Cet article date de plus de sept ans.
"Jamaica, Jamaica!" à la Philharmonie : aperçu en images de l'exposition consacrée aux musiques jamaïcaines
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié le 04/04/2017 18:45
Mis à jour le 09/04/2017 15:42
Les musiques jamaïcaines, du ska au dancehall en passant par le reggae et le dub, sont à l'honneur à la Philharmonie du 4 avril au 13 août avec l'exposition "Jamaica, Jamaica!". Outre la découverte de quelques pièces rares, comme le sound system de King Tubby et la guitare M16 spectaculaire de Peter Tosh, on y apprend une foule de choses. Voici une petite visite guidée subjective.
Beth Lesser
Avant le reggae, il y a le ska, le premier phénomène musical jamaïcain de portée mondiale. Le groupe instrumental Skatalites, fondé en 1963, reste son phare. La majorité de ses membres viennent d'une école catholique de Kingston, l'Alpha Boy's School. Un établissement tenu par des bonnes sœurs qui accueille les enfants en difficulté et les orphelins et offre une formation musicale rigoureuse (l'histoire est belle et racontée à l'exposition). Le groupe Skatalites, qui comprend une section de cuivres impressionnante (saxophone, trombone et trompette) est connu pour ses classiques, dont l'incontournable "Guns of Navarone", mais aussi pour ses sessions pour d'autres à Studio One, et notamment sa participation aux premiers enregistrements des Wailers.
(Laure Narlian / Culturebox)
King Tubby est l’inventeur du dub, cette réinterprétation d’instrumentaux auxquels on rajoute des effets sonores. Sa console de mixage, avec laquelle il a créé des sons que beaucoup de producteurs d’électro essayent de reproduire aujourd’hui, est exposée à la Philharmonie ainsi que quelques précieux dubplates (microsillons en acétate édités à un seul exemplaire). On voit aussi un film dans lequel un de ses apprentis est en train de mixer un morceau dans les années 80. Une idée du climat joyeux dans lequel la musique est produite en Jamaïque.
(DR)
A la fin des années 50, "Coxsone" Dodd possède l'un des deux principaux sound systems de Jamaïque. Il est le meilleur pour faire venir des Etats-Unis les dernières nouveautés de rythm and blues qui attirent les danseurs autour de ses enceintes mobiles. Afin de nourrir son sound system en nouveautés locales, il fonde en 1962 son propre studio, Studio One. Il recrute alors les meilleurs musiciens et chanteurs (les Skatalites constituent son groupe de sessions). Vitrine pionnière du ska et du reggae, Studio One va devenir une usine à hits digne de la Motown aux Etats-Unis. Mais aussi une écurie de chanteurs et musiciens de légende dont Bob Marley and The Wailers, les Skatalites, Sugar Minott, Burning Spear et Johnny Osbourne. Le studio a été reconstitué pour l'exposition. On y trouve notamment l'orgue de l'organiste maison Jackie Mittoo et le sound system de Coxsone Dodd, ainsi que l'enseigne lumineuse de son magasin de disques.
(Peter Simon)
Quelques uns des plus importants sound systems de l'histoire sont exposés à "Jamaica, Jamaica!", notamment l'un des tout premiers, le Vibe Rocket qui date de la fin des années 50. "Au départ, les premiers possesseurs de sound systems, qui servent à amplifier le son des disques, ont souvent une épicerie ou un débit d'alcool. Le sound system attire les gens à cet endroit de la rue et à un moment ils vont avoir soif", explique Sebastien Carayol, le commissaire d'exposition. "Le premier à avoir un souci de qualité, à séparer les fréquences (une enceinte pour les basses, une pour les mediums) c'est King Tubby. Ce sound system servait de banc dans la rue lorsqu'il a été sauvé in extremis par un collectionneur anglais, Jeremy Collingwood. Il l'a restauré et il est en état de marche aujourd'hui. Mais il a dû aussi combler les trous qu'avait percé la douane anglaise à son arrivée en quête de drogue…"
(Sebastien Carayol)
Guitare Yamaha FG-180 utilisée par le mentor des Wailers, Joe Higgs, dans les années 70, prêtée par le Jamaica Museum de Kingston Jamaïque. Derrière on peut voir une série de portraits réalisés par l'artiste de rues Danny Coxson, venu en résidence durant un mois et demi à Paris pour "Jamaica Jamaica", grâce à une bourse de l'Institut français. Ses peintures constituent le fil rouge de l'exposition.
(Laure Narlian / Culturebox)
Bob Marley, ici dans son studio Tuff Gong en 1978. Les Wailers se rencontrent dans le quartier de Trenchtown à Kingston. Deux partis politiques s'y affrontent depuis les années 40. Ils font du clientélisme et arment leurs propres milices de quartier, mettant la Jamaïque à feu et à sang. "Tout ce que les Wailers chantent vient de ce climat. Quand Bob Marley parle de guerre, il parle de la guerre de son quartier", souligne Sébastien Carayol. Mais la résonnance de ses chansons est universelle. L'icône du reggae a bel et bien des qualités de pacificateur. En 1976, il est victime d'une tentative d'assassinat et s'exile à Londres peu après. A son retour en Jamaïque en avril 1978, il parvient durant le One Love Peace Concert à réunir au dessus de sa tête les mains des deux ennemis jurés politiques Michael Manley (PNP) et Edward Seaga (JMP).
(Adrian Boot / Urban Image)
Le génial producteur et remixeur Lee Perry se fabrique lui-même ses tenues de scène improbables et futuristes, à l'image de ses collages musicaux audacieux et visionnaires. Ce costume a été récupéré par Sébastien Carayol dans sa maison abandonnée de Kingston (Lee Scratch Perry réside depuis des années en Suisse). "Ce qui m'intéresse chez le Salvador Dali du dub, outre ses inventions musicales, c'est que c'est un artiste total qui inspire énormément en dehors du reggae", explique M.Carayol. Comme l'artiste contemporain Xavier Veilhan, qui a réalisé une sculpture de Lee Scratch Perry que l'on peut voir à l'exposition. Dans la reconstitution de son studio Black Ark, on peut aussi regarder un film dans lequel il mixe à sa façon unique, en short.
(Laure Narlian / Culturebox)
La guitare en forme de fusil mitrailleur M16 de Peter Tosh est un modèle unique, assez parlant sur la personnalité de cet indomptable qui quitte les Wailers en 1973 et sort l'album "Legalize it" sur l'herbe en 1976. Le guitariste californien Bruno Coon, qui avait fabriqué cette étrange guitare pour lui-même, lui a vendue pour 550 dollars à Los Angeles en 1983. Sur le mur d'en face, prenez 5 mn pour regarder un film montrant Peter Tosh jouer de cette guitare mitrailleuse sur scène et en menacer les spectateurs de façon virtuelle en chantant "J'suis chauffé à blanc, J'suis prêt à canarder…".
(Sébastien Carayol)
Le commissaire d'exposition Sébastien Carayol a voulu montrer que les musiques jamaïcaines ont toujours été éminemment politiques et liées à la cause de la libération noire. Il a réservé une pièce à deux figures constamment citées : Marcus Garvey et l'empereur éthiopien Haïlé Sélassié. Vous découvrirez comment et pourquoi ce dernier est le messie des rastas. Un peu moins connu, Marcus Garvey, né en 1888 en Jamaïque, est considéré de son côté comme un prophète, un Moïse, pour les adeptes du mouvement rastafari. Précurseur du panafricanisme, il défend, notamment via son association créée aux Etats-Unis, l'UNIA, l'autonomie économique des Noirs et l'idée d'un retour des descendants des esclaves noirs en Afrique. Il crée à cet effet en 1919 une compagnie maritime, la Black Star Line, basée sur des souscriptions. Contesté par les élites noires, il inspire les militants pour les droits civiques et devient héros national en Jamaïque en 1964.
(Sculpture Black Star Liner, allumettes, tissu, métal, verre, plastique, 1995, Jamaïque. Collection Wayne & Myrene Cox.)
Après la mort de Bob Marley en 1981, le reggae cède la place à un nouveau genre, plus jeune et moderne hérité des sound systems et des nouvelles technologies digitales, le dancehall. Les sujets évoqués dans les chansons sont moins religieux, plus matérialistes et plus crus. Le dancehall génère un style vestimentaire flamboyant, une créativité graphique (les flyers et les publicités pour les soirées) et une danse à la mode ultra suggestive des jeunes femmes qui a donné naissance au twerk aux Etats-Unis. Dans l'extrait du film "Bruk Out!" que l'on peut voir à l'exposition, une danseuse reine de concours de dancehall explique : "A la première note, c'est plus fort que moi, mon cul se met à bouger."
(Beth Lesser)
Dans la pièce où vous pourrez expérimenter vous-même le son et l'ambiance d'un authentique sound system (ne la loupez pas, elle est un peu cachée), un mur entier est consacré aux panneaux de bois peints annonçant les soirées sound system. Cloués à tous les poteaux électriques en Jamaïque, ils sont faits pour être vus mais outre leur aspect graphique ils rivalisent de formules choc et souvent suggestives en patois créole local. Alors que les autorités les considèrent comme de l'affichage sauvage et les arrachent systématiquement, la productrice Maxine Walters en fait collection depuis une quinzaine d'années. Elle en possède aujourd'hui quelque 4.000. Ceux que l'on voit à l'exposition sont issus de sa collection et datent des dernières années.
(Collection Maxine Walters)
De nombreuses autres illustrations originales de pochettes d'albums sont à voir à l'exposition.
(Collection Tony McDermott)
L'artiste allemand Nik Nowak expose en toute fin de parcours son installation d'art contemporain Panzer, un sound system moderne aux airs de char d'assaut prévu pour se balader dans la rue. Un Dj jamaïcain basé à Miami, Dj Neil Case, a créé une bande son sur mesure à partir de ses titres de dance hall favoris, des années 80 à aujourd'hui (de Lady G à Yellowman, Shabba Ranks et Sugar Minott). "Je trouvais que cet objet symbolisait bien la violence et le côté agressif du dancehall", explique Sébastien Carayol. La fresque derrière est signée d'un artiste de Kingston, Leasho Johnson.
(Laure Narlian / Culturebox)
Partager : l’article sur les réseaux sociaux
Partagez sur whatsApp (nouvel onglet) (Nouvelle fenêtre)
Partagez sur facebook (nouvel onglet) (Nouvelle fenêtre)
Partagez par email (Nouvelle fenêtre)
Partagez (Nouvelle fenêtre)
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.