Les pop stars se fritent sur les canons de la beauté
"Si votre vidéo célèbre les femmes avec des corps très minces, alors elle sera choisie" dans la catégorie du meilleur clip de l'année, avait estimé Nicki Minaj, déçue que son titre "Anaconda", visionné près d'un demi-milliard de fois sur YouTube ne soit pas sélectionné. Se sentant visée, Taylor Swift avait lancé une pique à sa rivale, avant que les deux jeunes femmes ne se réconcilient.
Mais pour "Anaconda", la mise en scène est différente. Pas un homme à l'horizon, à l'exception du rappeur Drake tout près duquel la chanteuse exécute une danse suggestive avant de fermement le repousser.
Nicki Minaj, installée à New York "joue assurément sur les stéréotypes raciaux, mais elle essaie aussi d'en prendre le contrepied", estime Janell Hobson, qui enseigne l'étude de la condition féminine à la State University of New York, à Albany. "Elle reprend possession du corps, elle reprend possession de l'arrière-train, pour l'affirmation de soi chez les femmes avec un signe de beauté et de fierté, comme pour dire Allez, regardez-moi, puisque de toutes façons vous allez regarder", poursuit-elle.
Débat sur le féminisme
Nicki Minaj présentera le 30 août sa vidéo au MTV Video Music Awards dans d'autres catégories dont celle du meilleur clip de hip-hop. Et plusieurs artistes noires comme Rihanna, Missy Elliot ou Beyoncé ont déjà remporté la récompense. C'est lors de cette compétition que Miley Cyrus avait fait scandale en 2013 en popularisant le twerk,danse qui s'est développée à la Nouvelle-Orléans dans les années 1990 et à laquelle on attribue des origines ouest-africaines.
"L'avantage qu'ont les femmes blanches, c'est qu'on part du principe qu'elles sont sexuellement pures, et toute déviation est alors vue comme une rupture d'un certain enfermement patriarcal opprimant leur sexualité", explique Cate Young, qui tient un blog féministe sur la culture pop baptisée BattyMamzelle. "Les femmes noires, on présume qu'elles ont une sexualité déviante, ce qui nous laisse le choix de confirmer le stéréotype en vivant une sexualité normale, ou de refouler notre sexualité dans le but d'éviter les stéréotypes", poursuit-elle. "Dans les deux cas, nous n'avons rien à y gagner", conclut la blogueuse.
Nicky Minaj figure en bonne position dans l'ouvrage paru en mars et intitulé "Les 30 féministes que personnes n'a vu venir". "Certes, Nicki Minaj ne se pose pas comme une figure intellectuelle de premier plan (...) Mais au moins, le féminisme de Nicki Minaj nous dit ceci : mon cul m'appartient. Et c'est sans doute une bonne nouvelle", y conclut son auteure, Johanna Luyssen.
Le débat fait écho à une autre polémique déclenchée par une interview de Lou Doillon au journal espagnol El Pais. A la Française qui reproche à Nicki Minaj et Beyoncé de mettre à mal le féminisme en "crânant en string", de nombreux billets ont répondu en l'accusant de racisme et en s'activant à diffuser une publicité pour la haute couture où l'actrice apparaît dans le plus simple appareil.
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