith Richards chante deux chansons
Le guitariste faussement détaché, connu pour ses aphorismes légendaires, prend ici un air presque juvénile en avouant son plaisir de nous retrouver. Il entonne You Got the Silver, sans doute sa plus belle chanson et le meilleur moment du concert, en tout cas pour l’auteur de ces lignes.
Dans la foulée, Happy avec Ron Wood à la guitare lapsteel, referme le court intermède offert à "Monsieur Riff du rock'n'roll". Deux morceaux où Jagger est resté en coulisses. Mais le showman revient pour Miss You dont le refrain est repris à l’unisson par le stade. Comme beaucoup d'autres titres d'ailleurs.
Une setlist compacte mais représentative
Comment résumer en deux heures 60 ans de carrière ? Impossible de satisfaire toutes les attentes mais les grandes heures du groupe sont représentées : les sixties d’abord et en majorité, avec plus de la moitié du set dont les plus que célèbres Satisfaction, Jumping Jack Flash ou Paint it Black - mais aussi Out of Time qui ne figure pas dans les plus connues. Puis les années 70 à travers Dead Flowers, Tumbling Dice, Happy, Angie et Miss You, mais malheureusement sans Brown Sugar, disparu de la setlist pour cause de polémique. Et enfin les eighties et son tube incontournable Start me up. Mais les Stones tiennent à montrer qu’ils sont encore un groupe actuel en jouant Living In A Ghost Town, morceau composé et sorti pendant le confinement.
Côté chansons mythiques, Sympathy for the Devil et You Can’t Always Get What You Want emportent immédiatement l’adhésion du public. Quant à Honkytonk Women, l’intro est acclamée dès le son de Cowbell, avant même le riff de guitare, joué par Richards sur sa fameuse Telecaster à cinq cordes, surnommée "Micawber". Et morceau sulfureux s’il en est, Midnight Rambler offre l’occasion à nos grands amateurs de blues de glisser une citation de C’mon in my kitchen de Robert Johnson.
Un dispositif impressionnant
Alors oui bien sûr, on est loin des grandes heures de Get Yer Ya-Ya’s Out ! mais qui pourrait imaginer que des musiciens qui sont grands-pères peuvent être au même niveau que dans leur trentaine ? On sent parfois quelques approximations dans les riffs de guitares, le solo de Sympathy for the Devil est loin d’égaler la période mythique avec Mick Taylor, et la setlist laisse même apparaître que Gimme Shelter était originellement prévu, mais n’a pas été joué. La faute à la première partie des Nothing But Thieves, qui bien qu’agréable musicalement s’est un peu éternisée ?
Mais ce serait faire la fine bouche que de s’arrêter sur ces détails. Les Stones ont assuré un show à la hauteur de leur réputation. Une scène certes sobre par rapport à d’autres tournées mais un symbole en forme de la célèbre bouche tirant la langue. Un logo connu dans le monde entier, créé par John Pasche en 1971, et qui, rappelons-le, n’a pas été inspiré par le visage de Mick Jagger mais par la déesse indienne Kali.
L’organisation entourant le concert s’est révélée elle aussi à la hauteur de l’événement : dispositif de transports exceptionnel, sécurité imposante, et distribution d’eau gratuite sans limitation. Le nombre impressionnant de personnes travaillant sur le projet laisse entrevoir la mesure d’une telle entreprise. La logistique s’appuie sur une scène en double et chaque nouveau concert est installé pendant que se déroule le précédent. Toutes les dates sont espacées au minimum de quatre jours. C’est ainsi que les Rolling Stones se produiront à Paris ce samedi 23 juillet.
Voir cette publication sur Instagram
La province hexagonale a eu l’honneur d’avoir la primauté avant la capitale. Et le public, pas uniquement lyonnais bien sûr, puisqu’on y a croisé des personnes venant de toutes régions et même de l’étranger, a savouré un show qui a confirmé le statut du plus grand groupe de rock, et le plus vieux toujours en activité. Chapeau bas Mick, Keith et Ron. Hier soir, comme diraient les Stones, "c’était juste du rock’n’roll, mais décidément j’aime vraiment ça".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.