"L'Empereur d'Atlantis" de Viktor Ulmann, un opéra au coeur de la tyrannie nazie
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Victor Ulmann a composé "L'empereur d'Atlantis" derrière les barbelés du camp de Terezin. Un camp ghetto où étaient rassemblés de nombreux artistes déportés et que les nazis utilisaient comme vitrine aux yeux du monde libre sur le registre : "Voyez ce rassemblement d'une communauté bienveillante". La Croix-Rouge s'est ainsi laissée prendre au piège de cette image ô combien trompeuse.
Victor Ulmann a mis en musique le livret écrit par un autre déporté, Petr Kien, qui mourra avec lui le 18 octobre 1944 dans une chambre à gaz d'Auschwitz. L'opéra en un acte sera répété plusieurs fois à Terezin allant même jusqu'à la répétition générale mais il ne sera jamais joué en public. Les autorités nazies ont fini par comprendre les messages cachés dans le livret.
L'histoire :
A Atlantis, contrée de légende, l’empereur Overall décrète la guerre générale entre tous ses sujets. Dépassée, la Mort décide alors de briser son épée : puisqu’elle n’est plus respectée, les hommes ne pourront plus mourir. Mais cette vie éternelle ne provoque que souffrance et chaos. Les hommes supplient la Mort de les délivrer..
L'allusion au contexte historique et au Fuhrer au lendemain de Stalingrad est claire. Restait à mettre en scène cette histoire écrite en quatre tableaux.
Un vieil homme arrive sur la scène en balayant le sol. C'est la Mort. Le rideau s'ouvre. Au milieu d'un théâtre détruit, les musiciens de l'Opéra de Lyon. Richard Brunel a fait ce choix sombre et épuré. Il ne voulait pas représenter l'irreprésentable mais, dit il, faire entendre la musique qui vient des ténèbres de ces camps.
Un parti pris qui n'exclut pas l'audace. Ainsi, la Mort devise avec un Arlequin certes vieux mais coloré. Ainsi Richard Brunet fait il faire à la Mort un strip-tease digne d'un cabaret. La basse John Steven prend plaisir à changer ses oripeaux grisâtres en juste-au-corps de strass et de paillettes. Comme pour mieux faire ressortir la gravité de la situation.
Et dès ce premier tableau le metteur en scène s'ajuste à la partition d'Ulmann qui va des sonorités Malhériennes au jazz. Qui déstructure l'hymne allemand "Deuschland Uber alles" comme pour mieux le railler.
Et quand le tambour annonce que l'Empereur Overall ("par dessus tout") a décrété la guerre de tous contre tous, ce qui doit conduire à la destruction du mal, la Mort de dépit ne veut plus faire mourir et promet aux hommes un avenir long, long ....
Traduction scènique: les musiciens se lèvent et marchent dans un silence oppressant vers le haut de la scène pour le 2e tableau.
Là, on s'attend à voir surgir Charlie Chaplin en Dictateur ou Peter Sellers en Docteur Folamour. Richard Brunel le reconnait, il avait à l'esprit les chefs d'oeuvre de Chaplin et Kubrick pour appuyer la folie d'Overall. Le baryton Christain Miedl est parfait en Empereur névrosé qui promène un rat de compagnie pendant que le haut-parleur lui annonce que plus personne ne meurt. Une façon efficace d'appuyer le caractère grotesque du personnage et de la situation.
Alors qu'Overall semble sombrer dans la folie, la Mort veut bien reprendre son office à condition que l'Empereur soit le premier à mourir et à mettre fin à cette vie éternelle insupportable.
Overall accepte et la scène de la mort écrite par Ulmann, (de toute beauté) sonne comme une restitution aux prisonniers d'une mort qui risquait de leur échapper et comme une prémonition de ce qui attendait son bourreau. L'Empereur d'Atlantis Opéra en 1 acte de Viktor Ullman
et l'orchestre de l'Opéra de Lyon.
Au théâtre de la Croix-Rousse à Lyon
Jeudi 14, samedi 16 et dimanche 17 février à 20h.
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