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Oxmo Puccino, L'Entourage, Kool Shen ou Lino : David Delaplace expose "Le Visage du Rap" au centre Hip Hop La Place

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Son exposition de photos d'une vingtaine de figures du rap français inaugure La Place, le nouveau centre culturel dédié au hip hop situé sous la Canopée des Halles à Paris. Jeune photographe autodidacte et enthousiaste, David Delaplace a entrepris de raconter et documenter le hip hop français des origines à nos jours. Un projet en marche (un livre doit sortir fin 2017) à voir du 12 au 21 octobre.

Samuel Cueto

Affable, volubile et souriant, David Delaplace, 26 ans, est quelqu'un d'immédiatement sympathique. Banlieusard (Vigneux sur Seine dans le 91) biberonné dès l'enfance au rap français, il a été dit-il "le public cible du rap du milieu des années 2000". Puis il a voulu connaître leurs prédécesseurs et a découvert une mine d'or et de mc talentueux comme Lino, NTM ou La Cliqua. La photographie, il l'a apprise tout seul. En se documentant, en s'équipant et en observant le travail des maîtres de la photo rap en France, Koria et Fifou. Un jour de 2014 il a décidé de mêler ses deux passions et de faire un livre documentant le hip hop hexagonal, des débuts à aujourd'hui "et même demain". Depuis plus de deux ans, il met toute son énergie à rencontrer les figures du hip hop d'ici - rappeurs, graffeurs, Dj's, danseurs ou réalisateurs de clips. Ce n'est pas toujours facile mais sa pugnacité commence à payer : il est désormais connu comme le loup blanc. Son livre n'est pas attendu avant fin 2017 (il a découvert les longs délais d'impression) mais David Delaplace, avide d'avis constructifs, est impatient de montrer son travail. La Place lui offre sa première expo du 12 au 21 octobre. Il nous commente ci-dessous 10 de ses photos. 
 (Samuel Cueto)
David Delaplace : "C’est un de mes tout premiers clichés réalisés pour ce projet. L’idée de ce livre sur le hip hop, je l’ai eue le 7 février 2014. J’en ai parlé peu après à un copain qui me dit "tu sais quoi, je connais un gars qui connait Oxmo, je l'appelle". Il me rappelle et m'annonce "Oxmo il est chaud tu vas le chercher demain en bas de chez lui". On a un peu survendu le projet à Oxmo en lui disant que d'autres artistes avaient déjà accepté - c'est le rap, hein, il faut arriver à faire son chemin (rires). Du coup je vais voir Oxmo, légende. Quand j'arrive devant lui, il met le truc à température tout de suite : je vais le chercher en bas de chez lui, il est en train de fumer son petit truc tranquille, on discute, je lui parle comme si on se connaissait depuis toujours. Il monte dans ma Fiat Punto éclatée – pourtant c’est Oxmo quoi ! On roade dans Paris, on va en studio, il maquette un titre devant moi, je n'avais jamais été dans un grand studio. Ensuite on va à Porte des Lilas, le quartier où il a bourlingué, dans un des jardins qui est au-dessus du périphérique. Normalement c'est interdit de faire des photos alors un vigile est venu nous voir. Mais il s'est avéré que son grand frère venait du quartier d'Oxmo et du coup ça s'est très bien passé. Cette photo a été prise à ce moment là."
 (David Delaplace)
"Sidney je l'ai rencontré une première fois, chez lui. Il a des milliers de disques. Quand son fils lui fait écouter un morceau de rap, il lui sort tout de suite un morceau d'origine d’où a été tiré le sample. J'aime beaucoup Sidney. Cette photo a été prise lors du tournage d’un clip. L’ancien de l’émission de télé pionnière de danse H.i.p H.o.p. est en train de breaker sur un cube à moitié en équilibre avec les pieds en l'air. A cinquante berges, moi j'aime bien ! Visiblement il n'a jamais vraiment lâché le break."
 (David Delaplace)
"Ce jour là le collectif tournait un clip pour un remix de "Martin Eden", un morceau de l'album "Feu" de Nekfeu. Le clip devait être tourné au départ dans un hôtel particulier magnifique avec deux Bugatti dans le garage - je n'ai jamais vu un lieu aussi luxueux.  Mais le réalisateur ayant pris un peu de retard, le propriétaire s’était ravisé, il n’avait autorisé le tournage qu’à l'extérieur. Déjà, ca commençait mal. En plus Nekfeu était en retard et du coup le réalisateur n'a fait que trois-quatre plans, c'était bancal, et le clip n'est jamais sorti. Le titre aussi d'ailleurs : il n'est  pas sorti et, de source sure, il ne sortira jamais. Parce qu'il n'a pas été mixé, pas masterisé et je crois qu'il y a deux trois couplets qui ont été réutilisés dans d'autres morceaux qui ont fonctionné ensuite. Mais voilà, pour ce clip et ce remix qui n'existent pas j'étais là et j'ai fait plein de photos. (rires)" 
 (David Delaplace)
"Musicalement ce n'est pas celui que je connaissais le mieux mais Doudou Masta m'a surtout marqué dans la série La Commune qui racontait la vie d’un quartier (vers 2005-2006 sur Canal+). Il tenait l'un des rôles principaux. Il joue super bien. Dans l’histoire, un des patrons du quartier qui tenait toute la drogue se fait buter. Il s'appele Saida. Et quand il meurt, il crie sous la pluie "Saida il peut pas mourir !". Doudou incarne un des types qui a voulu le tuer et qui reprend le terrain ensuite. La première fois que je l'ai vu j'ai crié "Saida il peut pas mourir!", ça l’a fait rigoler. Pour les photos, on s'est donné rendez vous dans un café à Bastille où il a ses habitudes. J'aime bien cette photo parce qu'il est pensif. C’est une photo intime. J'aime montrer les artistes dans des attitudes inattendues, qu'on n'a pas forcément vues. Aujourd'hui les artistes sont des personnages publics donc ils font attention à leur image. Du coup beaucoup trop de photos se ressemblent."
 (David Delaplace)
"Lino est l'un de mes artistes préférés, c'est mon top 2, juste après Salif. Lino a une plume incroyable, il peut poser sur tout. 10 ans après, on peut réécouter ses titres et c'est toujours une folie. Lino, je l'ai rencontré un après-midi pendant les répétitions d’un de ses concerts au Canal 93. Je le vois très souvent et aujourd’hui c'est sans doute l’artiste que j'ai le plus shooté. Pourtant, quand je sors mon appareil, en général il râle, mais en rigolant. "Oh encore des photos" (il imite la voix de Lino) et après "oh celle là elle déchire !". Mais justement les soirs où je décide de ne pas trop en faire, c'est lui qui vient me voir "alors on fait pas de photos?". Donc on a tout le temps ce rapport : si j'en fais il gueule, si j'en fais pas il gueule aussi. Sur celle là il n'y a pas de lumière, rien. Elle a été faite dans sa loge à l'Olympia quand le Ministère A.M.E.R. a fait le concert évènement pour ses 20 ans. C'était une dinguerie."
 (David Delaplace)
"Dee Nasty m'avait donné rendez vous en bas de chez lui vers 10h du matin. Mais il n’est jamais venu. J’ai appris par la suite qu’il avait fait une grosse soirée la veille et qu’il était KO.  De retour chez moi, en regardant sur internet j’avais vu qu’il donnait le soir même un concert sur une péniche. J’y suis allé et c’était d'autant mieux parce que Dee Nasty il faut l'avoir derrière des platines. Surtout, il était avec EJM que je cherchais depuis très longtemps. Cela m’a permis de le rencontrer et on est devenus potes. La médaille de la Zulu Nation que porte Dee Nasty? Ca ne me parle pas trop, ce n'est pas mon époque. La Zulu Nation, que certains véhiculent comme étant une force, voire l’acte de naissance du rap, est un peu controversée. Beaucoup d’activistes du mouvement m’ont dit que ça ne les concernait pas."
 (David Delaplace)
"Salif, un rappeur que j’admire énormément, faisait partie de IV MY People de Kool Shen.  Aujourd'hui il est passé à autre chose, il a changé de vie mais on se connait. Il savait que je voulais Kool Shen et il m'a aidé. Un jour il m'appelle et me dit "tu fais quoi demain ? Kool Shen est en studio je t'ai tout organisé, si tu es dispo vas-y". Grâce à lui les portes se sont grandes ouvertes. Sachant que j'étais le pote de Salif, tout le monde était super sympa avec moi. C'était une séance très festive, Kool Shen faisait un morceau avec Soprano, que je connais ainsi que son management. Donc bonne ambiance, ça joue, ça rigole mais là Kool Shen se pose 4 secondes, je fais ce cliché et on a l'impression qu'il est au bout de sa vie alors que pas du tout. Pourquoi avoir gardé cette photo ? Parce que je ne me suis pas demandé si elle était représentative du moment mais si elle était bonne ou pas. Or cette photo elle défonce ! Je la kiffe, j'aime les lumières, les teintes. Surtout je trouve qu'il a une super gueule sur ce cliché."
 (David Delaplace)
"Il était en train de faire les balances de son concert à la Cigale, qui reste un des ses meilleurs concerts. Mac Tyer est un artiste que j'ai rencontré il y a longtemps maintenant. C'est peut être lui qui a le plus suivi l'avancée du projet. Chaque fois que je le croise il m’en demande des nouvelles. "C'est pas un livre que tu vas faire, c'est une encyclopédie", il me dit. Ce que j'aime chez lui, c'est que c'est un vrai bonhomme. Il est honnête, il est direct. On ne peut que le respecter. Jamais personne ne m'en a dit du mal. La photo est à contre jour mais on perçoit bien son regard, son attitude. Il a l'air très pensif et c'est assez rare de l'avoir comme ça."
 (David Delaplace)
"Tous les deux étaient dans Coup d’Etat Phonik et La Cliqua. Ils se connaissent depuis très longtemps. Egosyst je le voulais dans le livre parce que c’est lui qui a appris à rapper à Booba. Or je connais Zoxea, son cousin, et je le tannais en ce sens depuis un moment. Ce jour-là j'étais à la release party de l’album "Intra-muros" de Kohndo a la Favela Chic, je venais plus m'amuser que prendre des photos. Mais Zoxea arrive accompagné d'un gars que je ne connaissais pas. On se dit bonjour et Zoxea me regarde avec insistance puis il lâche "tu ne le reconnais pas ?". Là j’ai eu un déclic "Nan ! Egosyst !"  J’étais vraiment trop content ! Sur la photo, Egosyst et Kohndo se remercient. Je trouve la scène d’autant plus symbolique qu’ils ne s’étaient pas vus depuis 4 ou 5 ans."
 (David Delaplace)
"La photo de la couverture du livre a été prise lors d'un concert de Niro au Bataclan (en novembre 2014). Cette photo me parle. J'aime l'ambiance. Le gris est beau. On est dans la foule. On ne voit pas ce qui se passe sur scène. Il me fallait quelque chose de simple. De simple et efficace. " L'exposition est co-produite par Easy Just, une association solidaire.  Les tirages d'une cinquantaine de clichés de David Deleplace sont en vente à l'exposition.
EXPOSITION LE VISAGE DU RAP, photos de DAVID DELAPLACE, du 12 AU 21 OCTOBRE 2016 au CENTRE CULTUREL HIP-HOP LA PLACE 10 passage de la Canopée des Halles Paris 1er (de 13h à 19h du mardi au samedi)
 (David Delaplace)

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