À New York, Philip Glass célèbre en musique un mystique indien
"La Passion de Ramakrishna" (2006), oratoire de Philip Glass sur les derniers jours de ce très révéré gourou et présenté une première fois en 2006 en Californie, a trouvé un nouveau public lors de sa première new-yorkaise ce week-end au Carnegie Hall, en clôturant une série de concerts marquant le 80e anniversaire de celui qui est considéré comme le plus grand compositeur américain vivant.
Pour Glass, la "Passion de Ramakrishna" (un album sorti en 2006, à l'écoute sur Spotify) est, musicalement tout au moins, une œuvre étonnamment simple et directe, avec des cuivres triomphants et un épilogue doux, réminiscence d'une autre ère de compositeurs occidentaux.
Ramakrishna, originaire de l'est du Bengale, fut épris de spiritualité très jeune avant de devenir, porté par des disciples de plus en plus nombreux, un pilier de l'Hindouisme moderne. Il a notamment déclaré que "toutes les religions sont vraies" - une affirmation égalitaire forte dans un sous-continent indien aux multiples forces religieuses - et honorait "une mère divine" créatrice du monde.
Ramakrishna a contribué à faire "renaître l'identité indienne"
Dans une brève introduction devant le public du Carnegie Hall, Glass a souligné samedi que Ramakrishna avait contribué à faire "renaître l'identité indienne", à une époque où le colonialisme britannique poussait beaucoup d'Indiens à "avoir le sentiment que leur culture était inférieure"."On peine à imaginer l'émergence de l'Inde sur la scène internationale sans l'étincelle apportée par la brillance de Ramakrishna", écrivait aussi le compositeur en introduction d'un enregistrement de son oratoire. Après la mort du gourou, la culture indienne a connu une période fertile menée par de nombreuses personnalités qu'il a influencées.
L'un de ses disciples, Swami Vivekananda, allait populariser le yoga parmi les Occidentaux. Un autre, Rabindranath Tagore, allait avec ses poèmes remporter le prix Nobel de littérature. Et Mahatma Gandhi - lui-même au centre d'un opéra de Glass, "Satyagraha" - allait développer les principes du mouvement non-violent qui devait conduire l'Inde à l'indépendance.
Cent voix pour incarner Ramakrishna
Dans "La Passion de Ramakrishna", qui explore l'acceptation de la souffrance par le gourou qui se meurt d'un cancer de la gorge, certains chanteurs incarnent des personnes-clé de son existence, y compris sa femme Sarada Devi. Mais Ramakrishna lui-même est représenté par plus de 100 voix différentes, soit la totalité de la chorale du Pacific Symphony, des hommes comme des femmes.Carl St.Clair, directeur musical et chef d'orchestre de la formation, a expliqué que Philip Glass et lui avaient voulu traduire l'état d'illumination de Ramakrishna à l'approche de la mort. "Nous avons eu presque en même temps l'idée que la voix de Ramakrishna devrait être celle du chœur, parce qu'à ce stade de la relation avec dieu, la notion de genre disparaît", a expliqué St. Clair à l'AFP.
Un hommage à Ravi Shankar
Philip Glass a connu une expérience marquante à Paris dans les années 1960, où il rencontra la légende indienne du sitar Ravi Shankar. Le compositeur américain se mit alors à transcrire la musique de Shankar pour qu'elle puisse être suivie par des musiciens occidentaux. Samedi, le Pacific Symphony a ouvert son concert samedi avec "Meetings Along the Edge," extrait d'un album de 1990, "Passages", co-signé par Glass et Shankar, où se côtoient arpèges américains et ragas indiens adaptés pour cordes.La fille du défunt maestro, Anoushka Shankar, s'est jointe au concert samedi pour jouer le Sitar Concerto No. 3, composé par son père, un jeu où sitar et ensemble occidental se donnent la réplique que Ravi Shankar lui enseigna en chantant uniquement des ragas.
Quant à "La Passion de Ramakrishna", St.Clair dit avoir été frappé au départ non par l'influence de Shankar, mais par celle du compositeur romantique autrichien Anton Bruckner. Quand il en a parlé à Glass, le compositeur a été sidéré, selon St. Clair: il avait effectivement composé l'essentiel de l'oratoire lors d'un séjour à Linz, la ville natale de Bruckner.
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