La filière musicale réclame à son tour une "taxe Google"
Le débat est encore loin d'être tranché. Mais dans un
contexte de crise durable de l'industrie musicale, la question d'une
répartition plus égalitaire des revenus devient un enjeu crucial.
Un système "inégalitaire"
Parmi les acteurs qui comptent sur le terrain de l'industrie
musicale, Pascal Nègre, le PDG d'Universal Music France, l'une des majors, estime qu'il existe
"un problème de transfert de valeur entre
les producteurs de contenus et ceux qui en profitent, qui ne peut être réglé
par le droit d'auteur ou les droits voisins."
La solution, pour les professionnels, majors comme producteurs indépendants, serait ainsi que la
musique proposée sur Internet, via les opérateurs, les équipementiers et les
moteurs de recherche comme Google, puisse faire l'objet d'un partage plus
équitable. Car la situation ne s'arrange pas, malgré quelques soubresauts.
Sur les neuf premiers mois de l'année
2012, le marché de la musique a subi une baisse de 7,8 %, porté par la chute
des ventes physiques de CD (-14,9 %), selon les chiffres du Syndicat national de l'édition phonographique (Snep), arrêtés à septembre 2012. Pendant ce temps, clairement pointé du
doigt, le géant américain Google enregistrait l'année dernière un chiffre d'affaires
en hausse de 32 %, à 50 milliards de dollars (37 milliards d'euros), avec un
bénéfice net sur l'année 2012 de 10 milliards de dollars (7,4 milliards d'euros).
Des chiffres qui donnent le vertige aux acteurs du marché de la musique.
La brèche est ouverte
La demande de l'instauration d'une "lex Google", à l'image de celle adoptée en Allemagne le 29 août dernier, a été lancée à grands cris par les éditeurs de presse. La réaction de Google ne
s'est pas fait attendre : hors de question de verser une partie des
bénéfices, quitte à déréférencer les contenus, en d'autres termes les faire
disparaître de son moteur de recherche, ou de son agrégateur de contenus type
Google Actualités.
Dans la foulée, Laurent Joffrin, le patron du Nouvel Obs , signait
le 18 octobre dernier une violente diatribe contre l'entreprise américaine, le
chantage de Google . Dans cet article, il déclarait notamment :
'La multinationale américaine, qui se targue de
remplir une tâche d'intérêt général grâce à son moteur de recherche, vient de
démontrer qu'elle se soucie comme d'une guigne du droit à l'information."
Difficile en effet, sur le plan législatif, d'obliger
Google, en position ultra-dominante sur le secteur des moteurs de recherche, à mettre la main à la poche. Malgré tout, la porte s'est quelque peu
entrouverte, avec l'ouverture de négociations entre les deux parties.
L'Etat à la rescousse
Le gouvernement, en matière de presse, s'est déjà engagé à légiférer
en cas d'échec de ces négociations. D'où la tentative de la part des acteurs de
l'industrie musicale de s'engouffrer dans la brèche. Le Snep attend ainsi que "la
ministre de la Culture (Aurélie Filipetti) se positionne pour régler ce
problème de manière transversale" . De "manière transversale" ,
de la presse à la musique.
Dans ce contexte, le Midem, le grand rendez-vous des
professionnels à Cannes qui s'ouvre samedi, représente un temps fort. Les
acteurs du marché comptent bien mettre la pression, à la fois sur Google et sur
le gouvernement, pour tenter d'arracher une avancée. Le sujet sera à coup sûr l'un des axes de travail de la mission Lescure sur "l'acte II de l'exception culturelle".
Le paradoxe, c'est que l'industrie musicale est elle aussi
pointée du doigt en matière de partage de la valeur. Les magasins de CD, au
hasard Virgin en France et son dépôt de bilan annoncé, sont en première ligne de
la crise. Les plateformes musicales en ligne (par exemple Deezer)
dénoncent les conditions drastiques exigées par les ayants-droit pour faire
profiter de leur catalogue. Et le sujet est au coeur également des négociations sur les droits d'auteur entamées entre la Sacem et la plateforme de vidéos YouTube. Un nouveau contrat fixant les droits d'auteur doit être signé, dans un climat tendu.
La guerre est ouverte, les fronts sont divers.
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