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Jimi Hendrix : pourquoi est-il toujours une icône de la guitare cinquante ans après ?

50 ans après sa mort, Jimi Hendrix reste la référence du guitariste rock. Cinq raisons qui expliquent cette position indétrônable.

Article rédigé par Jean-François Convert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7 min
JImi Hendrix sur scène le 8/01/1969 à Gothenburg (Suède) (ERIK KARLSSON/EXPRESSEN / TT NEWS AGENCY)

Il y a tout juste un demi-siècle aujourd’hui disparaissait Jimi Hendrix. Le musicien afro-américain est invariablement cité comme le plus grand guitariste de l’histoire du rock. Chaque année, les palmarès des dieux de la six-cordes le placent en pole position. Sans exception depuis 50 ans. Pourquoi ? Petit tour d’horizon non exhaustif des raisons qui font du divin gaucher LE guitariste incontournable.

 

1Un showman extraordinaire

Les premières images que l’on a en tête de Jimi Hendrix sont ses incroyables performances scéniques qui laissaient régulièrement le public bouche bée. Même s’il n’a pas été le premier à la faire, son jeu acrobatique derrière la tête, dans le dos, avec les dents ou avec la langue, par-dessus le manche, ou encore en se roulant par terre est resté dans toutes les mémoires.

Jimi Hendrix jouant de la guitare avec le dents aux studios de télévision Hivsersum (Pays-Bas) le 01/01/1967 (KIPPA / ANP)

Ce côté spectacle sévissait déjà chez de nombreux musiciens issus de la scène blues, quand les artistes noirs devaient gagner l’adhésion de l’assistance en partie blanche dans des coins perdus du sud des Etats-Unis. Mais Hendrix l’a popularisé auprès du grand public des concerts de rock. Une de ses plus fameuses performances demeure son acte d’avoir brulé sa guitare au festival de Monterey en juin 1967, en passant après les Who qui eux-mêmes saccageaient leurs instruments sur scène.

Cet aspect extraverti – qui lui avait valu d’être limogé par Little Richard qui craignait qu’il ne lui vole la vedette – dissimulait quelqu’un de timide et réservé dans sa vie privé. Des dires de ceux qui l’ont côtoyé, James Marshall Hendrix était quelqu’un de doux et calme, à l’opposé de son image sur scène, grandiloquente et ravageuse.

La guitare fait partie de lui

Mark Knopfler, alors journaliste au Yorkshire Evening Post (1970)

Mais ses prestations en live ne se limitaient pas à ça. Jimi embrassait littéralement sa Stratocaster, il faisait corps avec elle, prenait des poses suggestives et mimait parfois l’acte sexuel avec son instrument. Si la guitare électrique a pris des allures de symbole phallique, c’est en grande partie dû à la façon de jouer de Jimi Hendrix sur scène.

 

2Un alchmiste du son

L’autre grande révolution de Jimi Hendrix est sonore. Jamais une guitare n’avait sonné comme ça avant lui. Et surtout une Stratocaster, qui était la guitare au son cristallin par excellence. Popularisée par Buddy Holly, puis Hank Marvin avec les Shadows, cette guitare électrique dont la fabrication avait débuté en 1954 était avant tout l’archétype du son clair et brillant, destiné à la surf-music californienne, ou aux instrumentaux de la pop britannique du début des sixties. Le fameux son « "twang" avec beaucoup de reverb, et un petit coup de barre vibrato en fin de chaque phrase. Mais Jimi va en faire complètement autre chose : la barre de vibrato, il la tord, et l’utilise à foison pour faire monter et descendre ses notes de façon hallucinante.

La configuration du matériel de Jimi Hendrix sur scène entre 1969 et 1970
 (DR)

Mais en plus d’une technique bien en avance sur ses contemporains, le guitariste va très vite s’intéresser aux innovations technologiques. Afin d’élargir sa palette sonore, il emploie de nombreux effets tout juste créés par Roger Mayer, par la firme Vox, ou le fabricant japonais Shin-ei : la Fuzz qui sature le signal, la wah-wah qui module les fréquences et donne cette couleur vocale, l’Uni-Vibe qui reproduit le son tournoyant d’une cabine Leslie à l’origine conçue pour les orgues Hammond, ou encore l’Octavia qui en transposant le son à une octave supérieure lui permettait de partir dans des dimension stratosphériques.

Un des morceaux qui cumule sans doute le plus d’effets est Machine gun, avec des sonorités semblant venir d’une autre planète

Une des composantes essentielles du son Hendrix est l’effet larsen, obtenu par le bouclage du son des amplis à travers les micros de la guitare. A priori au départ indésirable, ce bruit devient une marque de fabrique du guitariste qui le dompte littéralement. Son technicien affirmait qu’il n’arrivait pas à régler sa guitare car il n’obtenait que du larsen, tellement le volume des amplis était fort. Seul le divin gaucher parvenait à maitriser ce son spécifique et à l’intégrer dans ses solos. Ses contemporains emboitent vite le pas, d’Eric Clapton à Jimmy Page en passant par Pete Townshend et Carlos Santana. 

Hendrix joue le Blues du Delta, mais ce Delta là, se trouve sur Mars

Rolling Stone Magazine

Jimi Hendrix cherchait également à repousser les limites de l’expérimentation sonore en studio. Avec son producteur Eddie Kramer et l’ingénieur du son Gary Kellgren ils ont utilisé au maximum les possibilités techniques de l’époque, notamment dans son chef d’œuvre Electric Ladyland (1968). En enregistrant une piste sur deux bandes ensuite décalées, ils produisent un effet de flanging, ce son légèrement voilé ou pleurant.

  (REBECCA SAPP / WIREIMAGE)

Sur 1983... a merman I should turn to be, ce sont des larsens de micro d’ordre (les micros “talk back” servant à communiquer entre le studio et la régie “control room”) qui, passés en chambre d’echo, vont donner ces fameux effets sonores, semblables à des cris de mouettes. Sur House burning down il demande à Kramer et Kellgren de reproduire le son de sa guitare comme si on l’entendait sous l’eau.

 

3Un gaucher singulier

On explique souvent que Jimi Hendrix inversait les cordes parce qu’il jouait sur une guitare de droitier. Effectivement oui par rapport aux cordes de la guitare d’origine, mais pour se retrouver en définitive avec des doigtés "classiques", comme d’autres guitaristes gauchers célèbres (Paul McCartney, Kurt Cobain…) : c’est-à-dire avec les cordes graves en haut et les cordes aigues en bas. À la différence d’autres guitaristes gauchers qui eux, jouent réellement avec les cordes inversées (les aigues en haut et les graves en bas) : Albert King, Otis Rush, Doyle Bramhall II, Eric Gales…

Jimi Hendrix sur une de ses nombeuses Stratocaster (pour droitier) aux studios de télévision Hivsersum (Pays-Bas) le 01/01/1967 (KIPPA / ANP)

Néanmoins, Mick Taylor, guitariste des Rolling Stones entre 1969 et 1974, raconte que Jimi était venu jammer avec eux backstage en 1969. Naturellement, il n’y avait pas de guitare gaucher disponible. Qu’à cela ne tienne, Jimi a joué sur une guitare avec les cordes inversées, sans que cela ne lui pose problème !

Jimi Hendrix préférait utiliser des guitares de droitier parce qu’il estimait que leur qualité était meilleure, l’industrie musicale de l’époque n’accordant que peu de temps, de soin, et d’intérêt à la production d’instruments pour gauchers. Le fait de jouer sur cette guitare "à l’envers" lui donnait un accès plus aisé aux potentiomètres de volume et tonalité, ainsi qu’à la barre de vibrato, ce qui lui permettait de modifier facilement ses sonorités tout en jouant.

Il utilisera néanmoins une Gibson Flying V  Custom en modèle gaucher, notamment au festival de Wight en 1970 :

  

4Un musicien complet

Si Hendrix a bluffé tout le monde, c’est aussi parce qu’il n’était pas qu’un guitariste. C’était un admirateur des Beatles et de Dylan, capable de reprendre un morceau des premiers seulement 2 jours après la sortie de leur album Sgt Pepper, ou de transcender une chanson du second en en donnant la version devenue celle de référence :

Féru de littérature et de poésie, il a écrit composé de magnifiques ballades dignes des plus grands auteurs. Un songwriter inspiré qui a su mêler diverses influences musicales et littéraires. 

 

5Un artiste fédérateur

Enfin, Hendrix a réussi à fédérer les publics noirs et blancs et a proposé une musique universelle, bien des années avant un Bob Marley par exemple. Ses chansons ne tournaient pas qu’autour de la guitare, mais diffusaient un message humaniste. 

Quand le pouvoir de l'amour dépassera l'amour du pouvoir, le monde connaîtra la paix

Jimi Hendrix

Sa version de l’hymne américain à Woodstock reste à jamais emblématique du courant flower power et antimilitariste, même si en y regardant de plus près, c’est un peu plus compliqué.

Quoi qu’il en soit, il est devenu un symbole ce jour-là, et a largement dépassé le public d’amateurs de guitare. Artiste complet, compositeur et auteur de génie, innovateur en matière technologique et sonore, icône du mouvement pacifiste, il n’en demeure pas moins une légende de la guitare, qui reste encore à ce jour inégaléé, et LA référence pour tout aficionado de six-cordes.

Jimi Hendrix vu par le dessinateur Denys Legros (Denys Legros)

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