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3 bonnes raisons pour ne pas rater "Don Pasquale" à Garnier et sur Culturebox

Nadine Sierra fait son show à Garnier et le drame bouffe retrouve ses lettres de noblesse. Le "Don Pasquale" de Donizetti, dans une mise en scène à la fois simple et palpitante de l'Italien Damiano Michieletto, fait son entrée à l'Opéra de Paris. Avec du punch et de l'esprit. Voici nos trois bonnes raisons pour ne surtout pas rater l'oeuvre sur scène ou en diffusion sur Culturebox dès ce soir.
Article rédigé par Lorenzo Ciavarini Azzi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Nadine Sierra (Norina) et Florian Sempey (Dottor Malatesta) dans "Don Pasquale" de Donizetti à l'Opéra Garnier. 
 (Vincent Pontet / Opéra national de Paris)
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Une pantalonnade qui cache le drame
L'histoire : vieil ours mal léché, pingre et sans enfants, Don Pasquale refuse l'idée que son neveu Ernesto dilapide sa fortune avec Norina, sa belle sans le sou. Autant prendre femme lui-même, malgré ses presque 70 ans et s'offrir une filiation. Le piège de son "ami" Malatesta se resserre sur lui quand la promise, la magnifique créature qu'il croit être la sœur de Malatesta sortie du couvent, se révèle être le diable en personne – cette même Norina grimée : une chipie bien décidée à lui faire payer son avarice jusqu'à ce qu'il accepte son union avec Ernesto.
Michele Pertusi (Don Pasquale) et Nadine Sierra (Norina)
 (Vincent Pontet/Opéra national de Paris)
Damiano Michieletto réussit un divertissement enlevé, drôle, pétillant, qui ne perd jamais de sa cadence. La musique, dirigée avec une grande énergie par le chef Evelino Pido, offre ce qu'il faut de fioritures, d'airs joyeux, de solos, duos, et même de chœurs (à l'acte 3, scène 3) pour que jamais l'attention ne baisse. Maquillage d'identité, traquenard, révélation finale : la mécanique "comique" de l'opéra bouffe fonctionne à plein. Surtout, Michieletto sait jouer avec la ruse dont fait preuve le docteur Malatesta (Florian Sempey) et la comédie, dont Norina-Nadine Sierra devient experte. C'est vrai en particulier dans la mémorable dernière scène du premier acte, "Mi volete fiera ?" ("Vous me voulez fière ?"), mimant toutes les attitudes jusqu'à la bouche pincée ("bocca stretta"). Les transformations de la jeune femme sont même renforcées par une astuce de mise en scène, un fond vert (celui de la météo) sur lequel sont projetés en vidéo des univers (une église, un bois…) dans lesquels voyage l'affabulatrice.

Mais "Don Pasquale" n'est pas que pantalonnade. Le jeu du couple Malatesta-Norina dont le vieil homme fait les frais devient cruel. Jusqu'où ira-t-il ? La gifle portée à son encontre par la jeune femme, complètement débridée, est l'affront de trop, le point de bascule. Le regard de Donizetti est désormais porté sur l'humanité de ce vieux. Sur son besoin de consolation, sur la sincérité de son désir de paternité et de transmission (un enfant fait irruption sur la scène), et plus largement, sur la vieillesse, sur la solitude, sur l'absence d'empathie.

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Une mise en scène simple et astucieuse
La mise en scène de ce "Don Pasquale" repose en grande partie sur sa direction d'acteurs. Les chanteurs sont constamment sollicités même si leur circulation est limitée par le besoin de chanter face aux spectateurs. Et pour cause. Le décor imaginé par Damiano Michieletto – une maison évoquant l'univers de Don Pasquale – ne possède aucun mur, aucune paroi offrant une surface de réverbération pour leurs voix.
La maison de Don Pasquale.
 (Vincent Pontet/Opéra national de Paris)
L'espace est donc constitué uniquement par un toit suspendu, défini par des lumières en néon. Il bouge en même temps que le sol sur une tournante offrant au public tout au long des deux heures d'opéra une perspective à chaque fois différente sur les lieux, comme un point de vue différent sur la réalité.
Michele Pertusi (Don Pasquale) et Nadine Sierra (Norina).
 (Vincent Pontet/Opéra national de Paris)
Univers étriqué du vieil homme dans les deux premiers actes, meubles poussiéreux années 50 et vieille Lancia dans le jardin. Maserati provocante (et presque malsaine) et déco de luxe au troisième acte, après le passage de "l'ouragan" Norina, ce qui évoque moins une amélioration qu'une critique de l'ultra-consommation.

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Des chanteurs qui mouillent leur chemise
Sur la scène du Palais Garnier les chanteurs-comédiens jouent leur partition avec efficacité et un bonheur communicatif. A commencer par la basse Michele Pertusi dans la peau de Don Pasquale, très convaincant depuis sa cavatine "Ah, un foco insolito" ("Je sens monter en moi une ardeur nouvelle") jusqu'au très joli duo avec Malatesta du 3e acte. Pitoyable en robe de chambre, charentaises et cheveux teints, il attendrit en homme-enfant blessé par le couple Norina-Malatesta. Le ténor américain Lawrence Brownlee touche profondément dans l'air "Cercheró lontana terra" ("Je chercherai une terre lontaine où pleurer sans être reconnu") du début du deuxième acte, l'un des plus beaux de cet opéra, mais endosse sans grande conviction les habits de l'héritier bafoué et de l'amant délaissé en sweet et baskets très infantilisants.
Michele Pertusi (Don Pasquale), Nadine Sierra (Norina) et Florian Sempey (Dottor Malatesta).
 (Vincent Pontet/Opéra national de Paris)
Le "Don Pasquale" de Michieletto repose enfin beaucoup sur le couple Norina-Malatesta qui déborde d'énergie. Le baryton français Florian Sempey excelle en puissance vocale et occupe l'espace avec un charisme qui n'est plus à démontrer, jouant un Malatesta intrigant, sûr de son fait. La soprano américaine Nadine Sierra assure aussi magistralement ses vocalises et ses magnifiques duos comme le "Mi volete fiera ?" (avec Florian Sempey) ou le "Tornami a dir che m'ami" ("Dis-moi encore que tu m'aimes") du 3e acte avec Lawrence Brownlee. Son jeu offre toute une palette de nuances, tour à tour ingénue, moqueuse, capricieuse et cruelle. Séductrice à souhait, elle joue la vierge effarouchée devant Don Pasquale ou exhibe nonchalamment ses courbes dans des robes de vamp…

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