A l’Opéra Comique, l’hilarant "Madame Favart" d’Offenbach rend hommage à l’une de ses comédiennes stars du 18e siècle
C'est l'une des dernières oeuvres de Jacques Offenbach : "Madame Favart", opérette en hommage à l’Opéra Comique et à l’une de ses comédiennes stars, se joue jusqu’au 30 juin.
Justine Cabaret du Ronceray, dite Madame Favart, fut au 18e siècle une comédienne célèbre, et l’épouse de Charles Simon Favart qui dirigea l’Opéra Comique et qui a laissé son nom à cette salle parisienne (la salle Favart donc). Le talent de Justine, et surtout son charme ont suscité la convoitise de bien des hommes, prêts à tout pour l’avoir dans leurs bras. Le plus puissant d’entre eux, le maréchal de Saxe, en arriva jusqu’à vouloir faire emprisonner son mari, Monsieur Favart, pour s’en débarrasser.
D’après une histoire vraie
Cette histoire vraie est le point de départ de l’intrigue de Madame Favart de Jacques Offenbach sur un livret de Duru et Chivot, porté aujourd’hui à l’Opéra Comique à l’occasion du bicentenaire du compositeur, dans une mise en scène d’Anne Kessler (de la Comédie-Française). Pour sauver son mariage et échapper aux griffes de ses prétendants (car cette femme fait des ravages où qu’elle aille...), Justine Favart cache son mari et imagine pour elle toutes sortes de fausses identités : elle est tour à tour servante, épouse d’un lieutenant de police, ou vieille aristocrate. Et dans son aventure clandestine, le couple en croise un autre en difficulté, celui d’Hector et Suzanne, qu’il entraîne dans un tourbillon de travestissements et autres falsifications.
Du boulevard ? C’est très bien écrit et tordant. Efficace donc, mais plus que cela : Madame Favart tient autant pour ses nombreux rebondissements vaudevillesques que pour la primauté du théâtre. Non seulement celui-ci est au cœur du récit (ne se conclut-il pas par la présentation d’une pièce devant le roi ?), mais il porte une philosophie : l’inventivité et la création, semble dire la pièce, sont autant de remèdes aux injustices de la vie réelle. Mise en abîme cocasse, acte II, scène 6 : Ah ! ces actrices... Ah ! pouah ! quel métier ! Tenez, marquis, ne me parlez pas de ce monde des coulisses, il me porte sur les nerfs !, dit Madame Favart grimée en Madame de Boispréau.
Hommage au théâtre
Dans la mise en scène de cette pièce qui est autant récitée que chantée (c’est un véritable opéra-comique), Anne Kessler a demandé à ses comédiens-chanteurs de se tenir le plus souvent face au public, comme dans une ancienne déclamation théâtrale. Autre hommage au théâtre, le décor de Madame Favart, qui reconstitue l’atelier de couture de l’Opéra Comique de l’époque avec ses costumes de scène. Mais ce parti pris scénographique – par ailleurs remarquable esthétiquement – peut déconcerter : et notamment dans le premier acte où le texte (inchangé, lui), fait explicitement référence à une auberge avec ses pensionnaires et non à un atelier avec ses couturières...
La musique de Jacques Offenbach, de facture classique, est brillante et gaie, entre les couplets et airs en solo, les duos amoureux et les chœurs virtuoses. Si le récit du premier acte démarre doucement, il offre quelques airs délicieux comme celui, scène 5, de la "Petite vielleuse" ("qui va courant par les chemins, et, toujours alerte et joyeuse, sème partout ses gais refrains") ou à la scène 6, "Ave ma mère ! Ave ma sœur !", chantés par la mezzo-soprano Marion Lebègue qui porte vaillamment tous les rôles de Madame Favart. Elle en a la légèreté, la gaité, souvent la virtuosité. Comme à l’acte II, scène 14, avec la tirade de la Comtesse de Beaucresson (donc Madame Favart maquillée en vielle aristocrate décatie), l’un des plus jolis et plus drôles moments de l’opérette.
Des perles musicales
L’acte II fourmille d’ailleurs de perles, entre l’entrée sur scène de Pontsablé (splendide Eric Huchet), ridicule gouverneur "d’illustre race", le duo Madame Favart/Hector (remarquable, le ténor François Rougier, tout au long de la pièce) "la Bastille et le couvent ", et le trio virtuose Madame Favart/Charles Simon Favart/Suzanne chante en piqué presque sur la pointe de la gorge.
Le dernier acte n’a pas moins de pépites : on citera l’air des Tyroliens (Madame Favart/Hector) pour l’aspect comique, et surtout le splendide "Quand je cherche dans ma cervelle", où le remarquable baryton Christian Helmer en Charles Simon Favart évoque avec nostalgie la nécessité d’avoir à ses côtés sa muse, Justine.
"Madame Favart" à l'Opéra Comique à Paris
Direction musicale : Laurent Campellone
Mise en scène : Anne Kessler
Représentations les 22, 24, 26, 28 juin à 20h et le 30 juin à 15h.
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