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Rap américain : notre Top 10 de 2014

Peut-on encore parler de rap au singulier en 2014 ? Le genre n'est plus monolithique depuis longtemps mais la variété des styles est aujourdhui plus criante que jamais. Comme dans le rock, il existe une myriade de styles dans le rap, notre playlist en témoigne. Le rap restant l'un des meilleurs pouls pour ausculter la société, il reflète aussi la tension du climat actuel aux Etats-Unis.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Kendrick Lamar en septembre 2014 à Las Vegas.
 (Arnold Turner/AP/SIPA)
1. KENDRICK LAMAR "I"
Alors qu'on espère son troisième album avec impatience pour 2015, le prodige de Compton (Los Angeles) revient avec le plus beau titre de "self empowerment" possible. Une chanson qui reprend le message positif de son album de 2012 "Good Kid M.a.a.d City", et dans laquelle il appelle les jeunes, et en particulier ceux à la dérive, à s'aimer eux mêmes afin de pouvoir réaliser leur potentiel (d'où le refrain "I love myself" qui est tout sauf egotiste). Un peu trop vertueux ? Sauf que la vertu n'a jamais eu phrasé et écriture d'une telle excellence et que le beat ultra funky pourrait presque se suffire à lui-même. Résultat : un hymne galvanisant pour tous. Rap de l'année.
2. VINCE STAPLES "HANDS UP"
Après trois-quatre mixtape remarquées, le jeune rappeur de Long Beach a sorti cette année son projet le plus abouti à ce jour avec son premier EP sur Def Jam, "Hell Can Wait". Proche (mais non affiilié) du crew Odd Future, ancien membre de gang, Vince Staples est résolument pessimiste et ses rimes denses et complexes ne sont pas là pour faire joli. Chez lui, l'espoir et la lumière sont rares, l'atmosphère irrespirable et pas un mot n'est de trop. Si ce "Hands Up" ne parle pas selon lui de l'affaire Ferguson mais des violences policières à Los Angeles, ce doigt d'honneur en droite ligne du "Fuck Da police" de NWA a trouvé un écho très fort ces derniers mois aux USA, agités par des affaires de bavures policières à répétition. La grosse basse et les détails sonores menaçants du producteur star No I.D. ajoutent à la charge. Incontournable.


3. RUN THE JEWELS "Blockbuster Night Part 1"
Dans les années 90, le producteur et rappeur EL-P sévissait au sein de Company Flow, un des groupes de hip-hop underground les plus révérés de la côte Est. 20 ans plus tard, on le retrouve chez Run The Jewels en compagnie du rappeur d'Atlanta Killer Mike. Ces deux là étaient faits l'un pour l'autre. Ils s'entendent comme larrons en foire et leurs rimes se répondent avec brio. Leur premier album avait été remarqué en 2013 mais c'est avec le second, sorti fin octobre, que le duo casse la barraque. Pourtant la production ultra audacieuse n'est pas franchement facile d'accès et leurs rimes sont ultra-denses (difficile de tout saisir), hyper critiques, politiques et pourfendeuses de toutes les hypocrisies. Mais le tandem ne joue jamais aux premiers de la classe et ponctue tout cela de second degré, d'auto-dérision et d'humour potache. Pour toutes ces raisons, ce duo est jubilatoire. Comme ce clip.
 


4. FLYING LOTUS featuring KENDRICK LAMAR "Never Catch Me"
Et revoilà Kendrick Lamar, cette fois avec le producteur et rappeur de musique électronique Flying Lotus. Ce titre figure sur l'album conceptuel "You're Dead!" et Kendrick y évoque la vie et la mort sur un jazz-rock ambitieux dont le rythme va crescendo. Mais il ne faut pas se mentir, c'est aussi grâce à son clip magnifique (notre clip préféré de l'année), hymne à la vie dans lequel deux enfants se lèvent de leur cercueil pour danser, que cette chanson pas super facile d'accès a fait son chemin. A la lumière des récents évènements aux Etats-Unis, elle prend un sens d'autant plus poignant.
 


5. DE LA SOUL Featuring CHUCK D "The People"
Fin novembre, le trio légendaire de New York, renforcé du leader de Public Enemy, proposait cette chanson au téléchargement gratuit. "The People" parle de la lutte pour la survie de la communauté noire américaine, sans esquiver ses défauts et ses faiblesses. Un titre à la fois rageur et distancé, très lucide, qui se désespère surtout de voir que rien ne change. Comme d'autres cette année, cette chanson n'était pas destinée spécialement à sortir après le verdict de Ferguson (24 novembre) mais elle a coincidé malgré elle avec ce drame et la révolte qui a suivi, comme le montre ce clip amateur d'images de manifestations. "The People" n'en est que plus percutante.
 


6. VIC MENSA "Down On My Luck"
Copain de notre coup de coeur de l'an passé, Chance The Rapper, Vic Mensa est un rappeur de Chicago lui aussi très doué pour les rimes fines et les chansons souples à base de soul. Cette fois, il s'aventure carrément dans la house. Certains se boucheront le nez, d'autres, dont nous sommes, apprécieront ce pas de côté qui crie haut et fort qu'un bon rappeur est tout terrain. Là encore, le clip très réussi n'y est pas pour rien, qui rejoue en boucle toutes les possibilités de dérapages d'une soirée en club lorsqu'on est "pas en veine".
 

7. JOEY BADASS "Big Dusty"
Après trois mixtapes remarquées, le prometteur jeune New Yorkais, fondateur du collectif hip-hop Pro Era, sort son premier véritable album studio en janvier prochain sur une major. Un album très attendu sur lequel a collaboré le producteur de légende Dj Premier. "Big Dusty" en est le premier single.


8. FUTURE featuring PHARREL WILLIAMS et PUSHA T "Move That Dope"
Un beat énorme, une basse profonde, gros clin d'oeil aux années 80, et trois bons mc's pour surfer sur ces boucles entêtantes et ces "ahhh-push-it", cela peut donner le meilleur. C'est le cas ici. Illustrant les paroles où il est question d'une équipe de dealers en fuite, le clip est à l'avenant, fourmillant de références aux eighties (le masque de Reagan et le boombox notamment). S'il ne rappe pas sur son album solo "GIRL", Pharrell Williams est pourtant un rappeur très demandé. Il signe ici son meilleur featuring de l'année, et donne les clés de son fameux chapeau arboré aux Grammys avec cette rime : "The Gandalf hat and the weird ass clothes/ That's Comme des Garçons and The Buffalo". 


9. RAURY "God's Whisper"
Avec ce jeune natif d'Atlanta, le hip-hop ne sait plus très bien comment il s'appelle et c'est tant mieux. Cet original a jeté aux orties tous les dogmes et toutes les conventions et semble capable à lui seul de renouveler le genre. Touche à tout, il rappe, il chante, il joue de la guitare acoustique et développe un cocktail euphorisant de hip-hop, électro, pop, folk, soul et gospel d'une originalité folle. Sur "Indigo Child", son premier album offert au téléchargement cet été, on trouvait ce "God's Whisper" magique, qui prouve que le rap n'est pas (et n'a jamais été) fait pour le surplace et qu'il n'est jamais aussi bon que lorsqu'il ose s'ouvrir aux quatre vents.
 


10. ACTION BRONSON "Easy Rider"
Ancien cuistot, Action Bronson, dont le timbre et le flow rappellent étrangement ceux de Ghostface du Wu-Tang, est une vraie figure aux USA. Ne vous fiez pas à la violence des premières images : ce clip hilarant raconte la quête erratique d'un ancien soldat pour retrouver sa guitare chérie, à la façon du road-movie culte "Easy Rider". Musicalement, ce titre est une vraie perle. Monté sur un riff de guitare psychédélique comme on n'en avait pas entendu dans le rap depuis Ice T., ce "Easy Rider" restera dans les mémoires. On vous l'a dit, on le répète : le rap peut tout. 

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