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"War Requiem" : le chant de paix de Britten et Yoshi Oida à l’opéra de Lyon

En voulant faire passer le "War requiem" du compositeur anglais Benjamin Britten de l’église à l’opéra, le metteur en scène Yoshi Oida se retrouve face à deux questions : comment représenter la guerre ? Comment faire d’un chant des morts une œuvre de paix ? Dirigé par Daniele Rustioni, "War Requiem" est à voir et à entendre à l'opéra de Lyon jusqu'au 21 octobre.
Article rédigé par franceinfo - Franck Giroud
France Télévisions
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Temps de lecture : 3min
Ekaterina Scherbachenko 
 (Stofleth)

Benjamin Britten composa ce requiem sur le tard, en 1962. Cette année-là on parlait de conflit à Cuba ou au Vietnam. Mais c’est à la première et la seconde guerre mondiale que pensait Britten en écrivant cette œuvre imposante qui alterne grand orchestre, orchestre de chambre, chœur d’enfants, volumineux chœur d’adultes et trois solistes, soprano, ténor et baryton. La partition alterne également les langues : le latin de la messe de requiem et l’anglais des poèmes de Wilfred Owen tué au front en 1918.

  (Stofleth)
L’œuvre est chorale au sens collectif, voire universelle. Comme le dit le metteur en scène japonais qui a grandi dans son pays pendant la seconde guerre mondiale : "le War Requiem n’est pas l’histoire de nations en guerre, il embrasse toutes les guerres." Ainsi il choisit de représenter sur scène cette universalité par un mélange des uniformes militaires portés par les solistes et des figurants, mélange aussi de drapeaux se transformant en suaires s’empilant sur un cercueil pour souligner ce partage bien sinistre des morts dans chaque pays à l’issue d’un conflit armé.
  (Stofleth)

Théâtre des opérations de guerre

La présence permanente d’une représentation de morts sur scène est déclinée de façon très simple  : soit par des corps alignés sous des draps blancs, soit par un cercueil, soit également par des poupées de chiffons emmaillotées dans des drapeaux. Ou même par ces photos-portraits de soldats, portés par les choristes et posés au sol sur le tréteau au centre de la scène, théâtre des actions qui viennent mettre en lumière l’œuvre musicale intense de Benjamin Britten. Ces images font vibrer le chant intérieur de chaque spectateur face aux drames toujours recommencés des guerres.
  (Stofleth)

Œuvre de paix

Des massacres des tranchées dont des images sont projetées sur un mur de ruine en fond et fin de représentation, aux conflits plus récents, avec le souvenir d’Hiroshima, Yoshi Oida nous livre une vision plus politique et humaine que religieuse de ce requiem. La fureur musicale alternant avec le recueillement, excellemment contrastée par le nouveau chef-résident de l’opéra de Lyon, Daniele Rustioni, ne peut apaiser la peine ressentie. Les enfants de la maitrise installés en bord de scène tout au long de la soirée en sont les premiers spectateurs. Tous les interprètes, solistes et chœurs portent en fusion cette peine toujours brûlante et d’actualité.

Reportage France 3 Rhône-Alpes : Y. Marie / L. Crozat / A. Jourdan / W. Vadon
Ainsi Yoshi Oida nous signifie sa vision de ce "War requiem" : "ce n’est pas une œuvre qui console, qui apaise." Quelque soit la génération, elle nous incite à regarder frontalement les ravages des conflits. En ce sens, et en créant l’effroi et le réflexe du plus jamais ça, elle remplit son rôle d’œuvre pacifiste.

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