Khaled, Robin Thicke, Calogero : comment faire condamner une star de la musique pour plagiat ?
Le titre le plus connu du chanteur algérien, "Didi", est une copie d'un autre morceau, selon un juge. Mais comment prouver la copie en musique ?
Le "roi du raï" devrait son plus grand succès à un autre. Le chanteur Khaled a été condamné par le tribunal de grande instance de Paris, mardi 7 avril, pour avoir plagié l'artiste algérien Cheb Rabah dans son titre phare, Didi. Il ne s'agit pas là du seul cas de "copie" qui existe dans la musique : plusieurs stars, depuis Robin Thicke et Pharrell Williams jusqu'à un certain Beatles, ont été poursuivis pour avoir repris les compositions d'autres artistes.
Mais une fois que les fans ont repéré les similitudes et crié au plagiat sur Twitter, comme ce fut le cas en 2013 pour les très semblables Roar de Katy Perry et Brave de Sara Bareilles, comment réussir à faire condamner les stars ?
En comparant les compositions des deux titres
Riff de guitare, mélodie du refrain, paroles... Même quelques notes peuvent faire l'objet d'un copyright, si elles sont considérées comme suffisamment originales, explique Buzzfeed (en anglais). Mais, pour faire condamner un artiste pour plagiat, encore faut-il prouver que les titres partagent des éléments communs. Pour cela, pas question de se fonder uniquement sur une vidéo YouTube comparant les deux morceaux.
Les juges doivent avant tout écouter les œuvres pour déterminer qu'il existe une "similarité substantielle" entre elles. Ils doivent surtout étudier les partitions : il existe une différence entre la mélodie telle qu'elle a été écrite par le compositeur et celle qui est diffusée après le passage entre les mains d'un producteur. Ainsi, lors du procès, en mars 2015, de Robin Thicke et Pharrell Williams, accusés d'avoir copié un titre de Marvin Gaye, les jurés se sont appuyés sur les compositions originales pour trancher, rapporte Buzzfeed. Verdict : "Le rythme, la mélodie et les arrangements" de Blurred Lines sont identiques à ceux de Got To Give It Up, rapporte le New York Times (en anglais).
En engageant un expert en musicologie
Problème : tout le monde n'a pas fait de solfège. Pour s'assurer que les compositions sont bien les mêmes, des experts en musicologie interviennent fréquemment. Ils peuvent étudier les partitions, notamment à l'aide de logiciels de comparaison de mélodies. Ces programmes informatiques sont déjà utilisés par les maisons de disques, qui vérifient "les éléments les plus basiques" des chansons avant leur sortie pour éviter le plagiat, selon Bruce Pennycook, professeur de musique interrogé par le The Daily Texan (en anglais).
Ainsi, en mai 2014, le chanteur français Calogero a été condamné pour contrefaçon : selon le tribunal de grande instance de Paris, le refrain de son titre Si seulement je pouvais lui manquer est directement inspiré d'un morceau de Laurent Feriol, Les Chansons d'artistes, datant de 2001. L'expertise a démontré que "les refrains des deux œuvres présentent d'importantes similitudes, de l'ordre de 63% de notes communes", rapporte La Parisienne. Au total, environ 15% de Si seulement je pouvais lui manquer serait une reprise. Une proportion suffisante pour être condamné pour plagiat.
En prouvant que le plagiaire connaissait le morceau
Deux morceaux qui se ressemblent, une coïncidence ? C'est souvent la ligne de défense des plagiaires présumés, qui affirment ne pas s'être inspirés du travail d'un autre, mais simplement avoir eu une idée similaire. Le chanteur britannique Sam Smith, accusé de plagiat par le rockeur Tom Petty en 2014, a affirmé être trop jeune pour avoir entendu sa chanson I Won't Back Down, sortie en 1989, rapporte Radio Canada (en anglais). A l'époque, l'artiste britannique n'était effectivement pas né. Il a cependant décidé de citer son aîné comme compositeur de son titre Stay With Me et de lui verser des royalties.
Une tactique peut-être destinée à se prémunir d'une éventuelle condamnation semblable à celle qu'a connue le Beatles George Harrison. Le Britannique a été déclaré coupable de plagiat "subconscient" pour son premier titre en solo, My Sweet Lord, en 1976, note Billboard (en anglais). Il aurait, sans s'en rendre compte, intériorisé et reproduit le succès He's So Fine, du groupe The Chiffons. D'après la cour de l'Etat de New York, le morceau était tellement célèbre qu'il était quasiment impossible que George Harrison ne l'ait jamais entendu.
Dans le cas de Pharrell Williams et Robin Thicke, la famille de Marvin Gaye n'a pas eu à aller si loin pour prouver qu'ils avaient eu accès au morceau d'origine. Les deux artistes avaient expliqué à plusieurs reprises s'être inspirés de son œuvre et en particulier de Got To Give It Up, lors d'interviews en 2013, rappelle CNN (en anglais). Un hommage qui leur a tout de même coûté 7,3 millions de dollars de dommages et intérêts.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.