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Paul Agnew, des Arts Florissants : "les madrigaux de Monteverdi sont une révolution !"

Ténor et depuis peu également directeur musical adjoint et chef associé de l'ensemble Les Arts Florissants, Paul Agnew est à l'origine de l'intégrale des madrigaux de Monteverdi, initié en 2011. Huit livres écrits par le compositeur italien entre 1587 et 1638, dont le sixième, l'un des plus fascinants, est présenté jeudi 16 à la Cité de la musique à Paris, et diffusé en direct sur Culturebox.
Article rédigé par Lorenzo Ciavarini Azzi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Paul Agnew, des Arts Florissants, dirige l'intégrale des madrigaux de Monteverdi 
 (Denis Rouvre)

Pourquoi avoir décidé d’aborder l’intégrale des madrigaux de Monteverdi ?
Parce que c’est une œuvre importante, qui signe la naissance du baroque. Tous ses grands principes y sont contenus, l’importance du texte, l’abandon des vieux codes de la Renaissance, l’expression des émotions. Ces madrigaux sont l’une des dernières révolutions de la musique et en même temps une sorte de biographie musicale de Monteverdi.

Et Bach n’est pas loin…
Bach adopte la forme de tonalité établie par Monteverdi et ses confrères.

Revenons en arrière. Que sont les madrigaux ?
A l’origine, au XVème siècle, ce sont de petits poèmes destinés à être mis en musique. D’abord d’une grande simplicité, à usage presque domestique, ils sont servis un siècle plus tard par de grands textes, signés, par exemple, par un poète majeur comme Pétrarque. Reste, en revanche, le « fardeau » des règles musicales de la Renaissance qui codifient le traitement de la dissonance. Elles sont battues en brèche au début du XVIIème.

Monteverdi (1567-1643) arrive donc au bon moment…
Oui. Sa musique est « ancienne » jusqu’au deuxième livre des madrigaux. Le suivant crée la rupture, après la rencontre de deux poètes importants, Le Tasse et Guarini. Et dès le quatrième livre, Monteverdi prouve que la musique n’a plus à dominer le texte mais, au contraire, à mettre en valeur la parole et le sentiment que traduit la poésie. Il s’affranchit des règles polyphoniques de la Renaissance (plusieurs sons différents) qui écrasaient la voix pour imposer la « monophonie » (un seul son) qui libère le texte. De la monophonie à la « monodie » (conversation d’un chanteur et une chanteuse accompagnés d’un instrument), il n’y a qu’un pas, puis du dialogue musical au drame. L’opéra vient ainsi d’être créé.   

Quelles sont les caractéristiques du sixième livre que vous présentez à la Cité de la musique, diffusés en live sur Culturebox ?
Le sixième livre, de 1614, est indissociable de l’opéra "Arianna" écrit en 1608, dont le rôle-titre devait être chanté par la jeune soprano Caterina Martinelli, élève de Monteverdi, qui décède peu avant la première. Le "lamento d’Arianna", madrigal à 5 voix, est directement issu de cet opéra. Un deuxième très beau lamento, "Sestina", un poème de six strophes, est écrit en hommage à la défunte. Le sixième livre porte également la marque du deuil de sa propre femme, la chanteuse Claudia Cattaneo, ce qui se traduit par de nombreux « au revoir » (« addio ») et le sentiment de la perte et de la tristesse amoureuse. Enfin, l’intérêt de ce 6ème livre est aussi de combiner une musique ancienne et polyphonique (qui repose sur le texte de Pétrarque, du XIVème siècle) avec une partition très moderne, pour accompagner les poèmes de Marino (contemporain de Monteverdi). Les moments d’adieux y font partie.  

Directeur musical du projet, vous en êtes l’un des chanteurs, mais pas le chef d’orchestre au sens classique du terme…
J’en suis le chef par ce que je prends toutes les décisions de l’interprétation et donc j’assume nos choix. Mais c’est un travail d’écoute et donc je reçois toute suggestion des chanteurs. Il est vrai par ailleurs qu’il n’y a aucun geste de chef d’orchestre.

Quelles sont les qualités requises pour ce projet ?
Il faut évidemment des voix, d’une certaine légèreté. Mais plus que tout : de l’oreille et de l’intelligence. Nos chanteurs doivent d’ailleurs être suffisamment fascinés par le répertoire pour fournir un travail très intense en ensemble, ce qui ne correspond donc pas aux solistes de base.

De quelle manière vos projets portent-ils la marque des Arts Florissants ?
Dans cette double ambition que je partage amplement. Il s’agit d’abord de présenter les œuvres de manière à respecter le souhait des compositeurs. Ce qui demande beaucoup de recherche et des moyens. Mais le résultat est gratifiant, car on trouve des merveilles, comme lorsqu’un tableau est nettoyé et restauré. Mais il faut aussi aller plus loin, chanter pour convaincre. Ce qui signifie transmettre au public ce mot clé qu’est la passion : qui fut à l’origine de la création et qui nous pousse à restituer l’œuvre aujourd’hui.

16 janvier à Paris, Cité de la musique, 20h
18 janvier à Flers, Scène nationale 61, Forum de Flers, 20h30
19 janvier à Blois, La Halle aux grains, scène nationale, 17h
22 janvier à Versailles, Opéra Royal, 20h30
25 janvier à Caen, Théâtre de Caen hors les murs, Conservatoire à rayonnement régional, 20h

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