La Callas présente la Callas, dans une exposition intimiste à la Seine Musicale
"Immersif, intimiste et résolument moderne". En ces quelques mots le commissaire Tom Volf résume l’esprit de l’exposition "Maria by Callas" à la Seine Musicale. Une exposition événement, montée à l’occasion des 40 ans de la disparition de la Diva, le 16 septembre 1977, et qui porte bien son titre. La Callas vous présente effectivement la Callas.
Le plus en vidéo par Daniel Wolfromm, Nicolas Lemarignier, Daniel Levy
La voix de la Callas omniprésente dans le casque
Car la chanteuse accompagne littéralement le visiteur dans le parcours. Elle est omniprésente par l’image – vidéos, photos, affiches, unes de magazines, etc - mais aussi et surtout par la voix qui nous guide à travers les salles. Muni d’un casque, le visiteur a le loisir d’écouter la Callas intervenir dans une célèbre émission en compagnie de Visconti (qui l’avait mise en scène), répondre aux questions d’un journaliste à la descente d’un avion, ou s’adresser à des jeunes musiciens lors d’une master class à la Juilliard School de New York au début des années 1970. Il a donc l’impression d’être conduit, dans cet itinéraire rigoureusement chronologique, par cette voix : une voix polyglotte (le français et l’italien, parfaits, souvent l’emportent sur sa langue d’enfance, l’anglais, le grec n’étant pas présent dans les vidéos, sauf erreur), multiple (la Callas n‘est jamais la même personne selon les lieux où elle se trouve et les interviews auxquelles elle répond), et toujours claire.Ou alors le visiteur peut préférer la voix chantée, se glisser sous une "cloche" musicale diffusant un concert, pénétrer dans une salle où le son (remarquable) d’un concert est à 360° et l’image étalée sur quatre écrans en amphithéâtre, découvrir un enregistrement pirate d’une mythique "Traviata" de Lisbonne, ou décider grâce à une télécommande, de savourer un enregistrement des "Puritani" ou de "Norma" de Bellini.
Un "regard neuf" sur la Callas
L’immersion évoquée par Tom Volf est donc totale. La scénographie, vivante et variée, repose sur des moyens technologiques modernes. Et le regard est intimiste, si l’on entend par là le contact direct, par l’archive, avec la Callas. Le commissaire n’est ni journaliste, ni musicologue, ni musicien. La découverte d’un enregistrement de la chanteuse sur YouTube, il y a quatre ans, a été une telle révélation pour cet ancien responsable de communication du Châtelet auprès de Jean-Luc Choplin (aujourd’hui à la Seine musicale) qu’il a consacré trois ans de sa vie à "rechercher" la Callas.Trois années de collecte d’archives, et d’entretiens avec des personnes l’ayant connue de près, comme son pianiste Robert Sutherland, son chef d’orchestre de prédilection Georges Prêtre disparu début 2017, ou encore Ferruccio et Bruna, qui furent respectivement son majordome et sa femme de chambre, et qu’elle considérait comme sa famille. Fort de ces témoignages de première main et d’une somme de films privés en Super 8 (représentant par exemple la Callas en Floride après sa retraite de la scène), d’images de coulisses de concerts, de lettres personnelles (à son premier mari par exemple), d’images rares d’interviews, Tom Volf veut proposer au visiteur un "regard neuf", explique-t-il. "Cette démarche permet de se passer d’un tas de choses véhiculées sur la Callas et qui sont subjectives. Et de donner surtout le point de vue de Maria Callas elle-même, qui est au centre. Comment a-t-elle, elle, vécu son art ? C’est aussi un point de vue subjectif, mais qui est digne d’intérêt", poursuit-il.
Le mythe Callas
L’exposition "Maria by Callas" n’offre donc pas par exemple d’explication au "phénomène Callas". D’où vient le mythe ? Comment la chanteuse formée au Conservatoire d’Athènes est-elle devenue la "Diva asssoluta" (diva absolue), citée encore aujourd’hui en exemple par toute soprano qui se respecte ? Elle-même dans une interview diffusée dans l’exposition, où elle interrogée aux côtés de Pasolini (qui la dirige dans le film "Médée"), affirme ne pas pouvoir répondre. Autre question : que représente-t-elle musicalement ? L’étendue de sa voix, l’intensité dramatique sautent aux oreilles et aux yeux des visiteurs qui peuvent l'écouter et la voir dans d’excellentes conditions. Mais on peut regretter une esquisse de pédagogie qui éclairerait le visiteur par exemple sur l'importance de quelques rôles emblématiques de la Callas : dans "Médée" de Cherubini, dans "La Traviata" de Verdi, dans "Anna Bolena" de Donizetti, dans "La somnambule" de Bellini et surtout dans cette "Norma" de tous les superlatifs pour la Diva, celle avec laquelle elle a touché aussi bien le ciel que l'enfer.Les films et autres archives proposés dans la première salle, consacrée à l’enfance à New York et aux débuts de la Callas en Grèce offrent cependant au public des clés (pas si nouvelles) pour comprendre son ascension.
La rigueur de travail imposée par sa mère à la petite Maria Anna Sophie Cecilia Kalogeropoulos (appelée simplement Callas dès l’école) n’est pas un secret. Mais les propos prononcés à ce propos par son professeur Elvira De Hidalgo et surtout par la Callas elle-même résonnent particulièrement aux visiteurs. De même, on retient de cette dernière son récit des premiers courageux refus : "Mon secret a été de savoir dire non, de savoir attendre", dit-elle. C’est ainsi qu’après avoir refusé "Fidelio" (pour le MET de New York; quand-même !) et "Butterfly", la Callas saisissait sa chance avec "La Gioconda" de Vérone en 1947 (à 24 ans).
Succès et fragilités
Les salles suivantes racontent à leur manière les étapes de la construction du mythe : la transformation physique (la Callas s’amincit à vue d’œil et son apparence épouse peu à peu un idéal à la Audrey Hepburn, sous l’influence de Biki, la couturière du tout-Milan), la droiture ("Je suis libre parce que je ne fais pas de concessions, je n'ai jamais fait de concessions"), l’assiduité du travail ("Je travaille parce que sinon je m’ennuierais mortellement") la célébrité ("La célébrité est un boomerang et tout artiste s’il est honnête dans son travail est vulnérable"), des relations amoureuses tumultueuses (notamment celle avec Aristote Onassis, très commentées dans l’exposition), la solitude artistique ("Je suis habituée à être seule, on doit écouter la musique dans notre tête, dans notre âme, on doit créer ce monde"), les doutes ("Je suis une femme avec ses faiblesses. Je sais ce que je veux, je ne sais pas ce que je fais"), la peur ("Le succès veut dire une grande responsabilité. Il y a des fois où je voudrais retourner chez moi pour éviter cette peur", dit-elle), les revers du succès (dans une incroyable interview télévisée mais par téléphone, elle est contrainte avec son père de s’expliquer sur la relation tendue avec sa mère), les scandales ("Je ne suis pas responsable de tous les scandales Callas"), la fatigue, l’absence, les annulations de spectacles…Le mythe Callas est fait de tout cela. Pour Tom Volf, le commissaire de l’exposition, cette dernière révèle une Maria Callas à la personnalité double : "c’est une femme et c’est une artiste, quelqu’un qui a passé sa vie entre les deux, loin des clichés. Une femme simple, modeste, intègre, humble, dédiée entièrement à son art. Et à son public".
Disponibles :
un coffret CD/DVD "Maria Callas Live" chez Warner
et une anthologie de 3 CD : "Maria Callas, la passion de la scène" chez Warner.
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