La musique africaine a le vent en poupe au 52e Midem, marché du disque de Cannes
"Tout le monde dit que la prochaine grande star planétaire sera africaine, mais c'est surtout un calcul économique », explique à l'AFP José Da Silva, qui a managé la chanteuse cap-verdienne Cesaria Evora et est aujourd'hui président de Sony Abidjan. "Quand vous avez un continent qui va faire plus de 800 millions de smartphones dans cinq ans et que tout le business model de la musique est basé là-dessus, les clips, le streaming, vous voyez pourquoi ça intéresse tout le monde", constate-t-il.
Une bombe à retardement
"Tout le monde sait que le marché va exploser. On parle de 80 millions de dollars pour le marché du streaming en 2020 au Nigeria", abonde Jean-Noël Tronc, de la société d'auteurs Sacem."Ca fait quelques années déjà, ils veulent tous leur artiste africain!", constate le manager du groupe sud-africain Aka, Tshiamo Letshewene. Les allées du Midem fourmillaient cette année de stands africains et de people du continent au pedigree très urbain. Fini le rayon "world music", place aux subtilités électro du DJ sud-africain Black Coffee !
"Avec internet, quelque chose va sortir", ajoute Stéphane Kazcorowski de la chaîne musicale Trace. Il va aussi falloir s'habituer à ce que "les artistes africains cherchent surtout maintenant à se faire connaître sur leur propre continent", poursuit Yoël Kenan, patron du distributeur numérique Africori.
L’Afrique francophone en retard
"Ce n'est pas gagné", met pourtant en garde M. Da Silva. Selon lui, plus de la moitié des artistes vont continuer à s'autoproduire. Très structuré à Johannesburg ou Lagos, le marché africain, avec ses 2,5 milliards d'habitants en 2050 dont la moitié d'urbains, l'est beaucoup moins ailleurs.En Afrique anglophone, où Sony, implanté de longue date, a signé les vedettes de l'afrobeat Wizkid et Davido, Nigérians et premiers Africains pesant plusieurs millions de dollars sur leur contrat, la filière fonctionne, rappelle M. Da Silva. "C'est le côté Afrique francophone qui est en retard. Les sociétés d'auteur ne marchent pas bien et il manque des gros studios vidéo. L'image, c'est ce qui a permis à la chaîne Trace de pousser la musique anglophone", dit-il.
Pourquoi les majors débarquent-elles maintenant, en même temps que doit ouvrir le campus gabonais de l'African Music Intitute (AMI), parrainé par les Grammies et la prestigieuse université américaine, Berklee College of Music ? "L'émergence du streaming rend la musique accessible sur n'importe quel téléphone, et pas qu'en Afrique. Cela crée un marché qu'il n'y avait pas avant, et ça permet de rémunérer les producteurs et les artistes", indique Olivier Nusse, PDG d'Universal Music France.
Universal s’implante
La major américaine, leader mondial, supervise le développement en Afrique en ouvrant une filiale à Abidjan pour couvrir une vingtaine de pays, avec bientôt un bureau à Dakar "probablement rapidement". Depuis 2017, Universal a signé une dizaine d'artistes comme les Ivoiriens de Kiff no Beat ou l'excellent duo togolais Toofan. Universal a aussi fait tourner le rappeur français d'origine congolaise Niska des rives du fleuve Congo à Brazzaville au bord de la lagune Ebrié à Abidjan."Enorme succès!", se réjouit Olivier Nusse, qui ouvre aussi des salles de concert, et a pris comme partenaire la plateforme de streaming ivoirienne WAW (prononcer "waouh!") pour diffuser des productions locales et des playlists tirées du catalogue mondial, le tout financé dans un premier temps par la publicité.
"On n'arrive pas en Afrique en se disant ‘oh la la, la grosse major va profiter d'un marché qui existe’. On investit localement et on s'appuie sur des équipes du groupe (Vivendi, Canal+ et Havas) pour permettre à ces marchés de se développer plus rapidement", dit-il.
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