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Le Boléro de Ravel s'offre au public du monde entier

Le Boléro de Ravel entre ce dimanche 1er mai dans le domaine public. Cette œuvre de 1928 ne dure qu’un quart d’heure mais sa notoriété est immense et les rumeurs nombreuses autour des droits d’auteur.
Article rédigé par Jean-Michel Dhuez
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Souvent joué et dansé, le Boléro de Ravel ici au Théâtre Albéniz de Madrid avec le danseur Antonio Márquez en 2007 © MaxPPP)

A compter de ce dimanche 1er mai, les orchestres qui vont jouer l’œuvre n’auront plus de droits d’auteur à verser. Cela concerne les concerts et les enregistrements. L’œuvre est libre de droit pour son exécution. C’est simple alors que dans le cas du Boléro de Ravel tout a été compliqué.

Le savant calcul des droits d'auteur

La durée des droits de la propriété n'est pas si simple à jauger. En principe, les droits portent sur 70 ans à partir du 1er janvier qui suit le décès du compositeur. Mais, pour les œuvres créées dans la première partie du XXe siècle, il  existe une prorogation pour années de guerre, une compensation des droits perdus pendant les conflits. Et pour la Seconde Guerre mondiale, cette prorogation est de huit ans et 122 jours. Ravel est mort en 1937. Les droits ont commencé le 1er janvier 1938. Vous ajoutez 78 ans et 122 jours et nous voici arrivés donc à cette échéance.

Autre complexité, les ayant-droits

Ravel meurt sans enfant. C’est donc son frère Edouard qui est le seul héritier. Mais au milieu des années 50, un couple, Alexandre et Jeanne Taverne, s’installe chez Edouard et sa femme. Il assiste les époux et les soignent car ils ont été victimes d’un accident de la route quelques années plus tôt.  Au fil des années, l’emprise des Taverne se resserre à tel point d’Edouard décide de faire de Jeanne sa légataire universelle et renonce du même coup à son projet de céder 80% des droits d’auteurs à la ville de Paris pour financer un prix de musique.

Les petits-cousins de Maurice Ravel tentent des actions en justice, en vain...Et pour compliquer la situation, une troisième personne entre en scène. Il s'agit de Jean-Jacques Lemoine, avocat et ancien directeur juridique de la SACEM, l’organisme qui collecte les droits d’auteurs. Jean-Jacques Lemoine conseille les époux Taverne et monte une société, ARIMA, qui va percevoir 10 % de la part d’auteur et la moitié des droits éditoriaux, le reste ayant été perçu par les héritiers d’Alexandre Taverne. Que ce soit pour le droit d’auteur comme pour le droit moral, on est loin de Ravel, comme le constate le directeur de la SACEM, Laurent Petitgirard : "Cet argent est allé finalement à des bénéficiaires qui étaient très éloignés de Maurice Ravel. C’est la loi, ce sont des décisions de justice" .

"La SACEM ne peut que s’incliner et respecter" : le directeur de la SACEM, Laurent Petitgirard

Combien ont rapporté les droits d’auteurs ? 

C’est la grande question qui bute sur l'absence de chiffres officiels. Laurent Petitgirard confirme que le Boléro et les autres œuvres de Ravel ont généré d’importants droits d’auteurs, tout en relativisant leur ampleur : "il faut arrêter les fantasmes" dit le directeur de la SACEM. "La musique de Ravel, un plus grand génie de tous les temps, a généré c'est vrai beaucoup d'argent, mais on n'est pas en train de parler des fortunes du CAC 40".

"On n'est pas en train de parler de milliards d'euros" : le directeur de la SACEM, Laurent Petitgirard

Il faut savoir que chaque année la SACEM collecte environ 850 millions d’euros de droits d’auteur, tous genres musicaux confondus. Le Boléro figure donc dans cette somme. Ce qui est certain c’est qu’il rapporte de moins en moins, tout simplement parce qu’il n’est plus protégé maintenant qu’aux Etats-Unis et en Espagne.

Une partition fantastique et si difficile

Les musiciens vous le diront, le Boléro de Ravel, c’est un rythme lancinant, répétitif avec d’abord la caisse claire puis l’entrée successive des autres instruments qui vont tous avoir un solo. Un crescendo orchestra avec une explosion finale. "Cela laisse le temps à un public mélomane de comprendre ce qui se passe" explique Laurent Petigirard qui est par ailleurs chef d’orchestre et compositeur. 

Il s'agit d'une partition fantastique avec une pression particulière pour le percussionniste qui est à la caisse claire. C’est lui qui commence et il joue pendant toute l’œuvre. Selon Emmanuel Curt de l’Orchestre national de France, "c'est un solo très compliqué, pendant quinze minutes on joue tout le temps et on joue la même chose, mais à l'écoute de l'instrument qu'on accompagne" .

"Il faut avoir l'oreille adaptée à chaque instrument" : Emmanuel Curt, percussionniste à l’Orchestre national de France

Un quart d’heure de musique pour une œuvre dont on dit qu’il y a en permanence une diffusion ou une exécution à travers le monde... 

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