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Kanye West raconte le making off de "Yeezus"
Le poids lourd du rap américain est de retour avec "Yeezus". Un sixième album coup de gueule, que Kanye West a voulu "minimaliste" et où ce jeune père d’une petite fille (sa compagne a accouché samedi) apparaît plus paranoïaque et enragé que jamais. Alors que sa mégalomanie galopante nous vaut des déclarations toujours plus savoureuses, le point sur ce qu'il faut savoir sur ce disque attendu mardi
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Kanye West se voit comme le Steve Jobs de la culture
Avec l'entretien fleuve que Kanye West a accordé au New York Times ces jours-ci, il y aurait de quoi remplir un livre entier de déclarations choc, bientôt cultes. Souvent prononcées à la troisième personne du singulier, comme on se réfère à une marque, cela donne des choses comme :
«Je pense que ce que Kanye West va représenter est un peu similaire à ce que représente Steve Jobs. Je suis indiscutablement, vous savez, le Steve (Jobs) de la mode et de la culture. Point. Et de loin. Je pense sincèrement que Steve mort, c’est comme lorsque Biggie est décédé, autorisant Jay-Z à devenir Jay-Z ».
Lucide, il relève quand même ailleurs que «l’idée de Kanye et la vanité sont, genre, synonymes ». Difficile de le contredire sur ce point, lui qui ose titrer une de ses nouvelles chansons « I Am a God » (Je suis un Dieu) et titrer son album «Yeezus », contraction de son surnom (Yeezy) accolé à celui de Jésus.
Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans ce que Kanye West dit de son nouvel album. Ses déclarations sont autant de précieuses clés pour aborder ce disque, qui a fuité sur internet quelques jours avant sa sortie.
Un album conçu en grande partie à Paris, auquel Daft Punk a participé, et peaufiné dans un studio de Malibu avec le producteur Rick Rubin. Et pour lequel le rappeur a imaginé un lancement original ces dernières semaines à coups de projections sur les murs d’une poignée de villes internationales, de Paris à New York et Sydney. Black Skinhead et Daft Punk
« Je veux briser le plafond de verre », commence-t-il dans l'entretien au New York Times. « Je suis frustré ». On avait bien compris ça en écoutant «Black Skinhead», un titre totalement paranoïaque dans lequel il semble répondre à une multitude indéterminée qui le haïrait selon lui, à la fois parce qu’il est noir et parce qu’il réussit et est au top (une situation absolument insupportable pour les envieux).
Ce brûlot rageur, de même que le corrosif « New Slaves » ou que ses cris de bête blessée vocodée sur « Blood on the leaves », est bien représentatif de la tonalité générale de cet album, tant sur la forme que le fond. « Yeezus » est un virage vers quelque chose de plus urgent, dépouillé et féroce que par le passé.
Daft Punk est aux manettes de « Black Skinhead » (avec production additionnelle des Français Brodinski et Gesaffelstein). Dans un long entretien à Rolling Stone le mois dernier, le duo casqué parisien avait expliqué avoir fait un break sur « Random Access Memory » pour se pencher sur l’album de leur «pote » Kanye. « Nous avions un mélange de batterie live et de batterie programmée et Kanye rappait dessus », se souvenait Thomas Bangalter. « Il ne rappait même pas, il criait plutôt, d’une façon très cri primal», intervenait Guy-Manuel de Homem Christo. Run DMC et la House de Chicago dans le viseur
« Cet album ce sont des choses que je n’ai jamais faites auparavant, comme juste ma voix et la batterie », explique Kanye West au New York Times. « Ce que les gens appellent « un coup de gueule » - mais couplez çà à un battement de tambour et ça atteint le niveau de Run DMC ou KRS One. (…) Il n’y a pas de son d’opéra sur ce nouvel album, vous voyez ce que je veux dire ? ».
Natif de Chicago, Kanye souligne avoir été profondément influencé par sa ville pour ce disque. «J’ai écouté beaucoup de vieille house de Chicago. Je pense que même « Black Skinhead » est à la frontière de la house, « On Sight » sonne comme de l’acid house et puis « I Am a God » sonne de façon évidente super house. Viscerale, tribale.».
Conçu à Paris sous inspiration Le Corbusier
Côté inspiration, on n’est pas au bout de nos surprises. Curieusement, « l’architecture » et une certaine « lampe de Le Corbusier » ont été « mes plus grosses inspirations », raconte-t-il. C’est que Kanye West se pique non seulement de mode, mais aussi de design et d’architecture depuis un moment.
Plus tôt cette année, « j’habitais à Paris dans ce loft et j’enregistrais dans mon living room, où régnait la pire acoustique possible », se souvient-il. « Les chansons devaient être super simples, parce que dans cet espace ça ne fonctionnait pas ». Durant son séjour, il raconte avoir été jusqu’à cinq fois voir une exposition de meubles au musée du Louvre et avoir été fasciné par les maisons Le Corbusier.
Avant lui, Nicolas Godin de Air, issu d’une famille d’architectes, s’est souvent référé à Le Corbusier pour ses recherches sonores et l’architecture de ses morceaux.
Le 'minimalisme" de Rick Rubin à la rescousse
« Je suis un minimaliste dans un corps de rappeur », résume Kanye West, qui s’auto-proclame aussi «artiste noir new wave ». Il dit avoir voulu cette fois gommer tout le gras et la grandiloquence pompière de ses chansons pour les réduire à l’essentiel, des squelettes aussi urgents qu’efficaces.
Pour ce faire, il s’est tourné au dernier moment vers le producteur Rick Rubin, par ailleurs fondateur de Def Jam Records, connu pour son travail avec des rappeurs et des métalleux de légende tels que les Beastie Boys, Run DMC, Slayer, AC/DC ou les Red Hot Chili Peppers.
Dans le studio Shangri-La de Rick Rubin à Malibu face à l’Océan pacifique, Kanye West a entrepris d’épurer son « Yeezus » jusqu’à l’os.
Rick Rubin est « le maître » du minimalisme, assure Kanye, et avoir « l’occasion de travailler avec lui a été une bénédiction ». Ce travail lui a même « humblement » ouvert les yeux sur les raisons pour lesquelles « bien que j’aie produit « Watch the Throne » et « Dark Fantasy », je n’ai encore jamais gagné l’album de l’année » (une obsession absolue chez lui). Une poignée d'invités et une pochette décharnée
Côté invités, outre Daft Punk, on remarque le dj-producteur de Glasgow affilié Hudson Mohawke (sur « On Sight »), les Français Brodinski et Gesaffelstein (à la production de "Send it up" et en prod additionnelle sur "Black Skinhead"), King Louie (sur « Send it up »), Frank Ocean (à la fin de « New Slaves »), Justin Vernon de Bon Iver et Chief Keef (tous deux sur « Hold my Liquor » et Justin sur « I’m in it »), Kid Cudi sur "Guilt Trip", de même qu’un sample de « Strange Fruit » de Billie Holiday chanté par Nina Simone (sur « Blood on the Leaves »)…
A l'image de son contenu musical, la pochette de "Yeezus" est minimale et presque punk : une boîte à cd transparente scellée d’un scotch rouge. Une manière de dire que le plus important n'est pas dans l'emballage mais dans le contenu.
Le Tracklisting de "Yeezus" (Def Jam):
01. On Sight
02. Black Skinhead
03. I Am A God
04. New Slaves (Featuring Frank Ocean)
05. Hold My Liquor (Featuring Chief Keef & Justin Vernon)
06. I’m In It
07. Blood On The Leaves
08. Guilt Trip (Featuring Kid Cudi)
09. Send It Up (Featuring King Louis)
10. Bound 2 (Featuring Charlie Wilson)
Avec l'entretien fleuve que Kanye West a accordé au New York Times ces jours-ci, il y aurait de quoi remplir un livre entier de déclarations choc, bientôt cultes. Souvent prononcées à la troisième personne du singulier, comme on se réfère à une marque, cela donne des choses comme :
«Je pense que ce que Kanye West va représenter est un peu similaire à ce que représente Steve Jobs. Je suis indiscutablement, vous savez, le Steve (Jobs) de la mode et de la culture. Point. Et de loin. Je pense sincèrement que Steve mort, c’est comme lorsque Biggie est décédé, autorisant Jay-Z à devenir Jay-Z ».
Lucide, il relève quand même ailleurs que «l’idée de Kanye et la vanité sont, genre, synonymes ». Difficile de le contredire sur ce point, lui qui ose titrer une de ses nouvelles chansons « I Am a God » (Je suis un Dieu) et titrer son album «Yeezus », contraction de son surnom (Yeezy) accolé à celui de Jésus.
Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans ce que Kanye West dit de son nouvel album. Ses déclarations sont autant de précieuses clés pour aborder ce disque, qui a fuité sur internet quelques jours avant sa sortie.
Un album conçu en grande partie à Paris, auquel Daft Punk a participé, et peaufiné dans un studio de Malibu avec le producteur Rick Rubin. Et pour lequel le rappeur a imaginé un lancement original ces dernières semaines à coups de projections sur les murs d’une poignée de villes internationales, de Paris à New York et Sydney. Black Skinhead et Daft Punk
« Je veux briser le plafond de verre », commence-t-il dans l'entretien au New York Times. « Je suis frustré ». On avait bien compris ça en écoutant «Black Skinhead», un titre totalement paranoïaque dans lequel il semble répondre à une multitude indéterminée qui le haïrait selon lui, à la fois parce qu’il est noir et parce qu’il réussit et est au top (une situation absolument insupportable pour les envieux).
Ce brûlot rageur, de même que le corrosif « New Slaves » ou que ses cris de bête blessée vocodée sur « Blood on the leaves », est bien représentatif de la tonalité générale de cet album, tant sur la forme que le fond. « Yeezus » est un virage vers quelque chose de plus urgent, dépouillé et féroce que par le passé.
Daft Punk est aux manettes de « Black Skinhead » (avec production additionnelle des Français Brodinski et Gesaffelstein). Dans un long entretien à Rolling Stone le mois dernier, le duo casqué parisien avait expliqué avoir fait un break sur « Random Access Memory » pour se pencher sur l’album de leur «pote » Kanye. « Nous avions un mélange de batterie live et de batterie programmée et Kanye rappait dessus », se souvenait Thomas Bangalter. « Il ne rappait même pas, il criait plutôt, d’une façon très cri primal», intervenait Guy-Manuel de Homem Christo. Run DMC et la House de Chicago dans le viseur
« Cet album ce sont des choses que je n’ai jamais faites auparavant, comme juste ma voix et la batterie », explique Kanye West au New York Times. « Ce que les gens appellent « un coup de gueule » - mais couplez çà à un battement de tambour et ça atteint le niveau de Run DMC ou KRS One. (…) Il n’y a pas de son d’opéra sur ce nouvel album, vous voyez ce que je veux dire ? ».
Natif de Chicago, Kanye souligne avoir été profondément influencé par sa ville pour ce disque. «J’ai écouté beaucoup de vieille house de Chicago. Je pense que même « Black Skinhead » est à la frontière de la house, « On Sight » sonne comme de l’acid house et puis « I Am a God » sonne de façon évidente super house. Viscerale, tribale.».
Conçu à Paris sous inspiration Le Corbusier
Côté inspiration, on n’est pas au bout de nos surprises. Curieusement, « l’architecture » et une certaine « lampe de Le Corbusier » ont été « mes plus grosses inspirations », raconte-t-il. C’est que Kanye West se pique non seulement de mode, mais aussi de design et d’architecture depuis un moment.
Plus tôt cette année, « j’habitais à Paris dans ce loft et j’enregistrais dans mon living room, où régnait la pire acoustique possible », se souvient-il. « Les chansons devaient être super simples, parce que dans cet espace ça ne fonctionnait pas ». Durant son séjour, il raconte avoir été jusqu’à cinq fois voir une exposition de meubles au musée du Louvre et avoir été fasciné par les maisons Le Corbusier.
Avant lui, Nicolas Godin de Air, issu d’une famille d’architectes, s’est souvent référé à Le Corbusier pour ses recherches sonores et l’architecture de ses morceaux.
Le 'minimalisme" de Rick Rubin à la rescousse
« Je suis un minimaliste dans un corps de rappeur », résume Kanye West, qui s’auto-proclame aussi «artiste noir new wave ». Il dit avoir voulu cette fois gommer tout le gras et la grandiloquence pompière de ses chansons pour les réduire à l’essentiel, des squelettes aussi urgents qu’efficaces.
Pour ce faire, il s’est tourné au dernier moment vers le producteur Rick Rubin, par ailleurs fondateur de Def Jam Records, connu pour son travail avec des rappeurs et des métalleux de légende tels que les Beastie Boys, Run DMC, Slayer, AC/DC ou les Red Hot Chili Peppers.
Dans le studio Shangri-La de Rick Rubin à Malibu face à l’Océan pacifique, Kanye West a entrepris d’épurer son « Yeezus » jusqu’à l’os.
Rick Rubin est « le maître » du minimalisme, assure Kanye, et avoir « l’occasion de travailler avec lui a été une bénédiction ». Ce travail lui a même « humblement » ouvert les yeux sur les raisons pour lesquelles « bien que j’aie produit « Watch the Throne » et « Dark Fantasy », je n’ai encore jamais gagné l’album de l’année » (une obsession absolue chez lui). Une poignée d'invités et une pochette décharnée
Côté invités, outre Daft Punk, on remarque le dj-producteur de Glasgow affilié Hudson Mohawke (sur « On Sight »), les Français Brodinski et Gesaffelstein (à la production de "Send it up" et en prod additionnelle sur "Black Skinhead"), King Louie (sur « Send it up »), Frank Ocean (à la fin de « New Slaves »), Justin Vernon de Bon Iver et Chief Keef (tous deux sur « Hold my Liquor » et Justin sur « I’m in it »), Kid Cudi sur "Guilt Trip", de même qu’un sample de « Strange Fruit » de Billie Holiday chanté par Nina Simone (sur « Blood on the Leaves »)…
A l'image de son contenu musical, la pochette de "Yeezus" est minimale et presque punk : une boîte à cd transparente scellée d’un scotch rouge. Une manière de dire que le plus important n'est pas dans l'emballage mais dans le contenu.
Le Tracklisting de "Yeezus" (Def Jam):
01. On Sight
02. Black Skinhead
03. I Am A God
04. New Slaves (Featuring Frank Ocean)
05. Hold My Liquor (Featuring Chief Keef & Justin Vernon)
06. I’m In It
07. Blood On The Leaves
08. Guilt Trip (Featuring Kid Cudi)
09. Send It Up (Featuring King Louis)
10. Bound 2 (Featuring Charlie Wilson)
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