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Quoi de neuf pour le Disquaire Day ? Interview du fondateur David Godevais

La quatrième édition du Disquaire Day se déroule samedi 19 avril dans toute la France. Edition de disques vinyles rares, concerts et showcases sont au menu de cette fête des Disquaires indépendants, qui reprennent actuellement du poil de la bête. Tour d'horizon de l'évènement et bilan de l'état de santé de la filière avec David Godevais, fondateur du Calif et du Disquaire Day.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Des amateurs fouillent les bacs de disques chez le disquaire Ground Zero (Paris 10e) durant le Disquaire Day 2013.
 (Xavier de torres/MAXPPP)
David Godevais, fondateur du Calif et du Disquaire Day.
 (Droits réservés)
Quoi de neuf cette année pour le Disquaire Day ? Qu'est ce qui a changé depuis la première édition en 2011 ?

David Godevais : D'abord, il y a beaucoup plus de disquaires participants : 238 cette année contre 96 la première année, soit plus du double.  Ensuite il y a aussi beaucoup plus de disques vinyles proposés, 50% de références en plus que l'an dernier. Ce qui est bien c'est que tout le monde a envie de participer : les artistes, les labels, le public. Et puis il y a beaucoup plus de concerts et de showcases qu'au début, et ils se prolongent plus tard avec les Disquaires Day Night. Je trouvais bizarre de s'arrêter quand les disquaires fermaient, d'où l'idée de continuer après 20h. C'est une spécificité française qui s'est beaucoup développée cette année, grâce à Marcelle Galinari, ancienne directrice du réseau Printemps de Bourges.
 
Rien que sur Paris, il y a quatre scènes prévues pour le Disquaire Day, en plus du concert de clôture à la Gaîté Lyrique, et je ne compte pas les showcases chez les disquaires. Jusqu'ici ça restait très parisien. Et puis, l'an passé Toulouse s'y est mis et cette année il y a Toulouse, Lyon, Marseille, Lorient, Clermont-Ferrand. Avec des centaines de showcases un peu partout en France.
 
Du coup c'est un peu la Fête de la Musique avant l'heure, non ?
 
Non car les professionnels participent très peu à la Fête de la Musique, réservée aux amateurs, alors qu'ils sont très mobilisés pour le Disquaire Day. Donc c'est plutôt la fête de la filière musicale. Personnellement, je n'aime pas dissocier, j'ai toujours pensé en terme de filière parce que  les tourneurs, les disquaires, les artistes et les salles de concerts font tous partie d'un même monde. C'était aussi une volonté de ma part de développer les choses dans ce sens là, et j'apprécie que les gens s'approprient le Disquaire Day.

Disquaire Day 2014 : Clermont-Ferrand - Reportage : V.Mathieu / R.Beaune / L.Janin / B.Ordas
Quelles sont les différences entre le Record Store Day anglo-saxon et le Disquaire Day ?

Le Record Store Day est né en 2007 aux USA et ça a vraiment commencé à prendre en 2009, ainsi qu'en Grande-Bretagne où ça marche très fort. En Europe, il y a eu les Pays-Bas dès 2009, puis la France en 2011, l'Allemagne l'an passé ainsi que l'Italie et l'Espagne maintenant. Mais là où on s'est vraiment structurés c'est USA, G-B, France et Pays-Bas.

Il faut savoir que nous avions déjà une structure assez forte et unique en France. L'association que j'ai créée, le Calif, (Club Action des Labels Indépendants français) est très active. Depuis 2005, nous avons aidé à la création d'une soixantaine de disquaires et soutenu des dizaines de structures en difficulté. Je voulais créer un évènement et quand j'ai eu connaissance du Record Store Day je me suis dit qu'il n'y avait pas besoin de réinventer l'eau chaude et nous nous sommes associés à eux.

En France, nous sommes les seuls au monde par exemple à faire le Disquaire Day Night. Le seul qui finance un tiré à part dans un journal (les Inrocks). Le seul aussi qui fournit gratuitement aux disquaires les affiches et les bannières. Nous nous entendons très bien avec les organisateurs du Record Store Day américain. Au point que le fondateur vient passer une semaine en France pour le Disquaire Day cette année. Il amène dans ses bagages le batteur des Doors Jon Densmore (qui sera en dédicaces à Paris et Lyon samedi).

Le Disquaire Day 2013 à Toulouse - Reportage : L. Truffert / E. Foissac / S. Lebeon / E. Auriaux
Combien ya-t-il de disquaire indépendants en France ? Et font-ils tous forcément du vinyle ?

Ils sont 238 cette année à participer au Disquaire Day et je dirai qu'il y en a 150 de plus, donc un peu moins de 400 en France à l'heure actuelle. On compte à peu près une ouverture de disquaire tous les trois mois. C'est un phénomène international. Ils ne sont pas obligés de faire du vinyle, mais de fait ils en font tous. Le vinyle représente aujourd'hui 70 à 80% de leur chiffre d'affaires. Le Disquaire Day leur amène beaucoup de monde. Grosso modo, ça doit représenter 10% de leur chiffre d'affaires annuel, et pour certains, c'est l'équivalent de la période de Noël en un jour.

Comment expliquez vous ce retour en grâce du vinyle et des petits disquaires ?

Le retour du vinyle et des disquaires indépendants vont de pair. Deux phénomènes y ont mené. D'une part, à partir de la fin des années 80, on a appliqué au disque les mêmes méthodes de marketing que la lessive, avec des publicités à la télé et de gros comptes chez Auchan et Carrefour plutôt que d'avoir des comptes chez 2.000 à 3.000 petits disquaires. Résultat de cette marchandisation à outrance : 55% des disques étaient vendus au début des années 2000 par les supermarchés de la grande distribution alimentaire. Puis est arrivée la révolution numérique qui a dématérialisé la musique et l'a rendue gratuite avec le téléchargement. Déjà qu'on avait du mal à lui donner de la valeur avec des prix qui changeaient tout le temps à l'époque du CD, là c'est devenu pire. Aujourd'hui, par effet de balancier, on assiste à un retour général du public vers les commerces de proximité, à des notions de relationnel et de conseil personnalisé venant de passionnés, ainsi qu'à un retour vers l'objet concret, le vinyle. Or, on n'imagine pas aller acheter un disque vinyle a l'hyperrmarché, ils faut l'acheter dans un lieu culturel.
Qui sont les clients des disquaires indépendants ?

Ce sont des amateurs de musique. En fait, les premières personnes qui sont retournées chez eux étaient des passionnés. Et ils ont réussi à ramener dans leur sillage une population un peu plus large. A travers quelques études, on constate que 78% des acheteurs ont entre 18 et 35 ans. Qu'ils sont plutôt citadins et ont un bon niveau culturel.

A l'heure où Neil Young lance un baladeur haute définition pour contrer la qualité sonore selon lui déplorable des MP3, le vinyle peut-il et doit-il être retenu pour sa qualité sonore ?

C'est un fait,  les fichiers MP3 sont souvent de très mauvaise qualité. Et la supériorité de la qualité audio du vinyle est incontestable. Mais il apporte aussi autre chose : une écoute plus active. Un vinyle, il faut le poser sur la platine. A la fin de la face, il faut aller le retourner. L'auditeur est plus impliqué. C'est une autre façon d'écouter la musique mais les différents supports – radio, ordinateur, tablette, smartphone, platine vinyl - ne s'opposent pas, ils s'additionnent.
 
Aujourd'hui, qui a encore des platines vinyle pour jouer les vinyles ? Une pétition vient d'être lancée pour le retour de la platine Technics SL-1200…

Normal, c'est la Rolls des platines vinyl  ! Et elles sont devenues introuvables, on ne les déniche que d'occasion. D'ailleurs, c'est un phénomène concomitant au retour du vinyle :  les platines vinyles, c'est ce qui se vend le plus actuellement dans les rayons Hi-fi de la Fnac.

Presse-t-on encore des vinyles en France ?

Oui ! Il y a encore un presseur de vinyle en France, MPO, qui est en Mayenne, au Mans. C'est le plus gros presseur indépendant au monde en cd mais ils ont gardé leurs presses à vinyle. Ils en pressent 6 millions par an et actuellement ils veulent augmenter leur capacité. Ils font des 45T, des 33T, des vinyles de couleur et des picture discs.

Il y a de plus en plus de disquaires, mais beaucoup se diversifient : il y a le bar-disquaire, le libraire-disquaire, le concept store-disquaire et même, à Dijon, le caviste-disquaire...

Oui, parce que de plus en plus, certains disquaires passionnés ont envie de créer des lieux de vie autour de la musique. Rough Trade, qui a ouvert un café-disquaire-salle de concert il y a 10 ans dans le quartier de Brick Lane à Londres, a lancé la tendance. La bonne nouvelle derrière tout ça c'est que la musique reprend le dessus, qu'elle n'est plus considérée comme de la lessive. Aujourd'hui, le disque est en train de redevenir un bien culturel.

Le 4e Disquaire Day se déroule samedi 19 avril 2014 dans toute la France. Des centaines de disques vinyle en édition limitée (la liste des disques ici) sont édités à l'occasion de cette fête des disquaires indépendants (la liste des participants ici) qui propose également des centaines de concerts et showcases en journée et en soirée.

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