Cet article date de plus d'onze ans.
Un beau "Dialogue" entre jazz et Antilles, signé Laurent Coq, sur scène à Paris
Laurent Coq, Ralph Lavital et Nicolas Pelage sont respectivement pianiste de jazz, guitariste et chanteur. Le premier, métropolitain, a convié les deux autres, d'origine antillaise, à unir leurs sensibilités. Dans "Dialogue", album mélodieux et chaleureux, des textes en créole se posent avec naturel sur des mélodies jazz et caribéenes. Ils le présentent ce soir et samedi à Paris, au Sunside.
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Temps de lecture : 11min
La rencontre
Nous avons fait connaissance avec Laurent Coq en avril dernier, à propos de l'excellent "Rayuela" co-écrit avec le saxophoniste Miguel Zenón. Cette fois, le pianiste et compositeur évoque avec autant d'enthousiasme "Dialogue", un disque motivé par sa rencontre avec Ralph Lavital -son élève durant un an à l'école Edim de Cachan- et son intérêt de longue date pour les musiques antillaises. Laurent Coq en signe huit morceaux, et Ralph Lavital trois. Plus qu'une simple collaboration artistique avec le guitariste et le chanteur Nicolas Pelage qui a rejoint le projet, le pianiste a vécu une véritable alchimie, tant humaine que musicale. Le trio a rodé ce répertoire sur scène lors d'une tournée en Afrique entre juin et juillet.
Des rencontres artistiques de cette qualité, aussi rares que précieuses à ses yeux, lui apparaissent comme des cadeaux, un an après avoir connu de sérieux ennuis de santé. Elles lui permettent aussi de prendre du recul sur beaucoup de choses. Les passionnés de jazz connaissent son engagement pour la défense et la promotion de cette musique, ainsi que ses prises de position parfois sources de quelques polémiques... Laurent Coq nous semble aujourd'hui simplement heureux de vivre et de jouer la musique qu'il aime. - Culturebox : Enregistrer un album avec un guitariste, c'est une première pour vous !
- Laurent Coq : A priori, le piano et la guitare ne sont pas très copains... Le problème de ces instruments, c'est qu'ils ont les mêmes moyens, marchent sur les mêmes plates-bandes. Il y a bien sûr des références en matière de duo piano-guitare, comme Bill Evans et Jim Hall. Pendant des années, j’ai eu du mal à jouer aux côtés d'une guitare, je n’arrivais pas à me placer. Il y a trois ans, j’ai commencé à travailler avec le guitariste Sandro Zerafa, dans le cadre d'un quartet. Il m’a permis d’explorer cet échange, ce dialogue d’égal à égal.
- Pouvez-vous nous raconter cette rencontre avec le jeune Guitariste Ralph Lavital, 26 ans ?
- Ralph a été mon élève pendant un an. Il suivait une formation qui s’appelle le DEM Jazz, à l’Edim. C’était il y a trois ans. Il était très brillant. Il vient d'une famille de musiciens. Quand il a eu son diplôme, je lui ai proposé d’essayer de travailler en duo, sans projet précis. J’avais le sentiment d'avoir trouvé le guitariste avec lequel je pourrais explorer ce truc aride : pas de basse, pas de batterie, mais juste deux instruments qui, a priori, se font un peu la guerre. Or avec Ralph, dès le départ, non seulement on ne se faisait pas la guerre, mais la somme était plus importante que l’addition des parties. Les possibilités semblaient décuplées au niveau du son, de l’harmonie et du phrasé. Rythmiquement, c’était super fort. Quand quelque chose comme ça se produit, c’est extraordinaire.
- L'idée de faire un disque a donc découlé de cette rencontre ?
- L'envie me vient toujours des musiciens que je rencontre. On a commencé à se voir régulièrement pour répéter, il y a deux ans. On a d’abord travaillé sur des standards. Puis j’ai amené quelques trucs que j’avais déjà écrits. J'ai demandé à Ralph d’amener lui aussi ses propres morceaux. On a eu l'occasion de jouer ensemble dans des restaurants. J’ai eu envie d’écrire pour ce duo, sans idée de disque, des morceaux qui figurent au final sur l'album. Ce qui m’a d’autant plus motivé avec Ralph, c’est son placement rythmique tellement naturel ! C'est d'une importance colossale quand on joue sans batterie et sans basse. Si cet aspect ne fonctionne pas, c’est la lutte et cela s'entend, ce n’est pas fluide. Avec Ralph, on se place ensemble sans forcer, sans se poser de questions, au point de jouer parfois les mêmes phrases au même moment. Il n’y a pas beaucoup de musiciens avec lesquels je sois autant en phase. Je n’aurais pas pu faire ce disque avec quelqu’un d’autre. L'idée d'ajouter une voix est venue plus tard.
- Comment le chanteur Nicolas Pelage a-t-il rejoint ce projet ?
- Quand Ralph a passé son diplôme à l'Edim, il a présenté un programme de vingt minutes avec un groupe dans lequel chantait Nicolas. Quand je l'ai entendu, j’ai tout de suite pensé à ces chanteurs brésiliens comme Milton Nascimento, Caetano Veloso, qui donnent l’impression de ne pas avoir travaillé ! J’aime beaucoup les voix, mais j’aime en particulier l’aspect très naturel d’une voix, quand celle-ci n’est pas du tout maniérée, affectée. Nicolas et Ralph donnent la sensation que c’est la musique qui les a choisis, et pas l’inverse. Ils ont une oreille qui me fait envie, en fait ! Je n’ai pas cette oreille. C’est vraiment merveilleux d’être au contact de musiciens comme eux, c’est très inspirant, cela met toute la musique à un autre niveau. - Nicolas Pelage vient-il du jazz ?
- Non, c'est plutôt un chanteur de zouk. Et quand je dis "zouk", je pense qu’il y a autant de malentendus avec le jazz qu’avec le zouk, chacun subissant le poids d’énormes clichés, d’une image tronquée. En métropole, le zouk est une musique pas du tout respectée, une musique des vacances, des tropiques, de la fête… Comme beaucoup de musiques populaires, on a tendance à la regarder de haut. Nicolas, qui a grandi en Martinique, a été au contact de musiciens qui portent très haut cette tradition. En arrivant en métropole à 21, 22 ans, il a compris l'ampleur de l'ignorance crasse, du malentendu à l'égard de cette musique. Or elle est très riche, très élégante sur tout ce qui intéresse les musiciens de jazz : le rythme, l'harmonie, la mélodie. Quand je suis arrivé à Paris il y a 25 ans (Laurent Coq est originaire d'Aix-en-Provence, ndlr), le premier pianiste qui m'ait impressionné et inspiré, et qui continue de le faire encore aujourd'hui, c'est Alain Jean-Marie (pianiste de jazz guadeloupéen, ndlr).
"Le challenge : prendre la langue créole et la sortir de son folklore habituel"
- De quoi alimenter cette envie d'associer les univers du jazz et des Antilles...
- Pour moi, c'était un vrai challenge de me saisir de cette culture caribéenne qui n’est pas la mienne, d’essayer de m’en inspirer et de la fusionner avec mon propre bagage. Le plus important dans ce travail, c’est le fait d’avoir pris la langue, le créole, et d’avoir décidé de la sortir de son folklore habituel. On joue des biguines et des mazurkas créoles dans le disque, mais il n’y a pas que ça. Nicolas chante trois morceaux en créole. Il a écrit lui-même les textes. Deux d’entre eux ne sont absolument pas de facture caribéenne. L’idée, c'était de montrer que cette langue, tellement belle, était à l’égale de l’anglais pour chanter le jazz.
- Qu'avez-vous appris de Ralph Lavital et Nicolas Pelage ?
- "Apprendre", en français, c'est génial, car ça veut dire deux choses, apprendre aux autres et apprendre des autres. Dès que Ralph s'est retrouvé dans ma classe, il a appris de moi et j'ai appris de lui. Tout de suite, il est arrivé avec des choses que moi-même, je ne crois pas savoir si bien faire. Et moi, je sais des choses, d'expérience, que lui ne sait pas. Avant même que l'on fasse ce groupe, j'apprenais déjà de lui. Par ailleurs, c'était merveilleux de voyager avec Ralph et Nicolas en Afrique, car c'était leur première grande tournée. Il y a toujours des difficultés, des galères, des avions annulés... Mais il n'y a jamais eu de problème. Les rares tensions ont toujours été résolues par le collectif que nous formions. Ils ont tellement bien abordé cette expérience, avec une capacité d'être toujours dans le positif, une telle joie, une force de vivre, que cela a constitué une leçon à mes yeux. - Cette expérience musicale vous a visiblement enthousiasmé et ému...
- Être musicien professionnel, c'est difficile. On est souvent amené à faire des choses qui ne sont pas forcément idéales, qui ne réunissent pas toutes les conditions pour que la musique soit au top. Mais avec ce groupe, comme avec celui de Miguel Zenón, on est dans ce cas de figure. Quand je monte sur scène avec ce groupe, je sais que je suis exactement à la place où je rêvais d'être quand j'avais 7 ans et que je pensais à devenir musicien professionnel. J'avais alors cette idée d'alchimie, d'osmose. Cela procure un sentiment de profonde gratitude et de conscience aiguë d'être un très grand privilégié. De bout en bout, la musique de "Dialogue" est joyeuse. Je pense que c'est le disque le plus joyeux que j'aie fait de toute ma vie.
- Dans le livret du CD, vous évoquez votre hospitalisation à l'été 2012 et dédiez le disque à "ceux qui voient le ciel à travers une fenêtre d'hôpital et à ceux qui sont à leur chevet". Que vous est-il arrivé ?
- J'ai eu un cancer. Une forme rare de lymphome, qui s'appelle la maladie de Castleman. Ils appellent ça une "maladie bruyante". Quand elle se déclare, elle surgit en quelques heures, et tout déconne. C'est arrivé alors que je rentrais de New York où je venais de mixer le disque. Dès mon arrivée à Paris, je devais jouer avec Pierrick Pédron dans un festival en Bretagne. J'ai fait ce concert et en rentrant à l'hôtel, j'ai passé une nuit affreuse. Je suis rentré chez moi à Paris où j'ai passé trois jours abominables, je n'arrivais ni à respirer, ni à dormir. J'ai été admis aux urgences de Saint-Antoine le 26 août 2012. Je n'ai vu quasiment que des internes, des gens extraordinaires sur lesquels l'hôpital fait reposer des responsabilités énormes. On m'a laissé entendre que le pronostic pourrait être fatal. J'y suis resté deux semaines. Puis je suis allé à l'hôpital Saint-Louis. J'ai suivi une chimio sur plusieurs mois. J'ai eu des moments difficiles, mais au fond de moi, je savais que j'allais m'en sortir. J'avais enregistré ce disque, j'avais planté cette graine et je savais qu'il y avait cette récolte à venir. Ce n'était pas le moment. La musique est trop forte.
(Propos recueillis par A.Y.)
Laurent Coq, Ralph Lavital et Nicolas Pelage en concert à Paris : "Dialogue"
Vendredi 20, samedi 21 septembre 2013, 21H
Sunside
60, rue des Lombards
75001 Paris
Réservations au 01 40 26 46 60 ou en ligne
Nous avons fait connaissance avec Laurent Coq en avril dernier, à propos de l'excellent "Rayuela" co-écrit avec le saxophoniste Miguel Zenón. Cette fois, le pianiste et compositeur évoque avec autant d'enthousiasme "Dialogue", un disque motivé par sa rencontre avec Ralph Lavital -son élève durant un an à l'école Edim de Cachan- et son intérêt de longue date pour les musiques antillaises. Laurent Coq en signe huit morceaux, et Ralph Lavital trois. Plus qu'une simple collaboration artistique avec le guitariste et le chanteur Nicolas Pelage qui a rejoint le projet, le pianiste a vécu une véritable alchimie, tant humaine que musicale. Le trio a rodé ce répertoire sur scène lors d'une tournée en Afrique entre juin et juillet.
Des rencontres artistiques de cette qualité, aussi rares que précieuses à ses yeux, lui apparaissent comme des cadeaux, un an après avoir connu de sérieux ennuis de santé. Elles lui permettent aussi de prendre du recul sur beaucoup de choses. Les passionnés de jazz connaissent son engagement pour la défense et la promotion de cette musique, ainsi que ses prises de position parfois sources de quelques polémiques... Laurent Coq nous semble aujourd'hui simplement heureux de vivre et de jouer la musique qu'il aime. - Culturebox : Enregistrer un album avec un guitariste, c'est une première pour vous !
- Laurent Coq : A priori, le piano et la guitare ne sont pas très copains... Le problème de ces instruments, c'est qu'ils ont les mêmes moyens, marchent sur les mêmes plates-bandes. Il y a bien sûr des références en matière de duo piano-guitare, comme Bill Evans et Jim Hall. Pendant des années, j’ai eu du mal à jouer aux côtés d'une guitare, je n’arrivais pas à me placer. Il y a trois ans, j’ai commencé à travailler avec le guitariste Sandro Zerafa, dans le cadre d'un quartet. Il m’a permis d’explorer cet échange, ce dialogue d’égal à égal.
- Pouvez-vous nous raconter cette rencontre avec le jeune Guitariste Ralph Lavital, 26 ans ?
- Ralph a été mon élève pendant un an. Il suivait une formation qui s’appelle le DEM Jazz, à l’Edim. C’était il y a trois ans. Il était très brillant. Il vient d'une famille de musiciens. Quand il a eu son diplôme, je lui ai proposé d’essayer de travailler en duo, sans projet précis. J’avais le sentiment d'avoir trouvé le guitariste avec lequel je pourrais explorer ce truc aride : pas de basse, pas de batterie, mais juste deux instruments qui, a priori, se font un peu la guerre. Or avec Ralph, dès le départ, non seulement on ne se faisait pas la guerre, mais la somme était plus importante que l’addition des parties. Les possibilités semblaient décuplées au niveau du son, de l’harmonie et du phrasé. Rythmiquement, c’était super fort. Quand quelque chose comme ça se produit, c’est extraordinaire.
- L'idée de faire un disque a donc découlé de cette rencontre ?
- L'envie me vient toujours des musiciens que je rencontre. On a commencé à se voir régulièrement pour répéter, il y a deux ans. On a d’abord travaillé sur des standards. Puis j’ai amené quelques trucs que j’avais déjà écrits. J'ai demandé à Ralph d’amener lui aussi ses propres morceaux. On a eu l'occasion de jouer ensemble dans des restaurants. J’ai eu envie d’écrire pour ce duo, sans idée de disque, des morceaux qui figurent au final sur l'album. Ce qui m’a d’autant plus motivé avec Ralph, c’est son placement rythmique tellement naturel ! C'est d'une importance colossale quand on joue sans batterie et sans basse. Si cet aspect ne fonctionne pas, c’est la lutte et cela s'entend, ce n’est pas fluide. Avec Ralph, on se place ensemble sans forcer, sans se poser de questions, au point de jouer parfois les mêmes phrases au même moment. Il n’y a pas beaucoup de musiciens avec lesquels je sois autant en phase. Je n’aurais pas pu faire ce disque avec quelqu’un d’autre. L'idée d'ajouter une voix est venue plus tard.
- Comment le chanteur Nicolas Pelage a-t-il rejoint ce projet ?
- Quand Ralph a passé son diplôme à l'Edim, il a présenté un programme de vingt minutes avec un groupe dans lequel chantait Nicolas. Quand je l'ai entendu, j’ai tout de suite pensé à ces chanteurs brésiliens comme Milton Nascimento, Caetano Veloso, qui donnent l’impression de ne pas avoir travaillé ! J’aime beaucoup les voix, mais j’aime en particulier l’aspect très naturel d’une voix, quand celle-ci n’est pas du tout maniérée, affectée. Nicolas et Ralph donnent la sensation que c’est la musique qui les a choisis, et pas l’inverse. Ils ont une oreille qui me fait envie, en fait ! Je n’ai pas cette oreille. C’est vraiment merveilleux d’être au contact de musiciens comme eux, c’est très inspirant, cela met toute la musique à un autre niveau. - Nicolas Pelage vient-il du jazz ?
- Non, c'est plutôt un chanteur de zouk. Et quand je dis "zouk", je pense qu’il y a autant de malentendus avec le jazz qu’avec le zouk, chacun subissant le poids d’énormes clichés, d’une image tronquée. En métropole, le zouk est une musique pas du tout respectée, une musique des vacances, des tropiques, de la fête… Comme beaucoup de musiques populaires, on a tendance à la regarder de haut. Nicolas, qui a grandi en Martinique, a été au contact de musiciens qui portent très haut cette tradition. En arrivant en métropole à 21, 22 ans, il a compris l'ampleur de l'ignorance crasse, du malentendu à l'égard de cette musique. Or elle est très riche, très élégante sur tout ce qui intéresse les musiciens de jazz : le rythme, l'harmonie, la mélodie. Quand je suis arrivé à Paris il y a 25 ans (Laurent Coq est originaire d'Aix-en-Provence, ndlr), le premier pianiste qui m'ait impressionné et inspiré, et qui continue de le faire encore aujourd'hui, c'est Alain Jean-Marie (pianiste de jazz guadeloupéen, ndlr).
"Le challenge : prendre la langue créole et la sortir de son folklore habituel"
- De quoi alimenter cette envie d'associer les univers du jazz et des Antilles...
- Pour moi, c'était un vrai challenge de me saisir de cette culture caribéenne qui n’est pas la mienne, d’essayer de m’en inspirer et de la fusionner avec mon propre bagage. Le plus important dans ce travail, c’est le fait d’avoir pris la langue, le créole, et d’avoir décidé de la sortir de son folklore habituel. On joue des biguines et des mazurkas créoles dans le disque, mais il n’y a pas que ça. Nicolas chante trois morceaux en créole. Il a écrit lui-même les textes. Deux d’entre eux ne sont absolument pas de facture caribéenne. L’idée, c'était de montrer que cette langue, tellement belle, était à l’égale de l’anglais pour chanter le jazz.
- Qu'avez-vous appris de Ralph Lavital et Nicolas Pelage ?
- "Apprendre", en français, c'est génial, car ça veut dire deux choses, apprendre aux autres et apprendre des autres. Dès que Ralph s'est retrouvé dans ma classe, il a appris de moi et j'ai appris de lui. Tout de suite, il est arrivé avec des choses que moi-même, je ne crois pas savoir si bien faire. Et moi, je sais des choses, d'expérience, que lui ne sait pas. Avant même que l'on fasse ce groupe, j'apprenais déjà de lui. Par ailleurs, c'était merveilleux de voyager avec Ralph et Nicolas en Afrique, car c'était leur première grande tournée. Il y a toujours des difficultés, des galères, des avions annulés... Mais il n'y a jamais eu de problème. Les rares tensions ont toujours été résolues par le collectif que nous formions. Ils ont tellement bien abordé cette expérience, avec une capacité d'être toujours dans le positif, une telle joie, une force de vivre, que cela a constitué une leçon à mes yeux. - Cette expérience musicale vous a visiblement enthousiasmé et ému...
- Être musicien professionnel, c'est difficile. On est souvent amené à faire des choses qui ne sont pas forcément idéales, qui ne réunissent pas toutes les conditions pour que la musique soit au top. Mais avec ce groupe, comme avec celui de Miguel Zenón, on est dans ce cas de figure. Quand je monte sur scène avec ce groupe, je sais que je suis exactement à la place où je rêvais d'être quand j'avais 7 ans et que je pensais à devenir musicien professionnel. J'avais alors cette idée d'alchimie, d'osmose. Cela procure un sentiment de profonde gratitude et de conscience aiguë d'être un très grand privilégié. De bout en bout, la musique de "Dialogue" est joyeuse. Je pense que c'est le disque le plus joyeux que j'aie fait de toute ma vie.
- Dans le livret du CD, vous évoquez votre hospitalisation à l'été 2012 et dédiez le disque à "ceux qui voient le ciel à travers une fenêtre d'hôpital et à ceux qui sont à leur chevet". Que vous est-il arrivé ?
- J'ai eu un cancer. Une forme rare de lymphome, qui s'appelle la maladie de Castleman. Ils appellent ça une "maladie bruyante". Quand elle se déclare, elle surgit en quelques heures, et tout déconne. C'est arrivé alors que je rentrais de New York où je venais de mixer le disque. Dès mon arrivée à Paris, je devais jouer avec Pierrick Pédron dans un festival en Bretagne. J'ai fait ce concert et en rentrant à l'hôtel, j'ai passé une nuit affreuse. Je suis rentré chez moi à Paris où j'ai passé trois jours abominables, je n'arrivais ni à respirer, ni à dormir. J'ai été admis aux urgences de Saint-Antoine le 26 août 2012. Je n'ai vu quasiment que des internes, des gens extraordinaires sur lesquels l'hôpital fait reposer des responsabilités énormes. On m'a laissé entendre que le pronostic pourrait être fatal. J'y suis resté deux semaines. Puis je suis allé à l'hôpital Saint-Louis. J'ai suivi une chimio sur plusieurs mois. J'ai eu des moments difficiles, mais au fond de moi, je savais que j'allais m'en sortir. J'avais enregistré ce disque, j'avais planté cette graine et je savais qu'il y avait cette récolte à venir. Ce n'était pas le moment. La musique est trop forte.
(Propos recueillis par A.Y.)
Laurent Coq, Ralph Lavital et Nicolas Pelage en concert à Paris : "Dialogue"
Vendredi 20, samedi 21 septembre 2013, 21H
Sunside
60, rue des Lombards
75001 Paris
Réservations au 01 40 26 46 60 ou en ligne
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