Notre nuit aux Trans Musicales 2016
Lorient n'est pas certes pas très loin, mais ne nous laissons abuser par la cornemuse de Sandra, nous ne sommes pas au festival interceltique. Et, pour rester dans les clichés, pas davantage sur la scène de l'Eurovision, même si les occasions de voir des rockers estoniens sont assez rares. C'est bien dans le Hall 3 du Parc des Expositions de Rennes que l'inclassable trio Trad.Attack se découvre. Et ça vaut le déplacement.
Un peu folk, un peu rock mais aussi un goût prononcé pour le séquençage électronique, la répétition musicale. Et, de ci de la, de troublantes archives sonores qui confirment le caractère très original du groupe de Tallin.
Un peu plus tôt, en fin d'après-midi, dans le centre-ville. Le festival n'est pas qu'un bel oiseau de nuit pour hangars XXL. Il se déploie un peu partout dans les bars, les petites salles. Les affiches donnent à la capitale bretonne un air de festival d'Avignon. Sans oublier les débats, les rencontres, les librairies éphémères...
Dans le hall du Liberté, Marta Ren est venue offrir aux quelques dizaines de spectateurs quelques uns des titres qu'elle chantera beaucoup plus tard aux Parc des Expos. Voix puissante, sourire éclatant. Il y a du Amy Winehouse chez cette bouillonnante Portugaise. Le spleen en moins.
Retour dans les grands halls de Rennes Expo. Cette fois, c'est dans le 3 que les Chinois de ST.OL.EN entretiennent la flamme allumée autrefois par Gang of four ou Joy Division, un post-punk glacé et électronique. Avec sa voix précise et haut perchée, le chanteur est impressionnant. Ils sont six sur scène, dont un vidéo-jockey dont les images ultra-répétitives assurent un tempo visuel hypnotique. Après un petit round d'observation, le public adhère.
La nuit est froide, on ne s'en rend compte que lorsque l'on quitte un hall pour accéder à un autre. Bizarrement, c'est assez agréable, un effet sauna à la scandinave. Un petit bain glacé avant de repartir dans l'étuve. En l'occurrence, celle du hall 4, dédié à une sorte de rave permanente. UVB 76, porté par les DJ Gaëtan Bizien et Tioma Tchoulanov, évolue dans une quasi-obscurité. Ambiance industrielle, les lieux s'y prêtent parfaitement, la machinerie tourne en boucle.
La multiplication des scènes permet de tout s'autoriser. Le zapping immédiat si la sauce ne prend pas ou au contraire, on s'attarde sur un artiste inconnu sur lequel on n'aurait pas misé. Branchées sur la sono mondiale, les Trans poursuivent le même dessein depuis leurs débuts : nous ouvrir les oreilles à d'autres sons, d'autres engagements.
Anna Meredith, par exemple, est quasiment un genre musical à elle seule. La Londonienne d'Edimbourg est aux claviers tout en frappant comme un bûcheron sur son tambour, entourée de tuba ou de violoncelle. A mi-chemin entre l'électro et la musique contemporaine, elle déstructure toutes ses chansons qui en deviennent des cavalcades incertaines. Ses choix radicaux n'égarent pas son public, fidèle jusqu'au dernier titre.
Lui, on l'attendait vraiment, et il ne va pas nous décevoir. Rejjie Snow a failli devenir footballeur professionnel à Dublin, mais c'est dans le rap qu'il se révèle virtuose. Sur les traces d'un Kendrick Lamar, il occupe merveilleusement la scène, avec des morceaux plein de rebondissements et de ruptures. Le passage sur scène, avec trois musiciens, est très concluant.
Elégant, charismatique et malin, ce jeune artiste de 23 ans qui n'hésite pas à prendre ses distances avec les codes du hip hop a un énorme potentiel.
Dans la salle d'à côté, c'est Yuksek qui a mis en route sa machine à danser. Frenchy but chic, le Rémois a invité ses amis à le rejoindre. La vibrante Monika, notamment. Ou les Rennais de Her, compagnons de l'aventure "Sweet Addiction", ce titre délicieusement addictif, qui a fait une jolie carrière l'été dernier.
Dans le public, trois amis venus de Vitré, comme chaque année. Ils se sont connus au lycée et se retrouvent ici, un rituel. L'un est mécano, l'autre documentaliste, le dernier auto entrepreneur. Il est tard et tout le monde est un peu éméché. "Les Trans, pour nous, c'est d'abord les retrouvailles. L'affiche est importante, certes, mais on sait que toutes façons, on va découvrir des choses. C'est l'esprit du festival depuis toujours". Pas d'inquiétude, tout le monde repartira avec les navettes mises à disposition du public pour regagner le centre-ville.
Pas loin de deux heures du matin quand, pour boucler la boucle, on retrouve Marta & The Groovelvets. Dans cette vaste salle copieusement garnie, on regrette un peu le côté intimiste du mini-concert de l'après-midi. Mais le groupe portugais sait s'y prendre en distillant de jolies reprises soul et funk, entre ses propres titres. Le sourire et la voix chaude de Marta finissent par convaincre les plus réticents. Très classique, mais tellement maîtrisé.
La nuit est bien entamée, l'air est glacé, il est temps de rentrer. Rennes n'aura que quelques heures de répit avant d'attaquer une nouvelle journée de Trans. Pour se reposer, on attendra un peu.
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