Une "dernière danse" pour Keith Jarrett et Charlie Haden
Éminences du jazz, le pianiste Keith Jarrett et le contrebassiste Charlie Haden ont travaillé ensemble il y a bien longtemps, formant un trio à partir de 1968 avec l'illustre batteur Paul Motian, mais aussi un quartet à partir de 1971 avec le saxophoniste Dewey Redman. En 1976, Jarrett, las des problèmes de drogue qui minaient Haden à l'époque, a dissous le groupe. Les deux amis, en froid, ont poursuivi leur route séparément. L'éclectique Jarrett, actif tant dans le jazz que la musique classique et contemporaine, a mené une carrière solo tout en animant d'autres formations. Il s'est tenu à bonne distance des studios, privilégiant la scène et les enregistrements live.
Les retrouvailles
En 2007, plus de trente ans après le début de la brouille, Charlie Haden appelle Keith Jarrett. Il lui propose de participer à un documentaire que la BBC lui consacre. Le pianiste accepte et l'invite à le rejoindre dans le studio qu'il a aménagé chez lui et à jouer des standards pour les besoins du documentaire. L'alchimie resurgit comme une évidence. Les vieux amis fixent un autre rendez-vous et passent quelques jours ensemble à refaire le monde et revisiter, entre autres, des classiques de Broadway. Trois ans plus tard, en 2010, sort "Jasmine" (ECM/Universal), première émanation de ces sessions.
Quatre ans après "Jasmine", paraissent d'autres enregistrements de ces fameuses journées, réunis dans un nouvel album. Probablement les derniers, puisque le disque s'intitule "Last Dance" et propose des prises alternatives de deux titres présents sur "Jasmine", "Where can I go without you" et "Goodbye". Au menu, toujours des classiques - Cole Porter, Kurt Weil, Richard Rodgers - mais aussi des standards de jazz signés Bud Powell et Thelonious Monk. Aujourd'hui, Keith Jarrett et Charlie Haden ont respectivement 69 et 76 ans. En 2007, ils étaient déjà arrivés à maturité. De ce disque volontiers romantique (le corpus initial de base étant des chansons d'amour), il se dégage autant de maîtrise que de quiétude. Mais nul besoin d'emphase ou d'accentuation du pathos. On savoure un "My Old Flame" (Arthur Johnston) rassérénant, un "Round Midnight" (Monk) aérien, un "Goodbye" (Gordon Jenkins) poignant pour clore l'album... Bien sûr, il y a toujours les chantonnements parfois nasillards du pianiste, auquel les fans de Jarrett sont habitués, mais ils ne sont pas omniprésents. Et ils nous donnent l'impression de nous être faufilés au fond d'un salon dans lequel deux vieux amis devisent tranquillement en musique... "Last Dance" est un disque tendre, subtil et intimiste, traduction de la joie tranquille des retrouvailles de deux grands musiciens. Keith Jarrett en concert solo à Paris
Vendredi 4 juillet 2014, 20H
Salle Pleyel
252 rue du Faubourg Saint-Honoré
Paris 8e
01 42 56 13 13 ou ici
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