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Jonas Kaufmann célèbre dix fois Verdi

En cette année Verdi-Wagner-Poulenc, les stars du chant lyrique sont nombreuses au rendez-vous des disquaires, comme si ce triple anniversaire les galvanisait. Revue de détail, en commençant par Verdi, le mieux représenté.
Article rédigé par franceinfo - Bertrand Renard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Jonas Kaufmann (à droite) et Barenboim (à gauche)
 (Decca/Marco Brescia)
The Verdi album : le ténor le plus complet pour chanter Verdi
Et dans Verdi (mais pas que !) le plus grand ténor d’aujourd’hui, Jonas Kaufmann. Plus exactement (car je me suis déjà mis à dos les admirateurs de Roberto ou de Luciano) le plus complet. Et même le seul complet. Alagna chante les répertoires italiens et français, Pavarotti ne chantait que l’italien. Kaufmann l’italien, le français et aussi l’allemand… sa langue natale! Et dans le style à chaque fois, alors que ce sont des écoles différentes. Avec bien entendu toutes les qualités que l’on aime chez un ténor : la souplesse, l’éclat, la ligne de chant (superbe), les aigus (royaux). Mais un plus : des nuances pianissimo de rêve, aussi sur les notes hautes, ce qui est rarissime (Montserrat Caballé, en soprano, en fit sa marque de fabrique !)

Dans Verdi qu’il a déjà chanté sur scène (Alfredo ou Don Carlo), on l’attendait sur tout un disque : dix personnages et la nécessité de les caractériser, de ne pas faire « 10 fois Kaufmann ». Ce n’est pas toujours le cas (mais quelle prononciation !).

Magnifique « Don Carlo » (son « Io l’ho perduta » !). Très beau Gabriele de « Simon Boccanegra », à la fois clair et sombre. Manrico du « Trouvère » aux aigus sublimes. Un Radamès inattendu, tourmenté : qualité principale de Kaufmann, jamais meilleur qu’en héros torturé. Défaut : en faire trop dans ce répertoire, forcer la voix jusqu’aux larmoiements (dans « Luisa Miller » ou « La force du destin »). Un tic  (et qu’on finit par guetter) : cette note haute détimbrée, en forme de sanglot, systématique (dans l’opéra italien car il ne l’a pas dans l’opéra allemand). Une vraie déception : le fameux  « La donna è mobile » de  « Rigoletto », engorgé, presque lugubre, alors que l’air est l’insouciance même. Et un « Otello », certes un peu écrasant, qui le résume : la douceur et la douleur, la puissance et la tendresse.  

Un nouveau « Requiem » dirigé par Daniel Barenboim à la Scala de Milan
Kaufmann est aussi le ténor d’un nouveau « Requiem » dirigé par Daniel Barenboim à la Scala de Milan. Certains de mes confrères reprochent à cette version des sentiments exacerbés, à la limite du pathos. C’est vrai que Barenboim donne au « Requiem » des couleurs napolitaines, presque siciliennes, ce qu’un tel chef-d’œuvre supporte sans problème. Kaufmann met beaucoup de douleur dans sa voix (un peu trop) mais certains moments sont sublissimes (le début du « Hostias » !). La soprano Anja Harteros trouve des accents alla Callas, les couleurs sombres de la mezzo Elina Garança sont magnifiques et les choix très tragiques de Barenboim assumés. Mais le chœur de la Scala, bien trop sage, ne suit pas (et l’orchestre n’est pas toujours à son meilleur).

Déception aussi pour René Pape : ce grand wagnérien manque de puissance et de profondeur dans ses deux airs (deux « tubes » de toutes les basses !), le « Mors stupebit » et le « Confutatis ». Un  « Requiem » à connaître, si vous l’avez déjà  -pour l’entendre autrement. Et pour les aficionados de Jonas, d’Anja et d’Elina.


The Verdi Album (avec l’Orch. de l’Opéra de Parme, dir. Pier Giorgio Morandi) (SONY CLASSICAL)

Requiem (dir. Daniel Barenboim) (DECCA)



 

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