Chakaraka, roms et sans papiers illuminent les Nuits Atypiques de Langon
« Pincez-moi ! » . C’est ce qu’aurait dit Cemal, le joueur kurde de dabourka (sorte de petit tambour) du groupe, en apprenant qu’il allait jouer aux Nuits Atypiques et partager l’affiche avec Goran Bregovic, Amadou et Mariam…On comprend sa joie car rien ne prédestinait ce musicien ni les autres membres du grpoupe Chakaraka a accéder ainsi à une scène culturelle officielle. Et pourtant, tous sont des musiciens aguerris.
Une majorité d’entre eux vient d'une région située au sud-est de Sofia, autour des villes de Peshtera, Plovdiv ou encore Pazardzhik, Certains faisaient déjà partie d’un groupe, l’orchestre Bratzigovo, qui animait fêtes traditionnelles et mariages. La musique faisait partie de leur vie depuis l’enfance car elle se transmet là bas de père en fil au fil des générations. La pauvreté et les discriminations les ont chassés de Bulgarie. Ils sont arrivés en France à Bordeaux notamment où d’immenses squats se sont créés sur la rive droite de la Garonne, le long de l’avenue Thiers, sur d’anciennes friches industrielles de la SNCF. Ces musiciens ont alors joué dans les rues de la ville.
Un groupe né dans l'adversité
Mais en septembre 2011, le camp de l’avenue Thiers a été évacué et détruit (pour être reconstruit quelques mois plus tard avec des matériaux fournis par la mairie). Cet événement dramatique a été filmé par Eric Cron et Sylvain Mavel. Membres de l'association de production audiovisuelle Plan large, ils réalisaient à cette époque un documentaire sur le squat. Ils découvrent par la même occasion les musiciens roms de Bordeaux. C’est à partir de là que naîtra le projet d’un groupe professionnel, Chakaraka (qui signifie en langue Rom « Faire la fête ensemble »). Petit à petit, la formation s’est structurée avec un chanteur, Gocho, un guitariste, Ivo, deux accordéonistes, Vasco et Misho, deux joueurs de darbuka Cemal et le jeune Mitko, et Nayden,clarinettiste. Il a fallu faire comprendre à ces musiciens « instinctifs » la nécessité de répéter ensemble : « Pourquoi répéter ?» disaient-ils, «on joue tout le temps depuis tout petit ». Sylvain Musel raconte qu’il a aussi fallu apprendre à canaliser l’énergie de cette troupe, capable de jouer des morceaux de quinze minutes et plus habituée à se produire dans la rue ou les mariages que sur une scène où les codes sont un peu différents.
Le groupe a aussi eu la chance de rencontrer des acteurs influents du monde culturel girondin : le président de Allez les filles, fournisseur de concerts à Bordeaux qui le programme lors de la biennale Evento en 2011, le responsable d’une galerie qui leur propose les lieux pour répéter, le programmateur du Rocher de Palmer où Chakaraka joue en novmebre 2011...Et puis finalement la programmation aux Nuits Atypiques avec la volonté de son directeur Patrick Lavaud d’en faire « Le groupe à défendre ».
Des musiciens de talent...mais sans papiers
De loin, ça ressemble à un conte de fées. De loin seulement. Car une fois le festival terminé et les lumières de la scène rangées, que va-t-il arriver à ces musiciens qui vivent tous en situation irrégulière en France ? Le regard des passants et des habitants sera-t-il moins méfiant ? Une demande de régularisation devrait être déposée en septembre pour que tous les musiciens obtiennent des papiers. Sylvain Mazel et Éric Cron cherchent aussi à trouver un maximum de dates de concerts pour constituer un dossier solide et pourquoi pas obtenir un statut d’intermittent du spectacle. Le projet d’album a aussi été évoqué. Des projets, beaucoup d’espoir et on l’espère pour Chakaraka, une nouvelle vie à la hauteur de leur talent et de leur énergie.
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