Production en péril au Met de New York : Alagna remplace Kaufmann au pied levé
Le Met avait axé toute sa promotion sur la complémentarité entre Jonas Kaufmann et la soprano lettone Kristine Opolais, qui joue Manon Lescaut. L'opéra devait également être retransmis via le système "Live in HD", qui permet à des spectateurs du monde entier de suivre les représentations en direct dans une salle de cinéma proche de chez eux. "Live in HD" est devenue une source de revenus majeure pour le Met et la représentation de samedi lui permettra de franchir le seuil des 20 millions de billets vendus depuis 2006.
Course contre la montre
Roberto Alagna explique que le manager général du Met, Peter Gelb, lui a demandé s'il était prêt à accepter immédiatement de remplacer Jonas Kaufmann, sans lui octroyer de délai de réflexion. "Je l'ai fait parce qu'ils étaient face à un énorme problème, parce que la production a coûté cher" avec, en sus, la retransmission en HD, "et ils n'avaient personne", explique-t-il à l'AFP."Donc ils m'ont dit que c'était une catastrophe pour eux, vraiment", se souvient-il. "C'est la première fois que j'ai senti Peter Gelb aussi ennuyé." Par chance, Roberto Alagna était déjà à New York pour jouer "Pagliacci". Après avoir accepté de reprendre le rôle au pied levé, le ténor français s'est engagé dans une course contre la montre, au point de mettre en péril son atout le plus précieux, sa voix.
"C'est la folie"
Durant les deux semaines qui le séparaient de la première, le natif de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) a travaillé de 9 heures du matin à 9 heures du soir pour apprendre le rôle masculin principal. "Les cordes vocales à partir de deux heures, elles commencent à fatiguer. Donc douze heures, c'est beaucoup ! Et tous les jours sans repos", a expliqué le chanteur lyrique de 52 ans."C'est la folie. Ce n'est pas quelque chose que je referai", concède-t-il, "parce que on ne peut pas contrôler la voix. C'est ça le problème." Au point d'avoir les cordes vocales gonflées, mais il n'a pas voulu renoncer.
Un "Manon Lescaut" situé dans la France occupée
Sa prestation dans "Manon Lescaut" a été saluée, mais lui insiste sur le fait qu'il ne peut pas tout donner. "Moi, j'apprends vite, mais le problème ce n'est pas ça", dit-il. "On peut apprendre vite mais après, il faut quand même un temps d'adaptation avec le rôle sur scène." "Quand on a autant d'éléments et d'informations à gérer, on ne peut pas contrôler la voix à 100%", regrette-t-il. "Donc c'est ça qui est un peu dangereux, et dans un ouvrage aussi lourd."Oeuvre de Giacomo Puccini, "Manon Lescaut" a été joué pour la première fois en 1893 à Turin. L'opéra s'est imposé comme un classique mais reste moins connu que les trois oeuvres suivantes de Puccini, "La Bohème", "Tosca" et "Madame Butterfly", parmi les plus célèbres au monde. L'opéra est adapté du roman de l'abbé Prévost et retrace le destin de Manon Lescaut, considérée comme femme de mauvaise vie dont le chevalier Des Grieux tombe amoureux alors que son père veut l'envoyer au couvent.
Connu pour ses prises de risque en matière de mise en scène, le Met, sous la direction du Britannique Richard Eyre, a situé "Manon Lescaut" dans la France occupée du début des années 40.
Nouvel élan pour Alagna
Malgré l'épreuve que Roberto Alagna vient de faire subir à sa voix, il n'a pas prévu de ralentir le rythme. La carrière de Roberto Alagna connaît un nouvel élan, après une séquence difficile durant laquelle son divorce avec la soprano roumaine Angela Gheorghiu l'a vu apparaître dans les pages people.Des concerts sont prévus à Paris et Bogota, ainsi qu'un album qui portera le nom de sa fille de deux ans, Malena. Il apprend aussi un nouveau rôle pour "La Juive", qu'il jouera à Munich en juin, de nouveau face à Kristine Opolais. "Je le fais parce que j'aime bien aller jusqu'au bout de mes forces, mais maintenant, il faut que je fasse vraiment attention."
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